A la recherche d’un tissu original pour contenter ma garde-robe quasi vide, je me suis promené dans le Marais ce week-end. Connu pour sa noblesse, ce quartier parisien du 4e arrondissement s’est accommodé à ma démarche chaloupée sur le pavé froid. Dans un croisement de rues, geste écolo du jour oblige, je m’apprêtais à jeter le reste de ma collation dans une des poubelles à proximité quand une toile déposée sur la poubelle m’a interpellé, stoppant mon geste d’un coup sec. « Jettez (sic) votre colère à la poubelle », disait-elle.

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Déconcertée devant l’impératif, ma tête a fait le 360° dans l’espoir de trouver l’auteur du tableau. À ma grande surprise, le créateur se tenait à quelques mètres, capuché et couvert d’un blouson entaché sur lequel on pouvait lire « liberté provisoire ». Derrière une paire de lunettes, l’inconnu m’a livré la genèse du tableau. « J’étais en manque d’inspiration quand un ami m’a sommé de réaliser quelque chose », me confie le bonhomme. « Il m’a dit que j’étais souvent en colère, que je devais extérioriser cette frustration. J’ai donc écrit simplement cette phrase – Jettez (sic) votre colère à la poubelle – en déposant la toile sur une poubelle ». Un état d’âme qui se légitime. Mais pourquoi évacuer sa colère au pluriel ? « Car je ne suis pas le seul ! On a tous besoin de vider notre sac ! », s’exclame-t-il. « Ce qui est drôle, c’est que les gens ne remarquent même pas la toile ». Quelques minutes en sa compagnie ont suffi pour confirmer ses dires. Un passant venait de jeter un gobelet estampillé « Starbucks » dans la plus grande indifférence.

Toutefois, l’homme qui se définit comme « un fragment de la vie » ne baisse pas les bras en interpellant les promeneurs. « Écrivez quelque chose ! Jetez votre colère ! », criait-il, feutre à la main. Un « merci » et un « thank you » sont venus se greffer au tableau. Avant de partir, j’ai pris le soin de rajouter ma pierre à l’édifice en écrivant « NTM ! » comme pour signifier que derrière un lot d’insultes, il y a parfois des peurs et des déceptions qui ne demandent qu’à être entendues.

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L’auteur et sa toile

 

Nikita IMAMBAJEV