Dans mon esprit, c’est le grabuge. Un peu semblable à un 10 mètres carré d’un alcoolique dépressif. Mon sourire, esquisse des souffrances intempestives. Aidez moi, ça urge.

Pendant que ma façade corporelle chantonne la plénitude, au-dedans, c’est une pièce de théâtre à laquelle le monde entier a tourné le dos. « Il n’y a rien à voir! Il n’y a rien à voir », semble-t-il crier. Me fait-il comprendre qu’il n’y a rien à voir en moi ?

Je suis un clown triste. Désormais, je jongle avec mes maladresses, des verbiages et des tics de fausse politesse. Ma face, aux yeux reluquant les soubassements d’une société qui m’a lâché la main, a pris la place du grimage qui, au fil des couchers de soleil, commençait à partir.

Je suis à découvert avec, en prime, une mine qui fait peine à voir. Mon texte scénique, que je connaissais pourtant par cœur, car gravé dans mes convictions, n’est plus qu’un amas de souvenirs confus. Je ne sais plus qui je suis, ni ce que je représente, et puis, peu importe. Il n’y a personne. Dans l’auditoire, toutes les places assises sont vides, même le fantôme de la salle a plié bagage.

Cette amnésie collective de ce que je suis et de ma place dans le paysage quotidien est un supplice. Je suis éreinté, en colère, tristement en colère. En quête d’un salut immédiat, un tout autre rôle m’est soudainement proposé. Un rôle qui n’est pas le mien. Pourtant, pour être crédible et être enfin entendu, je dois en endosser les répliques obnubilant mon aura. Je maudis ce public qui m’a oublié, mais désormais saura que j’existe. Je les hais, car ils faisaient partie de ma chair. Je les répudie et je me rends compte que je ne suis pas le seul. Plus le seul. Nous sommes, au seuil de la perdition, désormais une poignée d’oubliés sanctifiant nos destins. En congrégation, rythmé par le rejet et l’émotion, on mène la danse, usant de prophéties autoproclamées qui comblent le sens de la justice et du vivre ensemble.

Tout comme ma voix de post-adolescent, le regard qu’on me porte a mué. Maintenant, ils me dévisagent, ébahis. C’est une nouvelle pièce de théâtre qui fait figure d’avant-première, dans laquelle je me donne cruellement en spectacle, l’air convaincu de ma prestation. Plus rien ne compte désormais. La pièce de théâtre, désertée autrefois par toute l’humanité, est pleine à craquer. Dans ce prétoire, on me juge par mes actes immondes, que je considère encore innocemment comme étant salutaires. Voyez-moi comme vous voulez, peu importe. Regardez-moi, juste. Votre contemplation est mon échappatoire.

 

Nikita Imambajev