Un rapport de recherche réalisé par Gary King, politologue à l’université d’Harvard, révèle que les 480 millions de publications et commentaires postés chaque année par les propagandistes chinois ne visent aucunement à convaincre la population, mais à la distraire.

twitter-logo_2Alexis Denous

Bien qu’en France le tonfa semble de mise, la meilleure manière pour un gouvernement d’étouffer un mouvement social reste surement la distraction, exemple probant avec la Chine.

La République populaire et le Parti au pouvoir sont célèbres pour leur maillage du web, surnommé ironiquement « The Great Firewall of China ». L’Empire du Milieu est aussi connu pour être celui des réseaux sociaux et on en recense environ 1300, sur lesquels sont postés chaque jour plus d’un million de publications et commentaires. Un enjeu de taille, et l’élite chinoise en a conscience.

Le parti communiste est communément appelé « 50 cent party », éponyme de la légende qui voudrait que les 250 000 à 300 000 agents gouvernementaux –bien réels – distillant la propagande du régime sur les réseaux sociaux soient rémunérés à hauteur de 50 centimes par publication.

De nombreux journalistes et académiciens se sont penchés sur ce phénomène et lient la faible popularité de la dissidence au discrédit jeté par les agents gouvernementaux. Le rapport de Gary King publié ce jeudi réfute l’hypothèse, plutôt que d’affronter les contestataires à coup d’arguments, le régime préfère distraire ses citoyens.

Les conclusions du rapport de Gary King se basent sur l’étude du système chinois de censure. Il apparaît que seules les publications et discussions pouvant déboucher sur des actions sont censurées, les critiques du gouvernement sont autorisées. L’appareil d’État a donc plus peur de l’action que des mots, surtout quand il s’autorise à faire la sourde oreille.

L’hypothèse du politologue sur le « 50 cent party » a été étayée par les « leaks » du blogueur Xiaolan. Ce dernier a, en décembre 2014, fait fuiter les mails du service de propagande du département de Zhanggong, dans la province du Jiangxi, au sud-est de la Chine.

Ces « leaks » ont permis à King et son équipe d’établir un modèle de règles et fonctionnement du service de propagande du régime et c’est en extrapolant les résultats à l’ensemble du pays qu’il a tiré ses conclusions. Anecdote cruciale, les propagandistes sont rémunérés en dessous des 50 centimes.

Sur les 488 millions de publications et commentaires postés chaque année sur les réseaux sociaux par les propagandistes, dans la presque totalité des cas, ces derniers ne défendaient pas les positions du régime. Plutôt que de partir dans le débat avec des opposants, les agents gouvernementaux postent des commentaires positifs sur des sujets consensuels. Le régime ne s’oppose en aucun cas aux critiques le visant, mais part plutôt à la recherche d’un consensus avec les opposants, tout en interdisant les sujets à risques pouvant mobiliser la population.

Le but est de tempérer les contestations, il est possible de crier, mais dans un cadre établi par le parti.

Le régime est donc loin de distraire à coup d’Entertainment, mais ne censure pas non plus comme c’est le cas en Turquie par exemple. Une sorte de politique du « verre à moitié plein » dont pourraient s’inspirer certains dirigeants. Finalement, tout n’est pas rose, mais « ça va mieux » en Chine.

Alexis DENOUS

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