Les fans de la série espagnole « La Casa de Papel » pensaient peut-être ne jamais revoir Tokyo, Berlin, Nairobi ou encore Le Professeur, les principaux protagonistes de la série phénomène de cette année. Et pourtant, « la fête n’est pas finie » comme l’annonçait Netflix ce mercredi 18 avril. Une saison 3 est dans les tuyaux et sera diffusée en 2019. Depuis, les fans de la série n’en finissent plus de se questionner au sujet de l’intrigue de cette troisième saison d’ores et déjà très attendue.

La Casa de Papel, un succès planétaire

Alors oui, pourquoi pas Netflix, on veut bien une saison 3. De toute façon notre abonnement est payé donc il y a de fortes chances qu’on la regarde cette saison supplémentaire. Mais est-ce vraiment nécessaire ? Je m’explique. Ah oui, ça va spoiler sec !

Pour « La Casa De Papel », le schéma est simple (basique) : un début avec l’exposition du plan et la préparation minutieuse du braquage, un milieu où les personnages vivent différentes aventures à l’intérieur et à l’extérieur de la fabrique de monnaie, et une fin, avec leur sortie et l’avènement du braquage. ET C’EST TOUT. POINT FINAL. Pas besoin de plus, la série actuellement se suffit à elle-même.

Condamnée au même destin que « Prison Break » ?

Auparavant diffusée sur Antena 3, une chaîne TV espagnole, la série a été propulsée à l’international par Netflix qui a acquis ses droits de diffusion fin 2017. Au vu de son succès fulgurant et de la demande directe émanant des réseaux sociaux, le géant américain a commandé une saison 3. Et c’est bien là tout le problème : Pour ne pas tuer sa poule aux œufs d’or, Netflix souhaite faire revenir le show et ne compte pas s’arrêter là, prévoyant probablement une éventuelle quatrième saison. En d’autres termes, ces séries sont sous perfusion directe de liquidités et l’on n’aborde plus l’œuvre en conséquence, mais bien en source potentielle de profits, et ce au détriment de la série elle-même. Netflix impacte le marché de la création audiovisuelle et toutes les compagnies de production cinématographique doivent se plier aux exigences de la plateforme de VOD.

Alors que faire ? Continuer dans cette logique de profits et aller indubitablement vers la saison de trop ? L’analogie est facile avec la série « Prison Break ». Tout comme le show espagnol elle avait su trouver son public dès la première saison, son intrigue était également basée sur un huis clos (l’évasion de la prison de Fox River), et ses personnages aux traits poussés à l’extrême rappellent ceux de La Casa de Papel.

Et ce qui fait l’identité principale de ces deux séries, c’est bien le lieu principal où se passe l’intrigue. Ces lieux d’ailleurs donnent le nom du show espagnol, « La Casa de Papel » faisant écho à la Fabrique de Monnaie d’Espagne, et pour « Prison Break » le point de départ : S’évader de la prison de Fox River. Alors une fois l’évasion réussie, et le braquage terminé, ces deux shows perdent indéniablement une partie de leur identité, qu’il leur faudra compenser par la suite.

Et c’est ce que n’a pas réussi à faire « Prison Break » : après avoir fait revenir à la vie des personnages morts dans les saisons précédentes (sérieux les gars on n’est pas dans un Marvel…), le show s’était essoufflé complètement jusqu’à se voir annulé en 2008 à la fin de la quatrième saison. Reprogrammée par la Fox en 2017, la saison 5 a vu afficher des audiences plus que décevantes, mais n’a pas découragé les producteurs puisqu’une saison 6 est prévue.

Pourquoi revenir, et comment ?

Pour le nouveau bébé de Netflix, étant ancré dans une chronologie bien définie et basée sur ledit braquage, on voit mal par quel procédé scénaristique le showrunner Álex Pina pourrait faire revenir de manière crédible le Professeur et toute sa joyeuse bande, et encore moins quels enjeux pourraient de nouveau les amener à se réunir, puisque la fin de la saison 2 laissait supposer que tout le monde coulait des jours heureux aux quatre coins du globe.

Si on oublie les quelques incohérences scénaristiques (coucou Tokyo et sa moto, entre autres), la série est habilement réalisée avec des références évidentes à d’autres films de braquage : D’« Inside Man » de Spike Lee pour le fait de faire porter les mêmes tenues que les braqueurs aux otages, en passant par « Reservoir Dogs » pour les surnoms et l’anonymat supposé du crew de malfaiteurs, et j’irais même jusqu’à ajouter « Heat » de Michael Mann pour les moments de tension. D’ailleurs ces films sont des incontournables si vous aimez ce genre de délire.

Mais si on regarde de plus près ces films, on note tout simplement qu’il n’y a pas de « Reservoir Dogs 2 » ou même de « Inside Man 4 », ce serait totalement grotesque. Et encore une fois oui, ces œuvres se suffisent à elles-mêmes.

On assiste donc à une lutte « David contre Goliath » 2.0, où les producteurs jouent David qui affronte le géant américain. Mais ce point reste à nuancer, les auteurs n’ayant pas eu le couteau sous la gorge pour signer avec la plateforme de VOD. Effectivement ils ont accepté le chèque, et doivent maintenant en assumer les conséquences, aussi bénéfiques que tragiques en cas de naufrage.

On espère de tout cœur que cette saison 3 ne sera pas « la saison de trop », qui si c’est le cas clôturera une belle aventure qui aura été littéralement gâchée par l’appât du gain, que la série elle-même dénonce. Ironie, quand tu nous tiens…

Cyrille Pichenot