Le samedi 30 septembre 2017, de midi à minuit, à Cité Culture (Cité Modèle) aura lieu le Festival des Blocs. Un festival pluridisciplinaire proposé par les Meutes et City-Zen. Alohanews est allé à la rencontre de l’une des figures porteuse du projet ; Karim Akalay, un jeune réalisateur, qui a grandi dans le quartier de la cité Modèle à Laeken.

Pour ceux qui ne vous connaissent pas encore, qui êtes-vous ?

Je m’appelle Karim Akalay, je suis né à Bruxelles. J’entreprends depuis des années des projets culturels de type cinématographique, théâtral et aussi photographique. J’ai appris sur le tas après un parcours scolaire chaotique (rires). En 2013, on crée l’association City-Zen. Dans notre quartier, aucune structure ne bosse avec les plus de 18 ans. Notre asso a vu le jour aussi pour avoir un poids face aux politiques qui prenaient des décisions dans notre quartier avec lesquelles nous n’étions pas d’accord.

Est-ce que la photo et la vidéo ont toujours été une évidence pour vous ?

Je préférais la photo au départ. Tout se jouait à l’instant T. Ce moment précis avait la faculté de raconter énormément de choses. Avec la photo je suis dans l’intuition, tandis que la vidéo, le cinéma c’est plus réfléchi. La photo m’a amené au cinéma.

Comment s’est faite la transition de la photo au cinéma ?

Au départ je voulais raconter des histoires. Le cinéma me paraissait énorme. Je ne savais même pas qu’il y avait des écoles de cinéma. Il y a eu une frustration avec la photo puisque je voulais raconter davantage de choses. Et puis, ce qui m’a séduit, c’est la découverte du travail collectif. Tandis que la photo avait une certaine relation individuelle. On se focalise souvent sur le réalisateur ou l’acteur , or dans le monde du cinéma c’est une très grande équipe qui travaille pour le film.

Dans votre court métrage « Otage du Langage », vous mettez en scène une rencontre dans la cité entre un jeune et une senior qui se rapprochent grâce au langage. Je n’en dis pas plus, pour ne pas spoiler. Vous y avez placé un clin d’œil au film La haine de Mathieu Kassovitz, où l’on voit Said éteindre la tour Eiffel…

(Rires) La haine ! Il faut savoir que mon tout premier court métrage, il y a un plan que j’avais fait et en regardant La haine, j’ai vu que j’avais singer le plan, mais sans le savoir, donc en fait le truc m’avait tellement pénétré même dans mon inconscient que je ne le savais même pas. Clairement La Haine c’est l’une de mes références les plus importantes. Jean Luc Godard, notamment avec le film « A bout de souffle » m’a aussi transcendé. Je lui fais beaucoup de clins d’œil.

Pourquoi Jean-Luc Godard ?

Il m’a fait découvrir la subversion dans le cinéma. Il m’a fait comprendre qu’il ne fallait pas juste mettre des culs et puis c’est bon. Même en terme de positionnement technique, de caméra, il dit les choses de manière insidieuse. C’est un fou ce type (rires).

Jean-Luc Godard

Quels sont les bons ingrédients pour être un bon réalisateur ?

Être à l’écoute de son équipe. Faire une bonne préparation. Pour un bon film, il faut de bons acteurs, une bonne mise en scène, une bonne lumière. Le contenu c’est toujours bien, mais par exemple Pearl Harbor c’est un bon film, mais le contenu me dérange, on y légitimise l’usage de la bombe atomique faut ne pas l’oublier.

Une caméra aussi est un bon ingrédient (rires) ?

(Rires) J’imagine le mec complètement subversif qui veut faire un film sans caméra.

Quelle était l’origine du projet « Otage du langage » ?

Un constat simple : les jeunes du quartier ne parlent pas avec les seniors alors que chez nous tout le monde se connait, mais on ne se parle pas. Une tension existait entre les deux. Je me suis dit que le cinéma pourrait être un outil pour questionner cette réalité. Dans la même idée, j’ai fait une expo photo « Sortir des clichés » qui mettait en scène les préjugés qu’avaient les jeunes à l’égard des seniors et inversement. L’idée était de réconcilier.

Est-ce que l’image libère ? Est-il plus facile de communiquer avec des images qu’avec les mots ?

Je pense qu’au cinéma, il y’a cette philosophie de « si tu veux me raconter quelque chose, ne me le dis pas, montre-le-moi ». C’est le défi d’un bon réalisateur. Montrer les choses.

Le 30 septembre aura lieu la première édition du Festival Des Blocs. Beaucoup de personnes y sont invitées. Le sud de Bruxelles est invité à venir découvrir la Cité Modèle. Par ailleurs, le Théâtre National communique à propos du festival. Est-ce que la cité est en train de changer ?

À la cité, on change l’aspect, on veut que ce soit joli. Cependant, les problèmes sont toujours présents. Le taux de chômage à la Cité Modèle est très élevé. Ça change, mais les problèmes sont toujours les mêmes. Avec 84% de chômage, il y a beaucoup de choses à faire même si on sait que des dynamiques sont actives et œuvrent dans le sens du changement.

Est-ce que vous vous décrivez comme artiste ?

Je ne me considère pas artiste, je suis un technicien. Surtout dans le cinéma, ça nécessite beaucoup de techniques. Être artiste pour moi c’est assez flou (rires). Jimmy Hendricks pour moi c’est un artiste parce que c’est un type qui est dans le génie, qui fait son truc sans le réfléchir, il est très intuitif.

Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour l’avenir ?

La palme d’or (rires).

Propos recueillis par Yousra Dahry