La coupe d’Europe de football espoir s’est déroulée en Israël du 5 au 18 juin. Beaucoup de voix se sont élevées pour boycotter cet événement qui occulte la situation d’occupation dans laquelle sont confrontés les Palestiniens. Mahmoud Sarsak est le symbole de cette indignation. Ce jeune attaquant de l’équipe nationale palestinienne, alors âgé de 22 ans quittait Gaza pour rejoindre la Cisjordanie et le club de Balata (Naplouse) qui venait de le recruter. Le 22 juillet 2009, il sera arrêté par l’armée israélienne sans inculpation ni jugement en détention administrative. Il sortira trois ans plus tard après une grève de la faim de 92 jours. Alohanews est revenu sur l’histoire d’un homme au rêve brisé.

Pour quel motif avez-vous été arrêté ?

Tout d’abord, j’ai passé trois ans en prison sans chef d’accusation. Je me demande encore à cet instant quel était le motif de mon incarcération. L’armée israélienne m’a accusé de plusieurs choses. L’accusation majeure était que je faisais partie du djihad islamique. L’armée n’a pas pu le prouver. Je n’ai jamais eu affaire avec ce mouvement.

Comment vous est venue l’idée de la grève de la faim ?

Les raisons qui m’ont poussées à la grève de la faim sont multiples. La première est due aux injustices que j’ai subies durant mes trois années d’emprisonnement. Je n’ai pas été considéré comme un être humain. Pour le gouvernement israélien, je n’étais qu’un chiffre. J’ai été destitué de mes droits. Je ne pouvais avoir aucune visite. Je ne pouvais pas rencontrer un avocat. Je ne pouvais pas comparaître devant un magistrat impartial. C’est pour toutes ces raisons que j’ai entamé la grève de la faim. Je devais me libérer de cette situation d’abus, seul ! Des dizaines de sportifs sont enfermés sans aucun motif dans les geôles israéliennes. Le monde doit le savoir.

Etiez-vous au courant de la mobilisation en faveur de votre libération ?

Non, nous, prisonniers, ne savions pas qu’un élan de solidarité s’était mis en place. Nous étions complètement coupés du monde extérieur. Le gouvernement israélien le fait systématiquement et ce pour tous les prisonniers palestiniens. Nous étions enfermés dans des cellules dans une totale obscurité.

L’ambassadeur d’Israël en France a déclaré que « certains sont footballeurs la journée et terroristes la nuit ». Que répondez-vous à cela ?

Malheureusement, les autorités israéliennes ressortent le même prétexte « terroriste » pour emprisonner des sportifs, commerçants ou étudiants. Pour se donner une belle image auprès de la communauté internationale, Israël agite toujours l’étendard du terrorisme pour justifier sa politique d’apartheid. Israël tue, détruit et emprisonne jour et nuit sans se soucier de qui que ce soit. Le gouvernement appelle Tsahal, l’armée de la défense. Il veut montrer au monde que cette dernière ne fait que se défendre, qualifiant à tort le peuple palestinien d’agresseur.

Deux de vos coéquipiers de l’équipe nationale palestinienne, Omar Abu Rouis et Mohammed Nimr sont encore emprisonnés. Etes-vous encore un contact avec eux ?

Je suis sans nouvelles de mes coéquipiers. Je tiens à rappeler qu’ils sont emprisonnés sans jugement.

Le président de la FIFA, Joseph Blatter s’est-il inquiété de votre situation ?

En effet, il s’est préoccupé de ma situation suite aux pressions qu’il a reçues de plusieurs sportifs et de personnes qui s’étaient mobilisées pour ma libération. Malheureusement, il ne se préoccupe pas de ce que subissent les autres joueurs encore incarcérés. Il ne se mobilise pas pour exiger leur libération.

Comment expliquez-vous le paradoxe du président de l’UEFA, Michel Platini qui s’est mobilisé pour votre libération mais qui dans le même temps a organisé l’Euro des -21 ans en Israël ?

En effet, il s’est mobilisé pour ma libération. Il avait menacé la délégation israélienne de ne plus organiser l’Euro espoir en Israël s’il m’arrivait quelque chose. Il y a deux ans, il s’était rendu en Palestine et avait vu de ses propres yeux la spoliation dont nous sommes victimes quotidiennement. Il avait décidé d’aider le sport palestinien et de mettre un terme aux injustices que subit le sport palestinien. Il n’a pas tenu sa parole. Il a fait volte-face suite aux pressions d’Israël. Il joue avec l’espoir des Palestiniens.

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Vous êtes allés en France afin de participer à une campagne visant à obtenir l’annulation de l’Euro des -21 ans qui se déroule actuellement en Israël. Comment votre démarche a-t-elle été reçue ?

Je n’ai pas été qu’en France. J’ai aussi été en Belgique, Norvège, Pays-Bas, Italie, Grande-Bretagne et en Ecosse. Je me suis rendu compte de la mobilisation citoyenne qui nous soutient. Cependant, les autorités et institutions compétentes donnent un autre son de cloche. Elles donnent le feu vert à Israël pour poursuivre sa politique raciste. Preuve en est, aucun gouvernement n’a contesté l’organisation de l’Euro en Israël. Israël tue des sportifs, des enfants innocents, des civils. Israël bombarde des infrastructures sportives palestiniennes. Israël viole les droits de l’homme de tout un chacun, sportifs y compris.

Vous n’avez que 26 ans, avez-vous encore espoir de reprendre votre carrière de footballeur ?

Oui, j’ai des ambitions mais le fait que je sois à Gaza achève celles-ci compte tenu du blocus imposé. De plus, les infrastructures sont détruites suites aux bombardements de l’armée israélienne.

Quels sont vos joueurs de football modèles ?

J’en ai plusieurs. Tout d’abord Frédéric Kanouté qui a toujours été présent aux côtés du peuple palestinien, Abou Diaby, Zinedine Zidane et Eric Cantona qui a été l’un des premiers à me soutenir en demandant publiquement ma libération.

Si vous aviez un message à faire passer au nom du peuple palestinien, que nous adresseriez-vous ?

Le message au nom peuple palestinien que je peux donner est qu’il faut dénoncer toutes les atrocités que commet Israël à l’encontre des Palestiniens. Les citoyens européens doivent dénoncer la désinformation des médias mainstream qui tronquent la réalité. Israël est toujours présenté comme la seule démocratie du Moyen-Orient agressée par ses voisins. Les citoyens doivent dénoncer l’occupation, l’apartheid installés par cette dite démocratie. C’est en dénonçant cette face d’Israël que le citoyen européen fera avancer les choses dans la région.

 

Propos recueillis par Mouâd Salhi