Rouillé depuis quelques années déjà, hier, j’ai songé au changement. Une certaine autocritique à mon esprit engourdi. Grâce à la nuitée se conjuguant harmonieusement à cet élan philosophique, je me suis demandé : Est-ce que pour avoir raison, il faut que les autres aient tort ? Vous avez 4 heures les amis.

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Plus sérieusement, de ce questionnement nocturne a découlé une (in)certaine réflexion sur moi-même. Est-ce que, lorsque je discute avec l’Autre quel qu’il soit, l’échange est une querelle d’égos ? Ou plutôt une marche commune vers une vérité consensuelle ? Dur d’y répondre. Tout ce que je sais, c’est que, souvent, le JE vient bouleverser mes intentions.

Il y a parfois des malentendus, mais surtout des malentendants. Notre oreille nous fait souvent défaut, car on entend, mais on n’écoute pas. De notre surdité vient donc le malentendu. C’est de cela qu’il s’agit car le désaccord est le chemin le plus court entre deux opinions. L’orgueil paraphe la trêve de coexistence. Dans nos conversations, c’est la valse des égos. On veut tous avoir raison et danser jusqu’à pas d’heure. Personne ne veut admettre qu’il peut se tromper. Rien qu’une fois. Une seule.

Le tort est tabou. Soudainement, l’enrichissement par l’échange est une récolte des fruits en période de disette. On est comme absent. On n’avance pas d’un pas. Nada. Certains se renferment sur eux-mêmes, comme quand la nuit est glacée. Naturellement, on se recroqueville dans nos couvertures que l’on connait par coeur. Celle des certitudes. Un lit de mort du débat. On n’échange plus, du coup. On rejette tout. En tête à tête, seuls, avec notre nombrilisme à deux balles. Même si la solitude a beaucoup de vertus, ce n’est pas de solitude qu’il s’agit, mais d’esseulement. Entendons-nous bien, être solitaire signifie être seul sans se sentir esseulé. L’esseulement a été imposé par convictions aveuglées. On est esseulé, donc. Vainement. Avec le refus catégorique d’accepter les autres car ils ne sont pas comme nous. Ils sont différents.

Il est facile d’aimer un être parfait. Beaucoup moins évident d’aimer la différence même si, paradoxalement on cherche tous à être différents. Par peur d’être aimé par tout le monde peut-être. Rûmî, l’illustre poète disait : « La vérité est un miroir tombé de la main de Dieu et qui s’est brisé. Chacun en ramasse un fragment et dit que toute la vérité s’y trouve ». En une phrase, il m’a déconstruit, comme un souffle brusque sur un château de cartes. Alors la seule issue qui s’offre à nous, pour pouvoir vivre pleinement, sans préjugés, ni rejet, dans ce projet qu’on appelle l’humanité, est un miroir. Oui, soyons tous miroir. Pour exister. Simplement exister. Accepter l’autre pour qu’il devienne une glace à travers laquelle on pourra se voir en toute intégrité. Je sais, c’est facile à dire. Mais ça demandera de prendre les armes et mener une guerre intérieure. Contre nous mêmes. Ca risque de piquer, un petit peu. Lorsqu’il n’y a pas de douleur, il n’y a pas de naissance. Le renouveau passe par l’autocritique et l’acceptation de l’autre. De quoi blesser son égo. De l’intérieur. « Ce n’est que du dedans qu’une âme probe et sincère puisse aspirer au Salut ». Ca fera mal, mais anesthésié par l’envie de coexister, ensemble, tout devient possible. A partir de maintenant, Je est un Autre.

Nikita IMAMBAJEV