Organisée le 29 novembre par le Secours Islamique de France, la conférence abordait la thématique de la place de l’humanitaire en Palestine. Des intervenants de taille ont animé la salle à l’Institut du monde Arabe et ont répondu aux multiples questions : Anne Héry, directrice du plaidoyer et des relations institutionnelles à Handicap International, Pascal Boniface, Directeur de l’IRIS et Christelle Dervault, responsable géographique Sud-Caucase et Moyen-Orient à PUAMI. Alohanews, présent sur place, synthétise les échanges ci-dessous.

Lutte psychologique et inégalités

« Israël adopte une réponse insécuritaire face au défi de la sécurité », regrettait Pascal Boniface. En plus des conflits ponctuels tels qu’ont connu les Gazaouis cet été, coutant la vie à plus de 2200 personnes, dont 500 enfants, la Palestine se trouve être sous tension permanente. Mise en place de checkpoints, contrôles d’identité intempestifs, discrimination au droit de pêche, la liste est longue.

« Un système stratégique basé sur un système d’humiliation. Nous sommes au 21e siècle »

Le 28 septembre 1995, un Accord intérimaire israélo-palestinien divisait la Cisjordanie en trois zones, qui sont gérées à des degrés divers, par les autorités palestiniennes et israéliennes.

  • La zone A, regroupant sept grandes villes de la Cisjordanie, est sous la gestion de l’Autorité Palestinienne. Cette zone couvre 20 % du territoire de la Cisjordanie avec 55 % de population palestinienne. Toutefois, sur le terrain, l’armée israélienne se donne le droit d’intervenir dans la zone.
  • La zone B : Des localités à proximité de la zone A font partie de cette zone. Celle-ci est sous autorité administrative palestinienne et sous autorité militaire israélienne. La zone s’étend sur 28 % du territoire et 41 % de la population y vivent.
  • La zone C : Cette dernière parcelle de terre est sous autorité administrative et militaire israélienne. C’est la seule zone possédant une continuité territoriale englobant et divisant les zones A et B. Cette dernière s’avère être la zone la plus fertile et la plus abondante en matière de ressources.

Les ONG françaises tendent à dire que plus de 80 % de la population vit en zones A et B. Toutefois, le potentiel de croissance de population et les opportunités d’investissement sont situés en zone C, sous contrôle israélien.

Christelle Dervault, représentante de l’ONG Première Urgence – Aide Médicale Internationale, dresse également un panel non exhaustif de disparités et de déficience juridique :

  • 90% des plaintes des Palestiniens classées sans suite faute de preuve ou d’investigation.
  • Plus de 60% des écoles réhabilitées il y a quelques années ont été endommagées.
  • En 2013, 1700 oliviers ont été détruits en Palestine. Cela représente une perte de 8 millions de dollars.
  • Le taux d’employabilité des femmes palestiniennes est le plus bas du Moyen-Orient.
  • Le développement économique est fortement endommagé par la mise en place des zones. La majorité des agriculteurs, habitant dans les zones A ou B, possèdent des terres dans la zone C gérée par l’administration israélienne qui décline dans la plupart des cas à émettre des droits de passage.

Mobilisation et citoyenneté

Face à l’inertie de la communauté internationale et des pays arabes, le message d’espoir, c’est la mobilisation de l’opinion publique. « Il y a une génération Gaza, comme il y en a eu au Vietnam, dépassant tous les cadres identitaires » rapporte Pascal Boniface. Les réseaux sociaux deviennent les portes-voix d’une justice mise en péril. Chaque citoyen, de chez soi, peut devenir un émetteur d’opinion à la capacité mobilisatrice. Par ailleurs, la campagne BDS (Boycott, Désinvestissement et Sanctions) Palestine, par le biais d’un relai citoyen, a rencontré un certain succès en France. Pascal Boniface soulignera, lors de la conférence, que « La France est le seul pays qui interdirait le boycott pacifique de produits israéliens ».

Parallèlement à ces actions, le Secours Islamique de France a affirmé la nécessité des ONG, au-delà de l’exercice d’une pratique purement humanitaire, de considérer l’impact politique à l’aide de plaidoyers. Rachid Lahlou, président du Secours Islamique de France, plébiscite cet outil incontournable. « Le plaidoyer, à l’aide de l’expérience sur le terrain et de la récolte d’informations auprès des ONG, permet d’exercer une pression sur les politiques. Par ailleurs, lors des tensions à Gaza en juillet, nous avons été invités à l’Élysée afin de rencontrer François Hollande et faire part d’une situation insoutenable pour les civils. Il fallait prendre une décision en faveur des premières victimes qui sont les innocents ».

Pendant que la France remporte une victoire historique pour la reconnaissance de l’Etat palestinien, avec 339 votes contre 151 à l’Assemblée nationale, le combat citoyen reste à poursuivre. Un proverbe chinois dit que « Si vous savez et ne faites rien, vous ne savez pas ». Vous l’aurez compris, l’humanitaire en Palestine, oui, mais pas n’importe comment…et avec l’aide de tout un chacun.

 Nikita Imambajev