C’est l’itinéraire d’un jeune de 22 ans. Il s’appelle Mamoudou Gassama et ce dernier a décidé de prendre son courage à deux mains pour sauver la vie d’un enfant. Son avenir, il le reportait sans cesse à demain, faute d’avoir de papiers pour jouir de droits au sein de la République. D’origine malienne, à l’aube de son statut d’adulte, Mamoudou arpentait sa vie dans un foyer. Il ne pouvait pas travailler Mamoudou. Puis vint le coup de destin. Une vidéo virale le montrant en train d’escalader quatre étages a fait de lui un héros, le propulsant à l’Élysée en face d’Emmanuel Macron, Président français. Mamoudou est naturalisé, il peut dès lors commencer à vivre dignement.


Mamoudou Gassama retrouve sa dignité

Derrière la joie d’un individu, c’est l’exaltation des internautes en choeur qui bouillonne. Depuis, chacun cherche un Mamoudou en lui même. Cependant, sans cet acte de bravoure, Mamoudou aurait continué de chasser ses soucis de sa tête en arpentant les rues parisiennes. Combien le font encore ? Combien le feront demain ? Pourquoi est-ce que la dignité des Autres a besoin d’actes héroïques pour être considérée ? Ces questions, nous devons nous les poser, après avoir vécu les instants de la célébration.

Sur Twitter, un journaliste de France Culture, Christophe Conte écrivait un message :

Mamoudou Gassama

Ou encore l’humoriste Redouane Harjane :

Des récits de migrants, il y en a des milliers. Des plus spectaculaires au plus tragiques. Pour ma part, qui habite en Belgique, j’ai vécu une trajectoire similaire. À l’âge de 10 ans, je pars avec ma famille en Belgique. Installé dans un quartier populaire en Wallonie, j’apprends la langue de Molière ainsi que les coutumes du plat pays. D’élève turbulent à étudiant plus sérieux, je trouve mes marques pour finalement décrocher trois diplômes, dont un master en sciences politiques. Je tente de créer un média inclusif et je bataille pour que chaque voix soit entendue. Toutefois, durant huit ans, je n’ai pas de papiers d’identité. Mes parents ne peuvent travailler légalement et vivent dans le silence et la peur de repartir. Chaque jour en partant à l’école, la satiété que me procurait le petit déjeuner laissait une place malgré tout. Une place à la peur de retourner dans un pays que je ne connais plus. Je ne pouvais quitter le territoire durant huit longues années. Pas de vacances donc. Je prendrais mon premier avion en 2013. L’année de ma naturalisation, treize ans après ma venue en Belgique. Pourquoi doit-on se battre sans cesse, nous les déracinés ? Pourquoi doit-on batailler pour partir – laisser tout derrière nous, sacrifier l’Histoire du miroir de nous-mêmes – ? Pourquoi doit-on aussi se batailler pour rester – dans une contrée qui est la nôtre désormais – ?

La leçon de cette histoire est qu’on doit être plus courageux(ses) que les autres pour mériter ce que les autres ont déjà. Aujourd’hui, je suis fier de Mamoudou car il est une part de moi-même, de nous-mêmes. Nous Tous. Aujourd’hui, je pleure Mawda, deux ans que personne n’a pu sauver, tuée par un policier belge. Aujourd’hui je pense aussi à tous les autres qui verront en Mamoudou un espoir, avant de retourner à leurs problèmes quotidiens. Ils sont aussi une part de moi-même, de nous-mêmes. Ne les oublions pas.

Nikita Imambajev