Alors que la Tunisie entrait encore une fois dans l’Histoire en comptant sa première maire à Tunis, les doutes continuent de planer sur le pays icône de la révolution. La Constitution tunisienne contient pas mal de droits accordés aux femmes afin de leur garantir une liberté. Mais concrètement, sont-ils d’application ?

Le président actuel, Mohamed Béji Caïd Essebsi, a ouvert le débat sur l’égalité homme-femme concernant l’héritage. Celui-ci étant jusqu’ici « inégalitaire », car la fille hérite moins que son frère, de moitié. Il y a plus d’un an, en septembre 2017, la circulaire datant de 1973 n’était plus en accord avec la nouvelle constitution, alors mise en place depuis 2014, après la chute du gouvernement Ben Ali. L’interdiction d’une union avec un homme non-musulman a été levée pour laisser place à une, totale ou presque totale, liberté de conscience. Cependant, la femme tunisienne ne ressent pas la même chose sur le terrain.

Des droits pas encore d’application

« La femme tunisienne jouit de plusieurs droits mais concrètement ces droits ne sont restés que sur papier », Toufaha Smari, professeure d’arabe classique dans le gouvernorat de Kebili, en Tunisie, dénonce une hypocrisie à propos des droits de la femme. Elle poursuit, « et dans la plupart des cas ces droits ne sont pas mis en application. ». Loin de vouloir être pessimiste, elle soulève cependant le respect d’autres droits déjà existants comme le choix du conjoint et un consentement des deux parties pour toute union, l’interdiction de la polygamie, un processus légal pour le divorce, l’accès à l’éducation, le droit de vote ou encore la possibilité d’avortement. Les mentalités ont également un rôle dans ce frein vers une égalité complète en termes de droits entre les hommes et les femmes.

Il est vrai que la femme tunisienne jouit de certains droits, plus que d’autres, dans le monde arabe. Elle a arraché ses droits avant même la femme française, et européenne, avec comme exemple le droit de vote. Si on parle théoriquement, la femme tunisienne a des droits qui la protègent, mais cela manque encore de pratique. « L’homme tunisien a toujours ce problème de donner son avis sur tout », déclare la maman de trois garçons. « Je suis enseignante et c’est pour moi un paramètre important. L’émancipation de la femme, et aussi de l’homme, ne peut se faire sans. Mon message dépasse l’éducation, je ne me suis pas arrêtée à ce stade. J’ai élargi mon champ. »  Impliquée dans des associations, madame Smari se montre dévouée pour un changement dans son pays, « la femme tunisienne a son rôle dans la société et il n’est pas des moindres. Selon moi, elle peut faire l’impossible. »

Ne soyons pas pessimistes

« En tant que femme tunisienne, et malgré les failles présentes dans le gouvernement, je sens tout de même une liberté et un respect, peut-être pas entier, de nos droits. », exprime la professeure, en continuant, « restons malgré tout optimistes, car la mentalité arriérée est présente, mais commence à se dissiper petit à petit. ». La révolution tunisienne a été portée en 2011 par des personnes pacifiques et intellectuelles. Cette solidarité a porté ses fruits et peut continuer ainsi si les mains sont unies. Le changement veut être fait avec les deux côtés et non en se faisant la guerre. « À l’heure actuelle, nous ne voulons plus de mots, nous demandons des actes concrets. Ces changements doivent se faire avec l’homme. Nous ne voulons pas l’exclure de ce combat. Je considère que l’homme qui ne voit la femme que comme un corps la néglige. Tout autant que l’homme qui impose sa vision des choses à la femme concernant la religion, la rabaisse. La femme doit être perçue comme un être à part entière. », soutient madame Smari.

La femme tunisienne est prête à faire des efforts pour aider son conjoint. « Avec la crise économique que la Tunisie traverse depuis quelques années, la femme se retrouve à travailler pour aider son mari à payer les fins de mois. Ainsi, on peut dire que la femme tunisienne a deux rôles. Cela ne lui a pas retiré les charges ménagères, ainsi que l’éducation des enfants. Nous ne voulons pas inverser les postes, ce que nous demandons c’est un soutien de la part des maris également dans tout ce qui touche à notre vie quotidienne. », conclut Toufaha Smari.

En octobre dernier, Souad Abderrahim a été élue maire de Tunis. Elle a donc dédié « cette victoire à toutes les femmes de mon pays, à toute la jeunesse et à toute la Tunisie ». Ce pays en quête d’une liberté totale de ses citoyens accorde deux jours par an à la femme tunisienne. Ce 8 mars, journée internationale des droits de la femme et le 13 août, journée de la femme.

Nihel Triki