Souvenez-vous, nous parlions de reprise, le plus gros fut – semblait-il – derrière nous. Nous évoquions le grand sauveur de la zone euro, de cette Chine plongée dans l’Âge d’Or, de la plupart des PIIGS sur le chemin du rétablissement …

Les discours laissaient à penser que l’histoire aurait une fin heureuse ou tout du moins beaucoup plus rassurante qu’il y a un an, ce qui n’est pas entièrement faux. Mais aujourd’hui, le plus inquiétant n’est plus la Grexit, le bank-run ou les méfaits quantifiables du Tapering sur la valeur de l’euro. Les craintes ont pris une ampleur beaucoup plus générale et importante comme si la crise de la zone euro et les spéculations sur les effets des politiques monétaires avaient ouvert la boîte de Pandore de l’économie mondiale. On entend désormais parler de la Chine, des pays d’Amérique Latine avec des conséquences qui ouvriraient probablement un nouveau chapitre sur la crise européenne voire outre Atlantique. Ces nouvelles sources d’inquiétudes sont-elles juste temporaires ou révélatrices de la nécessité de rompre avec la fameuse « zombie-economics » ? La sonnette retentirait-elle pour mettre fin à la récréation où l’excès et la démesure sont rois et où les remèdes à ces faux maux s’avèrent être plus destructrices que réparatrices ? 

 Vendredi noir

Il est évident que les craintes exogènes à l’euro-zone n’aient pas débuté suite aux clôtures boursières de ce vendredi 24 janvier. Mais il y a ce cheminement naturel qui commence par une simple étude,  la corrélation avec la réalité, des inquiétudes, de la non-réaction, puis la fissure, crak. Les bourses européennes, américaines et asiatiques ont dévissées. Rassurons-nous, si même le Nikkei a cédé 1,94 %, il n’est pas nécessaire de mettre l’euro-zone en cause. Un nouveau patient entre dans la salle d’attente : L’Argentine. Oui, on aurait pour habitude de citer la Grèce, Chypre, la BCE voire la FED mais il est question ici de l’Amérique Latine, région du monde souvent associée à sa forte amitié avec sa monnaie à l’époque où le FMI faisait bonne presse via ses recettes miracles passe-partout, n’est-ce pas ? 😉 Pardonnez mon humour noir. L’Argentine – pour citer l’enfant malade du moment mais on pourrait évoquer le Brésil – a laissé sa monnaie (le peso) se déprécier face au dollar dans le but de rembourser sa dette ainsi que ses achats à l’étranger. Le peso a de fait perdu 14 % de sa valeur et s’échange désormais à 8,01 peso pour un dollar.

Le recours à la dévaluation a certes ses avantages – on citera la hausse de la compétitivité des entreprises tournées vers l’exportation – mais contient également des inconvénients tels que la méconnaissance de la valeur de la monnaie si la volatilité est forte, ce qui est loin d’être une chose rassurante pour les détenteurs d’actifs – épargnants, investisseurs – mais surtout pour les entreprises implantées dans ces pays. Comment cette méthode monétaire pourrait restaurer la confiance ? La croissance argentine devrait être divisée par deux cette année passant de 3,5 % en 2013 à 1,5 % en 2014. Le Fond Monétaire International reste toutefois disponible si l’Argentine sollicite son aide. La réponse du FMI à la crise des années 2000 se répétera-t-elle ou saura-t-elle s’avérer plus fructueuse ?

Bubble, bubble

Nous avons en tête les récentes bulles américaines, japonaises, évoquons tant qu’à faire la bulle du bitcoin. Mais à l’heure actuelle une autre bulle gonfle et suscite de vives inquiétudes sur le long-terme en Chine. Bien que la Chine soit connue pour son grand nid d’épargne au point d’être – semblerait-il – le moyen de faire de ce pays le futur super-grand-sauveur de la zone-euro après Mario Draghi, elle montre aujourd’hui quelques signes de faiblesses. Un gouvernement assis sur son coffre d’épargne sans se préoccuper des agents qui font de belles et grandes bulles un peu partout … et sans limites. Évidemment, la banque centrale chinoise pratique une politique monétaire ultra accommodante, principales raisons pour lesquelles le pays bénéficie d’une bonne croissance ( 7,5 % ) qui lui permet d’être créatrice d’emplois. Bulles, crédits cela nous évoque des périodes amères bien précises qui nous amènerait à nous demander si nous sommes finalement condamnés à revivre l’Histoire économique et financière. Quelques chiffres pourraient aider à répondre. Tout d’abord, la dette chinoise – privée et publique – a augmenté de 88 points en un an en passant de 130 % à 218 % du PIB. Cela n’est qu’une conséquence de la ligne monétaire suivie d’autant plus que certaines études ont mis en lumière que cette hausse contenait une part non négligeable de « roll over », ces crédits contractés pour en rembourser d’autres ou le fameux effet « boule de neige » si vous préférez – cela ne vous rappelle rien ? –

                       

 

Les récentes mesures prises par le gouvernement chinois pour calmer l’euphorie sur le marché du crédit n’ont pas réussi à rassurer les marchés : le SHIBOR – équivalent du LIBOR ou EURIBOR – s’est envolé à 13 % courant 2013 contre 2 % habituellement. Il a fallu naturellement (!) céder en injectant toujours plus de liquidités – régler le problème de la liquidité par de la liquidité qui l’eut cru ? – afin d’éviter le « crédit-crunch ». Aujourd’hui la Chine se trouve entre deux menaces : l’explosion de la bulle de crédit et la crise économique, si la bulle chinoise explose l’État va devoir mettre les mains à la pâte et dévaluer sa monnaie, cela ne sera pas sans impactes sur le dollar voire même l’euro qui désire actuellement tout sauf un euro fort contre le yuan pour assurer sa maigre reprise économique … 

Effets en cascade

La globalisation financière a incontestablement permis de tisser des liens très solides entre toutes les régions du monde. Les menaces antérieures d’un tapering avaient déjà enclenché la dévaluation des monnaies émergentes et la tendance ne fait que s’accentuer avec l’appui de la nouvelle politique monétaire argentine. Cette semaine va principalement être marquée par la Federal Reserve après le FOMC de mardi et mercredi. Une deuxième réduction du QE n’est pas à exclure et ne sera pas sans conséquences. Le dix ans américain, qui tourne actuellement autour de 2,73 % , et qui a déjà goûté aux 3 %, sera à surveiller tout comme les monnaies émergentes car le « mercredi noir » n’est pas improbable. Si la descente aux enfers des monnaies asiatiques persiste, les retombées sur la monnaie européenne ne seront pas anodines pour les raisons évoquées précédemment. Par ailleurs, la maigre reprise dichotomique en Europe sur fond de déflation laisse encore des marges de manœuvres pour la Banque Centrale Européenne le 6 février prochain. Bien que certains États de l’euro-zone sortent de récession et que d’autres se vantent de sortir ou d’arriver à échéance des plans de la Troïka, le chômage quant-à-lui continue sa belle envolée au risque de tuer la croissance embryonnaire.

Le problème semble compliqué à résoudre et pourtant nos cours d’économie nous ont appris que Solow – comme d’autres macroéconomistes – avait contribué à sa résolution. A long-terme, le capital n’est pas une source de croissance, il faut d’autres facteurs exogènes tels que le progrès technique, l’innovation. Pour éviter que nos régions du monde ne soient condamnées à une stagnation morose et sans fin, il va falloir concrétiser cette économie des idées. Des politiques en faveur de cette dernière sont en cours, avec un peu de patience, de confiance et de détermination nous verrons, espérons-le, émerger cette « surprise » européenne tant attendue … 

Zohra Oualid

source graphique (1) : capital, source graphique (2) : naxitis