Seyté est un poète mélancolique qui déambule dans Bruxelles les mains dans les poches en observant son environnement d’un air tantôt désabusé tantôt bienveillant. Il nous a accordé une entrevue avant de se produire sur la scène de la Tour à Plomb le 6 avril dans le cadre de l’événement Lezarts Urbains édition Human Traffic.

 

Attablé dans un bar bien bruxellois, la tasse de café aux lèvres, Colin nous parle de son voyage au Mexique : « Je suis parti seul avec l’envie de m’ouvrir aux autres. Dans un bus, un vieux monsieur me racontait qu’il cultivait des champs toute l’année pour aller vendre ses denrées à chaque fin de mois au marché de la ville. Des itinéraires de vie complètement aux antipodes du mien et qui personnellement m’inspire ». La diversité, c’est justement l’idée que Human Traffic veut mettre en avant et Seyté souscrit au projet : « il faut faire plus d’événements comme celui-là, cela permet d’éduquer les gens, d’élever les consciences. Un constat triste, mais réel est que l’on ne nait pas tous égaux dans nos sociétés. Si on peut lier le musical à des valeurs comme celles-ci, c’est super ».

Seyté, la vie est belle

Depuis ses débuts avec la Smala en 2008, Seyté cultive un esprit d’indépendance très « Do It Yourself », fait qui ne déroge pas avec le temps : « Faire les choses par moi-même, ça m’a toujours tenu à cœur. Tout se passe dans ma chambre au niveau de l’écriture. Le rap c’est une passion, je ne veux pas le voir comme un truc pour gagner ma bouffe.». Il est revenu en mai 2018 avec un projet, « La Vie et Belle », qui interpelle par sa cover représentant une dalle de trottoir sur laquelle on distingue une feuille de palmier. Un choix graphique qu’il justifie : « j’ai voulu exprimer que ,même dans des milieux ultra-urbains comme la ville, la verdure finit toujours par refaire surface au milieu du béton. La nature, c’est quelque chose que je trouve incroyable. Le fait qu’une graine puisse germer et faire naitre une fleur qui va nourrir une abeille, c’est quelque chose qui peut paraitre anodin, mais on y pense pas tant que ça. ».

Musicalement, Seyté est passé d’un son très boom bap à un son plus intimiste avec un penchant fort pour la guitare acoustique. En témoigne le titre « Milonga »: « Pour ce morceau, j’ai mis un sample de milonga sur une boucle. La milonga c’est un genre de tango argentin qui met le morceau dans une ambiance latino. Je l’ai aussi appelé comme ça pour que les gens s’intéressent à ce genre musical».

 

Seyté oscille entre punchlines percutantes et constatations acerbes, le tout avec un humour mordant. Une inspiration qu’il puise dans la vie de tous les jours : « C’est un travail constant. L’inspiration est partout, dans un mot, un lieu, un souvenir. Je me nourris beaucoup de ce que j’entends, de la spontanéité des discussions que je capte dans le quotidien où il y a souvent beaucoup de vérité ».

Au fil de la discussion, nous nous attardons sur certains titres du dernier album, en particulier sur « Punchlines qui trainent 2 » où il déclame : « j’passe une soirée avec mon amoureuse, on fait l’amour devant la Boum 2, oui mon gars j’laisse Scarface et La Haine aux branleurs qu’ils rêvent de la vie qu’ils n’ont pas ». Seyté : « ce sont deux grands films, mais par autodérision je casse le cliché du rappeur gangster qui nique la police. Ce qui me gêne avec des films comme « Scarface », c’est que certaines personnes n’en retirent pas les bonnes choses. Dans le film de Brian de Palma, le destin de Tony Montana est atroce :il finit complètement parano et il a tout le monde à ses trousses. Je ne vois pas en quoi ça fait fantasmer des jeunes de la rue. Je dis aussi sur un morceau : « on ira où si nos modèles c’est Al Capone et Pablo Escobar », le narcotrafic ce n’est pas quelque chose d’amusant ni de souhaitable, ça fait couler du sang et entraine la corruption. Les gens qui les glorifient, ça me dépasse».

 

Au final, par sa vision personnelle Seyté touche l’universel.: « Je pense que j’ose m’exprimer et que c’est quelque chose qui n’est pas évident à faire, le fait de se mettre à nu. J’arrive à mettre une idée avec des mots et la faire ressentir sur une instru, les gens qui ont écouté et qui ont compris ton idée c’est juste magique, les encouragements ça fait plaisir et arriver à toucher des gens, c’est mission accomplie ».

Bruno Belinski