Dans la langue française, une personne ne possédant pas de domicile fixe, par choix, est appelée un vagabond. Mais qu’en est-il d’une personne qui se retrouve du jour au lendemain sans toit où s’abriter ?

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« Chacun chez soi ! « . 3 mots suspendus aux lèvres de certains. 3 mots que scandent certains comme un étendard au-devant de leur maison. Une phrase. Une simple phrase, pourtant si lourde de sens faisant de milliers de personnes des pions que l’on jette ou que l’on accueille selon ce qui nous arrange le mieux.

Le mot « immigré » est aujourd’hui synonyme de répulsion, de peur, d’hostilité voire de dégout. Pourtant ce qui est étrange est que suivant l’endroit où nous nous trouvons dans le monde nous pouvons tous être traités à notre tour d’ « immigré ». En vérité, nous avons tous les mêmes peurs, les mêmes angoisses, les mêmes aspirations. C’est juste qu’elles ne portent pas toujours les mêmes noms. Et cette différence d’appellation nous pousse à dénigrer l’autre. Cet autre qui nous est pourtant si semblable.

C’est la gorge nouée que je regarde ces personnes errantes d’un endroit à l’autre. Ces mêmes personnes qui, il y a quelques années d’ici, vivaient également dans la dignité et le respect et ne pensaient nullement au cauchemar qu’ils vivent aujourd’hui. Je me suis rendue compte à quel point avoir son chez-soi était une expression d’une importance infime. Pour nous, posséder un domicile est une chose si normale que nous la quittons sans trop de peine et nous nous y attachons que par la force des habitudes.

Chaque époque apporte son lot de joie et de peine. Chaque époque a ses atrocités et ses moments d’allégresse. Pourtant, en ce moment où j’écris j’aperçois face à moi un paysage mondial de plus en plus défiguré par l’horreur. Je vois des morts, beaucoup de morts. Les médias nous ont tellement habitués à de telles cruautés que nous ne réagissons plus. Un mort, deux morts, cents morts, mille morts. Des chiffres. Rien que des chiffres. Je vois également des gens chassés de chez eux. Des gens à qui l’on refuse de tendre la main. Des âmes errantes avec une histoire, un passé oublié, un présent volé et un futur insensé.

Je lis beaucoup de propos haineux, très peu de compréhension, un peu de dérision. Je vois dans le regard de certains beaucoup d’effroi, très peu de compassion, un peu d’humanité. Je ne vois autour de moi que des mines fermées, des regards ternes, des visages inexpressifs. Comme beaucoup, je me demande comment surmonter ces silences et ce froid de la peur, comment apporter une touche de lumière dans cette obscurité. Si la misère économique est une réalité, elle se transforme davantage vers une misère affective et morale.

Trop d’injures sous mes yeux, trop de lamentations, trop de cris, trop de pleurs, trop de réactions négatives, trop d’images insoutenables, trop d’injustice, trop de trop. J’en viens à me demander si la paix ne serait pas un concept à vivre à une échelle individuelle, c’est-à-dire en étant fière de ses convictions – quelles qu’elles soient – en ayant le cœur serein.

L’Histoire, on le sait, bégaie souvent, mais s’il y a une chose qu’elle nous a enseignée c’est que l’épouvante ne fait pas force de pédagogie ou d’éducation…

Chaïmae OUARET