Après le succès de son one-man-show « Se marier à tout prix », Abdel Nasser annonce un retour fulgurant avec son nouveau spectacle « Retourne dans ton pays ». Dans ce spectacle, l’humoriste belge d’origine marocaine revient avec humour sur des questions identitaires qui l’interpellent depuis son plus jeune âge. Celui qui se demandait où était sa place l’a bel et bien trouvée et c’est définitivement sur scène ! Venez découvrir ce spectacle le 4 décembre au Théâtre Les Riches Claires et le 22 décembre au Théâtre Molière.

Vous dites qu’après avoir vu Gad Elmaleh sur scène vous avez su que vous vouliez devenir comédien. Pour quelles raisons ?

J’ai vu son spectacle en cassette VHS, donc ça remonte (rires). Et quand j’ai vu un mec qui me ressemblait, qui parlait comme moi et qui disait « ner-ner » dans son spectacle, non seulement j’ai trouvé ça drôle, mais j’ai surtout trouvé ça vraiment puissant ! Je me suis dit : « purée un mec qui me ressemble, mais dans ma télé quoi ». Parce qu’avant ça, quand on regardait les super-héros par exemple, on n’avait pas vraiment de modèles à la télé auxquels on pouvait s’identifier.

Et puis le vrai déclic où je me suis dit que j’aimerais être comédien, c’est quand mes sœurs m’ont fait la surprise de m’emmener voir Gad Elmaleh au Cirque Royal de Bruxelles. Je devais avoir 15 ans et quand j’ai vu cette salle, cette énergie, c’est là que je me suis dit que c’est ce que je voulais faire.

Qu’est-ce qui vous plaît tant quand vous êtes sur scène ?

Être sur scène est une chance. Des gens payent pour venir écouter ce que tu as à raconter. Ce que j’aime c’est cet espace d’expression, de liberté, où je peux dire ce que j’ai envie de dire.  Et il y a aussi ces moments après le spectacle où tu échanges avec les spectateurs. Ce sont des moments où je me dis que j’ai de la chance.

Est-ce un métier difficile ?

Quand tu fais du stand-up ou de l’humour, c’est très dur humainement. Par exemple, au théâtre tu joues un rôle, tu es beaucoup plus à l’aise, mais quand tu fais du stand-up c’est ton nom qu’on réclame et tu te dis que si tu ne fais pas rire t’es juste une merde (rires). Comme dit l’humoriste américain, Jerry Seinfeld, l’humoriste c’est l’un des artistes les plus jugés au monde parce qu’il est jugé constamment. Chaque vanne est un examen. C’est dur quand tu montes sur scène et que tu n’as pas le retour espéré.

© Yousra Bouhamidi

Qu’est-ce qu’on se dit quand on commence ce métier ?

Quand tu commences tu te dis : Qu’est- ce qui fait rire les gens ? À mon époque, ce qui faisait rire c’était le Jamel Comedy Club. Je m’inspirais de ces univers-là avec parfois des blagues sous la ceinture, des blagues sur les minorités telles que les gitans.

Une fois je jouais, ma mère était présente et il y avait beaucoup de blagues sous la ceinture dans mon spectacle. Elle m’a dit : « mais mon fils je ne t’ai pas éduqué comme ça ». Et c’est vrai que je me suis rendu compte que ça ne me ressemblait pas du tout. Et c’est comme ça que j’ai évolué, parfois des gens te donnent un feedback et je pense qu’il faut savoir se remettre en question.

Vous parlez dans votre nouveau spectacle des attaques terroristes, de l’élection de Donald Trump et des amalgames dont sont victimes les musulmans. Quelle est la démarche avec ce spectacle ?

Le déclic je l’ai vraiment eu quand j’ai vu un ami à moi, qui n’est pas d’origine marocaine, poster des messages islamophobes sur Facebook, dont un qui m’a véritablement choqué, qui était : « que tous les musulmans dénoncent leurs amis terroristes ». J’ai vraiment éprouvé le besoin d’en parler et j’ai donc commencé à écrire. Et face à ce racisme, à cette islamophobie montante je me suis un peu plongé dans cette quête identitaire. C’est quoi être arabe ? Quand j’étais petit, on m’appelait déjà l’arabe. Comment ça se fait ? … Donc voilà la démarche c’est qu’il y a ce que racontent les médias et il y a ce que j’ai envie de raconter.

L’affiche du spectacle est très représentative du message que vous voulez faire passer, qui est : finalement c’est où chez moi ? Que diriez-vous à des jeunes qui ressentent ce même mal-être aujourd’hui ?

Je pense que l’une des premières choses c’est d’essayer de comprendre sa propre histoire. Par exemple, j’ai découvert l’histoire de l’immigration marocaine très tard. Je devais avoir 25 ans quand j’ai commencé à demander à mon père comment il est arrivé en Belgique. Découvrir cet aspect historique, de savoir que la Belgique a signé une convention avec le Maroc parce qu’elle avait besoin de main-d’œuvre et c’est pour cette raison qu’il y a beaucoup de Marocains en Belgique, est important pour moi. C’est important d’aborder cette construction identitaire et c’est pour ça que je pense qu’à l’école on devrait entendre parler davantage de l’immigration marocaine, de la colonisation du Congo… de choses comme ça.

Et je pense que les personnes qui ont des origines étrangères doivent comprendre qu’elles sont Belges et qu’elles sont influencées par cette culture. Dans mon spectacle, je parle du fait que là où je me sens le plus Belge, c’est au Maroc. Une fois au Maroc un taximan m’a dit qu’à la manière dont j’ai fermé la porte, il savait que je n’étais pas du Maroc (rires). Il savait que j’étais ce qu’on appelle un MRE, un Marocain résidant à l’étranger.

Et puis je conseillerai à ces jeunes d’aller deux mois au Maroc et ils verront comment la Belgique va leur manquer. Et là vous sentirez que vous êtes Belges (rires). Mais voilà il faut s’accepter tel que l’on est, accepter le fait qu’on est d’origine marocaine et qu’on en est fier.

Propos recueillis par Leila El Hariri