Chapitre 4 (Voir Chapitre 1 / Chapitre 2 / Chapitre 3)

Ce quatrième chapitre met la focale sur les actions exécutées sur le terrain en Afghanistan. Les moyens mis en place dans le processus de guerre font partie intégrante d’une analyse sous le prisme d’une morale de la guerre. Afghanistan, terre de conflit. Certes. Mais est-elle un territoire où la légitimité est honorée ? Décryptage par Alohanews.

Qui dit conflit, dit moralité dans l’intervention. Les actions de l’agresseur comme de l’agressé sont régies par le droit international. De ce fait, cela établit une égalité de droits et d’obligations des parties en conflit. Dans ces circonstances émerge le concept du jus in bello. Celui-ci encadre le conflit quand la guerre est déclenchée. D’antan, nombreuses règles du droit humanitaire correspondaient au jus in bello. Depuis, nombreux pactes comme celui de Paris ou celui de la Charte des Nations Unies ont modifié les modalités du jus in bello. De fait, une guerre légale et juste dans sa cause peut-être injuste dans les moyens employés par les belligérants lors de cette guerre. Inversement, une guerre illégale dans sa cause peut être conduite de manière légitime concernant le droit international. Il y a une claire distinction entre le jus ad bellum (abordé dans les chapitres 2 & 3) et le jus in bello puisque la légitimité morale des moyens n’est plus entachée par l’illégitimité morale du conflit et inversement.

Les groupes en conflit doivent s’engager à respecter la proportionnalité des moyens. Le déploiement des forces doit être approprié ou nécessaire pour parvenir au succès des buts de la guerre. Autrement dit, l’emploi de techniques de combat excessif à la résolution du conflit empiète sur la morale édictée par le jus in bello. Quelles sont les proportions issues du conflit qui dure depuis plus d’une dizaine d’années ?

L’opération du 7 octobre, appelée Liberté Immuable, qui dura 5 semaines était un succès militaire pour les forces de la coalition. Les forces talibanes comportaient environ 40 000 hommes. Mal organisées et détenant un matériel obsolète, ces factions de combattants par défaut avaient de maigres chances d’opérer une résistance. A contrario, les forces américaines et britanniques, avec l’aide de l’Alliance du Nord, avaient des porte-avions et des drones modernes, un armement sophistiqué et une armée terrestre organisés. Une situation digne d’un affrontement unilatéral.

Le Jus in bello sur un terrain vague

L’offensive anglo-américaine d’octobre 2001 détruit les faibles défenses talibanes grâce aux unités de l’Alliance du Nord qui guident les bombardiers sur les positions talibanes. Les repères talibans sont facilement démolis contraignant les cibles à la fuite. La communauté internationale crie à la victoire tandis que l’adversaire se réfugie dans les régions montagneuses de l’Afghanistan à la frontière pakistanaise.

L’opération éclair menée par les États-Unis est légitimement proportionnelle et s’avère également être une réussite du point de vue militaire. L’ennemi est contraint à la fuite, le gouvernement est réorganisé et le peuple afghan est abreuvé d’espoir. Toutefois, la guerre d’Afghanistan ne s’arrêtera pas là. Les talibans se réorganisent et reviennent sur le terrain avec des méthodes drastiques de terrorisme. Une guérilla urbaine s’engagera également à Kaboul et se dispersera, au fil des années, sur tout le territoire afghan. Un début de gouffre.

De 2001 à 2011, le constat de l’enlisement des forces de coalition est avéré sur le territoire afghan. Selon Karim Pakzad[1], chercheur à l’IRIS et spécialiste de l’Afghanistan, des chiffres éloquents démontrent une situation critique en Afghanistan :

– Le bilan militaire est extrêmement négatif. Dès début 2002, le FIAS (Force Internationale d’Assistance et de Sécurité) déploie un contingent de 7 000 hommes afin de reconstruire l’Afghanistan. 10 ans plus tard, ils sont plus de 140 000.

– En 2002, 70 soldats perdaient la vie. En 2011, on en dénombre 710 faisant grimper le chiffre total des pertes de la coalition à 2 800 militaires[2]. Les États-Unis comptent 32 000 soldats blessés dans la guerre[3].

– En 10 ans, les talibans ont plus de présence sur le territoire et ont davantage de moyens de frapper Kaboul. De plus, la radicalisation de ceux-ci laisse présager une suite chaotique au bourbier afghan puisqu’il y a dix ans, les attentats n’existaient pas.

– Du côté des talibans, selon les estimations du gouvernement afghan et de la coalition, le chiffre des morts s’élève à 20 000 en 2008[4].

L’enchaînement de la guerre en Afghanistan est, par ces chiffres, un échec.  Malgré la réussite militaire de l’intervention du 7 octobre 2001, le succès de la guerre est loin d’être atteint et ne le sera sans doute jamais. Comme le démontrent les chiffres de l’IRIS, le terrorisme ne fait que s’accentuer au fil des années provoquant une plus grande instabilité au sein de l’Afghanistan augmentant le nombre des victimes.

Nous sommes en 2014 et l’instabilité fait rage au sein d’une guerre qui tarde à se terminer. Voici la moralité de l’histoire afghane.

Imambajev Nikita

 


[1] FOCRAUD (Arnaud), Afghanistan : “Les talibans sont beaucoup plus présents qu’il y a dix ans”, dans le JDD, le 07/10/2011.

[3] BURNENS (Nicolas), Le bilan de la guerre contre le terrorisme, dans Le Temps, 05/09/2011.

[4] SCHMITT (Eric) et GOLDEN (Tim), U.S. Planning Big New Prison in Afghanistan, dans The New-York Times, 17/05/2008.