Julien Tassin et Antoine Roméo font du rock au sein du groupe Run SOFA. Ils viennent de Charleroi et ont sorti projet Say, disponible depuis le 26 janvier 2018. Un EP composé de dix morceaux mêlant plusieurs genres musicaux. Aucune limite, aucune barrière, l’album est plein de messages. Par ailleurs, Run Sofa sera sur scène le 9 février au Botanique à Bruxelles. Rencontre.
Avant, Run Sofa, il y a eu Zero Tolerance For Silence. Un groupe plutôt familial. Un groupe de deux cousins. Avez-vous toujours baigné dans la musique ?
Julien : Oui parce que la musique est très présente dans notre famille. Nos oncles sont musiciens, et on les a toujours suivi. Nous-mêmes, on s’est très tôt mis à faire de la musique.
Antoine : On a été intéressé par tout ce qui était créatif. En tout cas, en ce qui me concerne, pas seulement la musique. Vraiment l’idée de pouvoir être créatif, créer des choses. Certains de nos oncles ont été jusqu’à être professionnels, et de vivre à certaines périodes, de leur musique.
Comment s’est formé le groupe ? Et pourquoi Run SOFA ?
Julien : Comme on était souvent ensemble. On avait chacun nos projets respectifs. Et un moment, on se disait : « Un jour on fera un groupe ensemble. Quand ça sera le bon moment. » C’est comme ça qu’il y a trois ans et demi on a décidé de le faire. Ça a été d’abord le Zero Tolerance qui était super expérimental et puis run SOFA est arrivé, c’est devenu un peu la synthèse de tout ça. Le premier projet partait un peu dans tous les sens.
Antoine :. Il a fallu énormément de temps, de travail, d’expérimentation pour arriver à notre album Say. Pour répondre à ta deuxième question, on s’est retrouvé à un certain moment, où on cherchait un nom tout simplement. On était un peu influencé par le nom de groupe Happy Mondays. Un peu second degré, et ironique. On est tombé sur un morceau de George Harrison qui s’appelle « Run so far », on a enlevé le r ça faisait Run SOFA, on trouvait ça marrant. Et on l’a gardé. En fait, c’est un peu le côté oxymore qu’on aime dans le nom parce que chaque être humain est très paradoxal. On se reconnait à fond dans ces paradoxes-là. Justement, nos parcours ne sont pas des parcours typiques. La musique est hybride. On se retrouve au Rockerill à Charleroi à écouter du garage rock. Julien a fait le conservatoire de jazz. J’ai étudié à l’ULB. Des parcours tout-à-fait atypiques. On retrouve ça dans le nom.
On a toujours dit du rock que c’était une musique subversive et qu’avec le temps, elle a perdu son côté révolutionnaire. Est-ce qu’aujourd’hui vous en avez conscience ? Avec votre musique, voulez-vous remettre cette subversivité au goût du jour ?
Antoine : C’est une très bonne question. La réponse est très complexe. On est dans une ère, où le rock n’est plus une musique populaire, depuis très longtemps. On sait que c’est le rap qui est devenu la nouvelle pop. Encore plus, cette année-ci. Mais du coup, on a envie d’amener un vrai message, et je pense qu’il y a un vrai message dans l’album. Ça reste du rock, et fatalement, ça ne touche pas toutes les couches de la société, même si on aimerait.
On en a eu marre que sur cette scène rock, il n’y ait plus de message, plus des gens qui disent des choses, des trucs profonds, dénoncent certaines choses. On a ressenti un manque vis à vis de ça. C’est aussi pour ça qu’on s’est peut-être dirigé vers le hip hop. Là, il y a des choses qui sont dites. Ce manque a fait qu’on est arrivé à l’album qu’on a fait aujourd’hui. Dans les faits, effectivement, comme la musique rock n’est plus une musique populaire, tu ne touches pas tout le monde. Parce qu’il faut que ça soit des gens qui ont l’habitude d’écouter des instruments acoustiques et vont voir des concerts où y a des gens qui jouent des vrais instruments. Mais qui sait ? Si dans 5 ans, il y a de nouveau une vague où le rock est de plus en plus à la mode et que ça peut toucher plus de personne, tant mieux mais c’est un paradoxe.
Vous avez dit un moment donné « on a envie que le rock passe des messages, dise des choses ». Avec votre musique, quelle est la première chose que vous voulez dire aux gens ?
Julien : C’est le titre de l’album. Dire et assumer ce que tu es et ne pas te cacher de ça. De t’exprimer. C’est ça le grand message de l’album. Et même à travers les chansons.
Antoine : Il y a un autre truc aussi dans Say, c’est arrêter de se voiler la face sur plein de choses. Tu as une voix, ce n’est pas pour rien. Il faut l’utiliser, il faut faire des trucs pour les gens qui n’ont pas de voix, justement. En respectant ces gens-là. Sur la scène, ça nous manque ça parce qu’on ne va pas s’en cacher, le rock c’est très élitiste à l’heure actuelle. Et finalement, il n’y a plus de message.
Julien : Même musicalement, c’est élitiste dans le sens où il y a beaucoup de groupes qui sonnent un peu pareil. Il y a une direction qui est donnée dans le rock. Pas tous mais il y a beaucoup ça. C’est une réflexion qu’on s’est faite et on s’est dit, comme on s’intéresse à plein d’autres musiques, ça serait intéressant d’amener ça dans notre musique. Si on ne rentre pas dans le moule, ce n’est pas grave.
Antoine : L’exercice, c’est de dégager un message fort sans passer pour un rageux. Trouver le ton pour dire les choses. Et là, on y arrive. On commence à trouver le ton sur lequel dire les choses.
Est-ce que vous avez l’impression que le rap suit la même trajectoire que le rock ?
Antoine : Je pense que l’histoire se répète quand même assez souvent. Si tu regardes, les gens qui ont inventé le rock et le rap. On sait que ce n’était pas des Blancs. C’est souvent des gens racisés, des personnes qui venaient d’un milieu défavorisé. Une fois que le genre musical subit un accaparement, on perd justement de cette subversivité et ça devient de plus en plus commercial. Je pense qu’il y a un parallèle entre le rock et le rap à ce niveau-là.
Propos recueillis par Ayaan Abdirashid