Le 14 mars dernier, la Cour de justice de l’Union Européenne a rendu un avis concernant le cas de deux femmes licenciées en France et en Belgique pour port du voile. Cette décision remet au devant de la scène la question de la discrimination à l’embauche dans le marché du travail.

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Les entreprises privées ont le droit, sous conditions, d’interdire le port du voile à leurs salariées. Cette décision a été vivement contestée par plusieurs associations et collectifs dont le CCIB, Collectif contre l’islamophobie en Belgique qui affirme que “Cet arrêt ne prend pas en compte la réalité du vécu des femmes musulmanes, premières victimes de l’islamophobie dans beaucoup de pays européens, qui ont un besoin urgent de politiques inclusives dans l’accès à l’éducation et à l’emploi”. Pour lutter contre ces discriminations, la Belgique a toujours laissé une grande marge de manoeuvre aux entreprises en pensant qu’elles pourront s’autoréguler.

La discrimination ethnique sur le marché du travail est une réalité dans le plat pays. Plusieurs personnes se voient discriminer en raison de leur nationalité, couleur de peau, religion ou handicap. Bien que l’instrument juridique interdit toute forme de discrimination à l’embauche, les personnes issues de la diversité sont plus vulnérables à ce niveau-là. Plusieurs études pointent ce problème et concluent qu’il subsiste une forme manifeste de discrimination sur le marché du travail belge.

Selon que le candidat est un Belge autochtone ou un Belge issu de la diversité, les procédures sont modifiées et des informations diffèrent sur les emplois vacants et les conditions de travail. Les chiffres du Monitoring socio-économique (2015) montrent des différences notables dans le taux d’emploi selon l’origine. Pour les « Belgo-Belges », le taux est de 74,2%, celui des Belgo-Turcs est de 43,3% et enfin pour les Belgo-Marocains, il pointe à 42,9%.

Le rapport de l’ECRI (European Commission against racism and intolerance) corrobore également ce phénomène. Il indique que malgré les dispositions mises en place pour lutter contre ce fléau, le phénomène peine à être endigué. Les chiffres du chômage des personnes d’origine étrangère donnent une vision biaisée car cette catégorie n’est composée que de personnes ne possédant pas la nationalité belge. Les citoyens belges issus de la diversité sont, eux, classés dans la catégorie des Belges de “souche”.

Testing : la solution miracle ?

L’une des solutions pour venir à bout de cette discrimination à l’embauche est le “testing”. Utilisés pour toute forme de discrimination (au logement, à l’emploi,…), les tests comparatifs sont un moyen efficace de pouvoir mesurer et faire baisser le phénomène. Cela a pu être constaté lors d’une opération à grande échelle menée par l’Université de Gand sur le marché locatif (1500 tests). Celle-ci a permis de démontrer que le taux de pratiques discriminatoires s’élevait à 26%. Confrontées à ces tests, les sociétés immobilières ont dû se raviser et changer de comportement. Le deuxième test a vu le taux baisser à 10%.

Au niveau du Gouvernement de la Région Bruxelles-Capitale, plusieurs projets ont été choisis pour lutter contre la discrimination à l’embauche. Le projet #OpenJobTesting du Collectif contre l’islamophobie en Belgique a été sélectionné par un jury d’experts nommé par le Gouvernement. Les résultats de cette campagne seront déterminants. Et si l’organisation systématique des tests comparatifs par les pouvoirs publics était la solution ? Cette systématisation est recommandée par UNIA. Cela pourrait permettre des sanctions administratives et si besoin, transmettre le dossier à la justice. Si les pouvoirs publics ne prennent pas à bras le corps ce problème afin de l’enrayer en sanctionnant de manière exemplaire les employeurs pris la main dans le sac, des citoyens resteront sur le carreau pour un simple délit de “sale gueule”. Au boulot !

Mouâd SALHI