Ziad Abou Eïn, 55 ans, ministre chargé du dossier de la colonisation au sein de l’autorisation palestinienne est mort. Le 10 décembre 2014, le ministre palestinien était allé manifester avec plusieurs personnes à Turmus Ayya, village proche de Ramallah contre l’installation d’un avant-poste illégal de colons israéliens. Alors que les manifestants avaient entamé une marche pour planter des oliviers près de la colonie d’Adei Ad, ils ont été pris à partie par l’armée israélienne. Les soldats ont porté des coups et aspergé aux gaz lacrymogènes les manifestants. Ziad Abou Eïn succombera de ses blessures dans l’ambulance qui l’emmenait à l’hôpital de Ramallah.

L’autopsie du ministre montre qu’il a été frappé au visage. Ses dents de devant ont été cassées. Il a subi une strangulation. Il a subi des pressions et des coups sur sa poitrine et les gaz lacrymogènes qu’il a inhalés ont mené à sa mort. L’autopsie balaye de fait le communiqué du ministère israélien de la Santé qui affirmait que « la mort a été causée par l’obturation de l’artère coronaire », l’une des artères qui alimente le cœur en sang, due à une hémorragie et qui peut-être causée par le stress.

 Autre point noir sur le tableau, selon le ministre des Affaires civiles palestinien, Hussein Al-Sheikh et d’après l’équipe de médecins jordanien, palestinien et israélien qui a ausculté le corps, « les occupants (ont) empêché qu’il soit transporté à l’hôpital à temps pour être sauvé ».

Au niveau officiel, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas a déclaré qu’il s’agissait d' »un acte barbare ne pouvant être toléré ». Le porte-parole du gouvernement palestinien, Ehab Bessaisso a tenu Israël « pour entièrement responsable du meurtre » de Ziad Abou Eïn. Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, quant à lui, a envoyé un message via un de ses conseillers à M. Abbas, « soulignant la nécessité de calmer les choses et d’agir de façon responsable ».

Disparité, inégalité, fraternité

Au niveau des réactions dans le monde, la France a envoyé un communiqué officiel du Quai d’Orsay qui ne manque pas…de diplomatie. Il débute en ces mots : « La France condamne les violences qui ont conduit à la mort de Ziad Abu Eïn ». Le communiqué parle de violences pour qualifier l’assassinat d’un haut responsable politique. Et il va à rappeler: « La France appelle toutes les parties à l’apaisement et à la responsabilité ». Par cette phrase, le gouvernement français ne veut condamner en aucun cas l’assassinat et va même à prévenir les Palestiniens de ne pas se lever contre cette injustice. Aucun commentaire n’a été émis sur l’attitude agressive de l’armée de Tsahal.

Et si l’on transposait cette tragédie en nos terres ? Imaginons un peu, un ministre belge décéder à la suite de « heurts » lors d’une manifestation pacifique? Aurions-nous eu la même indulgence dans le communiqué du Quai d’Orsay ? À vous de juger…

La France a voté la reconnaissance d’un État palestinien à l’Assemblée nationale ainsi qu’au Sénat. Ce vote a sonné comme une lueur d’espoir pour toute personne qui se lève contre toute forme d’injustice. Mais ce vote n’est pour l’heure qu’un symbole, car il attribue la reconnaissance d’un État, mais ne remet pas en question les problèmes cruciaux à savoir la colonisation et l’occupation militaire des territoires palestiniens.

Des milliers de personnes ont afflué pour rendre un dernier hommage à la dépouille d’un vétéran de la lutte palestinienne. L’heure est à la mobilisation. Qu’ont-ils mérité pour hériter de cette pâle estime de la part de l’occupant ? Un grand poète palestinien Mahmoud Darwish disait: « Nous souffrons d’un mal incurable qui s’appelle l’espoir ». Et cet espoir de paix ne pourra émerger sans justice.

Mouâd Salhi