En 2014, l’émergence de Daech comme un acteur menaçant pour la région ainsi que pour le système international a attiré l’attention de la sphère politico-médiatique. Au-delà de la perception souvent simpliste du groupe comme étant une armée de djihadistes assoiffés de sang, Daech s’avère être une machine stratégique et militaire à part entière. Alohanews consacre un dossier spécial « État islamique », avec la publication de plusieurs articles, pour tenter de comprendre différents aspects du phénomène.

Le début de l’année 2014, fort de constats, se dessine comme une continuité conséquentielle de l’occupation américaine de 2003. Le 20 mars 2003, George W. Bush lance une guerre pour capturer Saddam Hussein, l’homme d’État irakien. L’opération militaire, d’une part, parachève la « guerre contre la terreur » entamée depuis les attentats du World Trade Center et, d’autre part, permet l’instauration d’un gouvernement démocratique et pro-américain en Irak. Le 9 avril 2003, c’est la chute de Bagdad. Le chef d’État, accusé de détenir les armes de destruction massive, prend la fuite. Il sera capturé le 13 décembre et condamné à mort le 5 novembre 2006. Après le départ de Saddam Hussein du pouvoir et l’abolition du parti Baas, c’est l’instauration d’un gouvernement de transition. L’Irak post-Hussein sombre dans un déferlement de violence contre l’armée américaine et, plus tard, par une guerre civile aux attentats quotidiens[1]. Entre le 1er mai 2003 et la fin de la même année, 249 soldats américains perdaient la vie. Entre les Kurdes et leur volonté d’indépendance de longue date et l’explosion de violence sunnite, les chiites, majoritaires en Irak, étaient les plus prompts à entrer dans les plans de Washington. La volonté de donner le pouvoir à la communauté chiite, les États-Unis poursuivaient plusieurs objectifs. Selon Gilles Kepel, politologue français et spécialiste de l’islam du monde contemporain, la volonté de donner le pouvoir à la communauté chiite répondait à plusieurs objectifs du gouvernement américain : « pondérer au profit des chiites, plus nombreux que les sunnites sur les rives du Golfe, la redistribution des revenus pétroliers – et également peser sur les équilibres internes au monde chiite en ramenant Téhéran dans le giron américain[2]. »

Avec l’avènement des partisans du chiisme au pouvoir, la chasse de la population sunnite entamée par les milices chiites a fait de Bagdad une ville majoritairement chiite, sans quartiers mixtes. Ces tensions interconfessionnelles ont provoqué la mort de milliers d’Irakiens. On y reviendra plus en profondeur dans les pages qui suivent. À partir de 2012, l’exacerbation de la guerre en Syrie a également accru les ambitions politico-militaires de Daech. De plus, l’expansion exponentielle du groupe sur des territoires syriens et irakiens en un laps de temps très court a alerté les acteurs locaux et internationaux. La guerre déclarée aux États-nations régionaux notamment les États arabes ainsi que les pays d’Occident considérés par Daech comme des puissances « mécréantes », a donné une dimension mondiale au phénomène. Après le Printemps arabe, un nouveau vent bouleverse le Moyen-Orient.

Imambajev Nikita

[1] KEPEL (Gilles), Fitna. Guerre au cœur de l’islam, Paris, Ed. Gallimard, 2004, p.

[2] LUIZARD (Pierre-Jean), Le piège Daech – L’Etat islamique ou le retour de l’Histoire, Paris, Ed. La Découverte, (Coll. « Cahiers libres »), 2015.