Il ou elle est parti(e) et vous êtes là. Vous êtes toujours là, dans un brouillard permanent, à vous demander pourquoi et comment. À essayer de vous remémorer ses gestes, sa couleur préférée, à vous demander comment il ou elle aurait réagi dans telle situation, à l’appeler, inlassablement, jour et nuit. À murmurer son nom dans la nuit, à verser des torrents de larmes, à avoir constamment la tête chiffonnée et le cœur rempli de sa personne.

C’est une douleur qui vous déchire littéralement le cœur. Il n’y a pas d’autre expression pour l’exprimer, car c’est exactement cela que vous ressentez dès que vous y pensez. C’est comme si l’air n’était plus suffisant, comme si votre cœur palpitait en permanence, comme si vos côtes prenaient trop de place et vous étouffaient.

En partant, elle a arraché une partie de moi, ce doit être ça ce vide si grand que je ressens en permanence, ce trou béant qui me semble immense.

Comment vivre, comment respirer, comment boire et manger lorsque l’on se perd un peu soi-même ? Lorsque le départ d’un ami, d’un parent, d’un mari, d’un proche vous engloutit tout entier ?

Il faut tout réapprendre. Apprendre à se lever, à sourire, à parler, à s’embêter parfois aussi, à travailler, avec un morceau de soi en moins. Accepter d’être un nouveau soi et d’être un peu moins complet qu’auparavant.

Les gens autour de moi continuent leur vie. Parce que, oui, cela me semble inimaginable, mais la vie continue. C’est une question que je me pose depuis des semaines : comment la vie peut-elle reprendre son cours normal, tranquille et paisible alors qu’elle n’est plus là ? J’ai envie de crier au monde entier qu’il doit s’arrêter parce que le mien s’est arrêté. Je trouve que les gens sont parfaitement égoïstes de vivre aussi naïvement alors que mon cœur est littéralement brisé et qu’il se fissure un peu plus lorsque, à chaque minute, à chaque seconde, je dois réaliser qu’elle ne reviendra pas. J’ai envie de hurler contre tous ceux marchent bêtement dans les rues alors que je la cherche dans chacun de leurs pas.

Qu’avons-nous fait de tous ces souvenirs ? De ces moments passés ensemble ? Pourquoi n’ai-je pas pris le temps de les savourer avec une infinie douceur ? Parce que nous pensons toujours avoir le temps. Ou que nous préférons éviter d’y penser, comme si cela nous permettait d’occulter une vérité tellement évidente.

J’ai envie de parler d’elle tout le temps à qui veut bien l’entendre (et ne pas l’entendre aussi) juste pour ne rien oublier. Parler, c’est continuer à la faire vivre un peu. J’ai appris que parler d’elle, c’était une sorte de propagation d’amour. Et il arrive que d’autres jours, je ne veuille même pas entendre son nom. Juste pour éviter l’énorme claque qui me rappelle son départ.

Quand arrive un événement merveilleux, j’ai envie de l’appeler. Quand quelque chose me fait rire, j’ai envie de l’appeler. Il y a certains jours où rien ne se passe vraiment, mais durant lesquels j’ai envie de prendre mon téléphone et de composer son numéro.

Il y a quelques jours, dans un moment que je ne m’explique toujours pas, elle me manquait terriblement- plus que d’habitude. J’ai pris mon téléphone et ai composé son numéro ; j’avais réellement l’intention de l’appeler pour lui dire combien elle me manquait.

C’est peut-être ça, aussi, « faire son deuil » : oublier que plus personne ne répondra plus jamais au téléphone.

Parfois, je me sens, je nous sens un peu surhumains, nous, qui vivons encore. Le temps se joue de nous, c’est comme si les heures s’étiraient et que l’on entrait dans une dimension différente. Il y a des jours qui semblent durer une éternité. Mais on est là, les gars, on est là. Toujours debout. Et c’est la seule chose positive que j’ai trouvée dans cette atrocité de la vie, c’est de me retourner sur mon chemin de vie et de me dire que j’ai survécu à un jour de plus. Et pourtant, sa douceur me manque, ses éclats de rire qui se propageaient comme des étincelles dans la pièce et qui vous illuminaient me manquent.

Je pense, à tort ou à raison, qu’il ne faut pas se brusquer et que le deuil est un chemin si personnel qu’il ne sert à rien de vouloir le surpasser à tout prix. Un jour à la fois, une heure à la fois. Je me dis qu’un jour, ça finira par aller mieux. Qu’il y aura sûrement un moment où je pourrai vous parler d’elle sans m’effondrer. Pour tout vous avouer, je ne crois pas trop à mes paroles là tout de suite, mais je suis convaincue qu’un jour, ça ira.

Il y a certains jours où je ne pense à elle qu’une fois par heure (et ils sont rares). Ces jours-là, je me surprends à avoir honte et à ressentir une certaine culpabilité. « Quoi, elle n’est partie que depuis x temps et je pense déjà à elle moins souvent ?! »

Je pense que le plus dur n’est pas de se convaincre que ça ira, mais plutôt de constater que notre chemin avance, avec nous, sans que l’on n’y puisse quelque chose. Accepter de vivre avec l’absence.

Vivre avec cette culpabilité de penser moins souvent à nos proches partis, comme si c’était une trahison envers eux.

Comme si l’amour allait disparaître parce que l’on tente de continuer à vivre. Je n’ai pas encore trouvé d’équilibre dans cette pensée.

Et puis, il y a certains jours où j’ai l’impression de porter le poids du monde sur mes épaules tellement l’absence d’un être cher peut peser, mais j’ai réalisé que ce poids, je pouvais le partager avec ceux qui (sur)vivent. Et je vous jure que ça a tout changé. Parce qu’on pense être le ou la seul(e) à vivre un drame alors qu’en fait, nous sommes une sacrée communauté. La communauté des vivants.

Alors, je n’ai pas les mots corrects, et ce que je vous écris est certainement très maladroit, car j’ai dû finir par accepter que je n’avais pas le monopole de la tristesse et que d’autres que moi souffraient tout autant. Je vous écris donc ce que je ressens. Et je ressens que ça ira. Pas demain, pas dans un mois et peut-être pas dans un an, mais certainement un jour.

À vous tous, à vous qui tentez de survivre à une absence laissant un trou béant, vous n’êtes pas seuls, je ne le suis pas non plus. Nous sommes ensemble, parfois dans la tristesse, parfois dans la joie, et puis parfois dans la nostalgie aussi. Mais nous avons tous un point en commun : nous continuons de faire vivre ceux qui nous ont quittés à travers l’amour que nous leur portons.

Parce que l’amour est éternel et transcendant.

Alexia Zampunieris


Alexia vient de publier son nouvel ouvrage intitulé « Mademoiselle cherche le soleil » aux Editions Chloé des Lys à découvrir ici