Années 90, la discipline rap se forge une place fondamentale dans le paysage musical en France. L’un des collectifs de cette épopée se nomme le Secteur Ä avec des figures de proue telles que Doc Gynéco, Lino et Calbo ou encore Stomy Bugsy et Passi. En 2015, les poids lourds de la nouvelle génération rendent hommage avec un album nommé « Affaire de Famille » en hommage au Secteur Ä. Ce projet multi-artistes de reprises est une première. Hayce Lemsi, pierre angulaire du rap actuel, en fait partie. Il nous en parle.

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Interpréter « Boxe avec les mots » ça doit être quelque chose, non ?

Il faut savoir que c’est la première fois que je rappe un texte qui n’est pas le mien. Pour que je le fasse, il fallait évidemment que ce soit un classique qui a bercé mon adolescence. J’ai choisi Arsenik, car ils font partie des plus grands auteurs de l’histoire du rap français avec Oxmo Puccino et MC Solaar. « Boxe avec les mots » est un titre qui m’a marqué. J’avais l’impression qu’il avait boxé avec mon esprit. C’est un honneur de l’interpréter.

Est-ce qu’il y a une différence entre poser son texte et un texte écrit par quelqu’un d’autre ?

Depuis le début de ma carrière, personne ne m’a écrit un texte, ne serait-ce qu’une phrase. Par fierté artistique. Mais là, c’est Arsenik ! Le groupe a marqué tout le monde. Je n’ai pas été dérangé de le faire.

Comment vois-tu la démarche d’un tel projet ?

C’est bien. Il ne faut pas oublier l’histoire passée du rap. Certains ont tendance à l’oublier. La nouvelle école, dont je fais partie, qui reprend des classiques qui ont marqué le rap français est une bonne idée. Pour une fois, c’est un mouvement qui fait avancer le hip-hop.

Est-ce que nous vivons une renaissance des collectifs ?

Quand j’étais plus jeune, j’écoutais beaucoup Saïan Supa Crew. Je pense que les groupes comme les XV Barbar, PSO Thug ou la Sexion d’Assaut font bouger la jeunesse. Ne serait-ce que sur scène. Ca rappelle l’époque NWA, Wu Tang Clan ou la Cliqua. Ils ont déchiré sur scène, ils ont freestylé dans les métros. Aujourd’hui, ça ne nous fait pas de mal de remettre le pied dans cette dynamique. Le hip-hop est né comme ça. J’espère qu’il y en aura de plus en plus.

Est-ce que t’as pas l’impression que le Secteur Ä est moins connu par le public d’aujourd’hui qui ont davantage retenu des collectifs comme Beat 2 Boul, le Mafia k’1 Fry… ?

Ce n’est pas que pour Secteur Ä. C’est vrai que les gens ont tendance à oublier ce collectif de malade. Tu me dis Beat 2 Boul, mais il y a des gens qui les ont aussi oubliés. La Cliqua c’est pareil. Il faudrait peut-être un retour aux sources pour la nouvelle génération. Il faut qu’on sache que le rap, c’est un message. L’image a changé. On voit beaucoup de rap capitaliste. À l’époque, le rappeur était contre le capitalisme. Aujourd’hui, il est avec le capitalisme. C’est tout un univers « m’as-tu-vu » . Auparavant, nous étions davantage dans une démarche revendicatrice.

Peut-on prétendre faire du rap sans prendre position ?

Je pense que non. Il y a un choix à faire. On ne peut pas rapper sans prendre position. Tu vas forcément en prendre une puisque tu revendiques quelque chose. Si tu deviens le porte-parole de ton quartier, tu dois porter la voix des gens que tu représentes. Tu ne peux pas penser qu’à ta propre personne. Il y a un truc important aussi : je pense qu’il faut faire réfléchir les gens. À mon avis, c’est une démarche qui se perd.

Est-ce qu’il y a des phrases qui t’ont particulièrement plu dans ce morceau ? Est-ce que tu t’es dit, par exemple, ce passage là j’aurais pu l’écrire?

Franchement ouais. Celle du deuxième couplet quand Lino dit « J’évite le non-sens comme un virus, superstar dans le ghetto, comme à la roulette russe, l’étau s’resserre, l’État met l’véto… ». Ce début de couplet, cette entrée fracassante… « Les jeunes s’mettent au rap, très tôt… » Non, ça m’a tué !

Un dernier mot ?

Ne laissons pas le rap sombrer. Faisons quelque chose pour l’améliorer. Le rap est la musique la plus écoutée en France devançant le rock. On devrait en profiter pour montrer que nous sommes forts à la française. Nous sommes juste derrière les Américains dans cette discipline. Raison de plus pour montrer qu’on peut aller plus loin dans le style français.

 

Propos recueillis par Nikita IMAMBAJEV

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