Virgil, le Moldave, Chanchal, le Bangladais, et Assan, le Somalien et sa fille Iman. Leur quotidien les sépare, mais l’exil les rapproche. Ces quatre héros sont des ouvreurs de route. Pascal Manoukian, écrivain et journaliste, a voulu mettre leur destin en scène dans un livre intitulé « Les échoués ». Un hommage aux échoués arrivés à bon port…ou presque. En cette journée internationale des migrants, Alohanews revient sur ce brillant florilège de tribulations.

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Par bateau, cachés dans une camionnette ou à pieds, des milliers de migrants s’empressent aujourd’hui vers d’autres horizons, trainant leur destin et celle de leurs familles comme un boulet avec une chaine attachée au pied. Les chiffres et les images sont là, on les voit comme un nombre triste et lointain. « Les échoués » prend à contre-pied ce constat recensé en restituant la voix et le visage respectifs de chaque migrant. Par ailleurs, le roman situe son récit en 1992, comme pour signifier le commencement d’un éternel péril pour des milliers de personnes :

« J’ai voulu raconter l’histoire des pionniers, des ouvreurs de ces routes. Ça fait 20 ans qu’on essaie de traverser la Méditerranée, et on y meurt », raconte Pascal Manoukian, auteur du roman. « Je fais découvrir aux lecteurs, en même temps que les héros, tout ce qui est mis en place : les réseaux de passeurs, les premiers groupes de djihadistes, les premiers pêcheurs libyens qui se disent qu’ils peuvent abandonner la pêche et se livrer au trafic humain. »

Nous ne sommes pas que spectateurs de ces drames

Lampedusa, à l’époque, est encore une petite île paisible. Les premiers bateaux remplis de migrants commencent seulement à défier la mer. En Somalie, le premier État de non-droit voit le jour. L’année 1991, un tsunami ravage le Bangladesh. C’est aussi l’effritement de l’URSS et le détachement des pays satellites du bloc. Les vagues humaines, en quête d’espoir, affluent de partout. « Les échoués » raconte le périple jusqu’en France et le quotidien de quatre réfugiés sur le sol français. Un quotidien clandestin qu’affrontent les héros du livre et sillonnent entre marchands de sommeil, négriers, drames et petits bonheurs. « On aurait tort de penser que ça peut arriver qu’aux autres », confie l’auteur du livre. « Je suis issu d’une famille arménienne échouée en France après le génocide en 1927. Ma propre mère, pendant la guerre, a dû fuir sur les routes. Dans ma famille, en deux générations, on a déjà dû partir deux fois ». Sorti en août dernier, « Les échoués » est un roman prenant, juste et passionné.

En cette journée internationale des migrants, le 18 décembre, Pascal Manoukian dresse un portrait de la réalité qui n’émeut plus :

« Toutes les images qu’on a vues, des centaines de milliers de gens qui se pressaient aux frontières, qui marchaient dans la boue en empruntant les petites routes de campagne, on ne les voit plus aujourd’hui. Les attentats ont beaucoup occulté le problème des migrants. Je crois qu’on se prépare à une grosse catastrophe humanitaire, l’hiver arrive. Les migrants sont redevenus invisibles. Je crains que la baisse de la température enfantera un nouveau drame. Ce ne sera pas des petits corps de Aylan, noyé, que l’on va découvrir, mais des dizaines d’enfants voire des centaines d’enfants qui risqueront de mourir de froid. Tous ces gens que l’on a aperçus sur nos écrans sont toujours là ».

L’année 2015 ferme son rideau avec son lot de souffrances humaines : plus de 5000 personnes ont perdu la vie en cherchant de meilleurs lendemains ces douze derniers mois.

  

Nikita IMAMBAJEV

 

Les Échoués, Pascal Manoukian, Éditions Don Quichotte, 304 pages, 18,90 euros.

 

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