Entre l’amour, l’introspection et l’engagement, c’est sur l’énergie des mots parlés que l’art de Ricky Rondo se couche. Forme de poésie intimiste à la fois personnelle et engagée, le slam ne se confond désormais plus avec le rap et parvient à s’imposer avec ses propres déclinaisons. Alohanews est parti à la rencontre d’une des figures emblématiques du slam belge. Une inspiration à découvrir sans mots-dération. 

Ricky Rondo, un personnage musical créé ou le reflet de ta véritable personne ? 

Le reflet de ma véritable personne, c’est pour cela que mon prénom est en deux parties : Ricky par rapport à mes amis et Rondo par rapport à ma famille. Mes inspirations me viennent donc de mon entourage, de mon vécu et de mon environnement. 

On parle souvent d’inspiration extérieure, mais est-ce que tu penses que cet art permet de s’auto-inspirer, est-ce qu’il n’y aurait pas une forme d’âme intérieure qui nous suffirait à composer ?

Le plus inspirant pour moi, c’est l’histoire vécue personnellement, mais aussi l’histoire que je peux ressentir via mes proches. Il m’arrive d’écrire sur des choses que je n’ai jamais vécues, mais je vais toujours trouver un lien avec mon entourage. Par contre, ce que je ne fais jamais, c’est prendre un thème en particulier et me dire : voilà je vais écrire dessus. 

Si tu devais conseiller un seul morceau à ton interlocuteur, lequel représente ton ultime fierté, ton art dans la plus pure de ses formes ? 

Sans hésiter, le morceau « Parole d’un Africain ». Ce sujet m’interpelle, car je suis Africain dans un premier temps, mais aussi, car il s’agit d’une situation qui ne change jamais. Je l’ai écrit il y a longtemps, mais je pourrai la chanter maintenant que beaucoup de personnes seraient encore concernées par ce que je dis. Il s’agit d’un son universel : cette chanson part d’un constat d’une Afrique qui souffre. Beaucoup d’Africains en Europe souffrent de cette situation et aimeraient changer les choses, car il s’agit de nos racines et de nos déceptions aussi. Je pense que l’Afrique, c’est également beaucoup de belles choses. Parole d’un Africain, c’est ça aussi.

Ton art est donc une sorte d’engagement politique. Est-ce qu’à travers tes mots, tu aspires à changer les choses ou conscientiser les autres ?

À propos de cela, au début de la chanson « Parole d’un Africain », je dis bien que je ne maîtrise pas la politique, mais cela n’empêche pas qu’il puisse y avoir une connotation politique. En tout cas, mes paroles ne sont pas pour cette politique, mais uniquement pour la musique.

Pourquoi, à ton sens, y’a-t-il plus de rappeurs sur la scène publique que de slameurs ? 

Les slameurs sont des artistes très intimistes, mais cela n’empêche, qu’en Belgique, il y a un mouvement pour le slam où de multiples représentations se font, je parle notamment de « Slameke ». Je pense que beaucoup d’artistes font cela juste pour s’exprimer, dans l’intimité, et ne cherchent pas forcément le grand public. Le slam, c’est beaucoup d’expression et très peu de musique. Des fois, ça en devient presque théâtral. 

Justement, ne crois-tu pas que pour accéder à la scène publique, on soit obligé de « dénaturer » le slam en y ajoutant un son par-dessus le texte ?

Peut-être oui. Dans le slam, beaucoup d’artistes choisissent de rester dans l’univers de l’a capela, de pratiquer leur art juste par l’expression. En ce qui concerne mon art, j’ai pris le parti d’accompagner mes paroles d’un aspect mélodieux.

Pourtant tu avais commencé par du rap, non ?

Enfaite, quand j’ai commencé à composer mes morceaux, dont « Ma plume », il s’agissait pour moi de slam, même si c’est vrai que cela ressemblait à du rap au vu de la rapidité de la mélodie. Pour moi, j’ai toujours fait du slam même s’il m’arrive de faire du rap de temps à autre.

Le slam, ton art, si tu devais le représenter par une citation, en quelques mots, que dirais-tu ? 

Tout simplement, je dirais : « By any means » (NDLR « par tous les moyens »). Quand une personne veut s’exprimer, elle devrait pouvoir utiliser le mode d’expression qui lui convient. En ce qui me concerne, j’ai choisi le slam.

Imagine-toi dans dix ans, à un moment où tu es à l’aboutissement de tous tes rêves. Où es-tu ?

Je suis en Afrique. Non seulement pour des projets d’éducation et de santé, qui, j’espère, pourront aboutir, mais également pour y vivre de ma passion. By any means.

Propos recueillis par Bahija ABBOUZ