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Khali : entre nuit et lumière

Il est issu de la galaxie des rappeurs Soundcloud. Aujourd’hui, avec la parution le 21 mai de son troisième projet Laïla, Khali, âgé de 21 ans, est en passe de quitter l’univers underground. Voilà un artiste qui mérite bien d’entrer dans nos oreilles par la qualité de ses instrus, ses textes torturés, et son art du turn-up, qu’il n’avait pas autant montré dans ses projets précédents.

Aussi mystérieux que virtuose, seigneur du rap underground, voilà les qualificatifs qui pourraient s’appliquer à Khali. D’origine franco-marocaine, né à Lyon, il déménage dans sa jeunesse à Vénissieux, avant de poser ses valises à Bordeaux, et plus précisément à Palmer (Cenon). Sans prétention ni attente particulière, Khali commence, en 2017, par poster des prods de lui sur la plateforme Soundcloud. Il rencontre auprès de la galaxie des prodeurs de la plateforme un écho très favorable, ce qui le pousse à poster plus régulièrement son travail. 

Il commence par proder seul, au cours de ses années lycées et collèges. Certains de ses amis l’accompagnent depuis cette époque, comme Antoine Px qui aujourd’hui réalise ses clips, mais c’est à partir de la fin de la terminale que Khali part sur une carrière de rappeur. Il a acquis grâce à Soundcloud un entourage de beatmakers, voués à la musique ; le jeune bordelais se construit une réputation dans ces souterrains où sommeillent nombre de talents. Il sort de sa zone de confort en publiant son premier EP Palmer Wild Story en juin 2019, avec 7 titres, dont il a teasé la sortie, grâce à son pote Antoine, avec un mini-clip et un extrait caché sur sa page Instagram. 

C’est de cette manière qu’il se fait repérer par Myth Syzer, qui a le projet de créer en 2019 un label, Try to live, et c’est à Paris, via des DM instas, que la connexion se fait. En s’entourant de beatmakers talentueux, comme le producteur Kosei qui a produit la quasi-totalité du projet Palmer Wild Story, Khali parvient à dégager de ses nombreuses collaborations avec la crème de Soundcloud des mélodies entraînantes, qui brillent tant par leur originalité que par leur délicieuse étrangeté. On retrouve Khali avec une production lunaire de Kosei, où le rappeur et prodeur montrent leur amour fusionnel. Khali a déjà été invité sur scène pour faire les premières parties d’artistes plus installés en 2019, comme Di-Meh, ou encore Ikaz Boi. Grâce à Try to Live, il fait une première collaboration avec le rappeur Loveni, sur le son Bulletproof. Une osmose avec les choix de son label qui se ressent dans la musique parfaitement réglée et orchestrée, aux accents « soundcloudiens », de Khali.

Si Khali fait du bruit c’est que Khali est triste – Laïla Baïda

Il se dégage des textes de l’artiste une violente mélancolie, ainsi que de ses visuels bruts, comme on peut le constater dans le clip du son Pas méchant, réalisé par Antoine Px, et dont la prod est montée par Kosei et S2000. Dans ses différentes interviews, il ne cache pas son admiration pour les sonorités les plus avant-gardistes du rap US, sans pour autant négliger les originalités du rap francophone. Il lui arrive d’évoquer Pi’erre Bourne, le producteur star du rap US, qui a collaboré avec les artistes les plus prisés du moment, dont Playboi Carti. De là lui serait venu l’idée de rapper avec une « baby-voice » similaire, que certains jugeraient difficile d’accès dans le rap français, mais qui pourtant a été adopté avec brio par Nusky, ou encore Youri. 

 

C’est avec cette « baby-voice » que Khali embrasse sur son EP Laïla ses thèmes de prédilection : la mélanchlie, le chagrin et le regret, mais aussi la rage, et l’envie de porter à la lumière du public les troublantes et nébuleuses productions qui accompagnent son projet, comme sur l’excellent D&G, le son turn-up de l’été, produit par Bloody. La pochette symbolise les deux facettes de l’artiste, un côté droit solaire et un côté gauche plongé dans la nuit, bien qu’il se dégage de cette figure une tristesse qui se ressent dans la plupart des sons. Une seule collaboration a été faite sur l’album, avec le rappeur Chanceko sur le son Sirènes, produit par Ayties, 99 (FRA) et Sectra. On découvre sur son projet des prods hybrides, qui explorent les frontières de la mélodie et du rythme, dont l’exemple le plus vertigineux serait le son France, produit par Yeeshy, qui se termine en une orgie de sonorités et de drums très « année-80 » à laquelle se mêle la voix merveilleusement auto-thunée de Khali. Ce dernier fait partie de ces artistes avant-gardistes, qui ont pris le temps de façonner dans les souterrains du rap francophone une musique du futur, nouvelle et inattendue, qui interroge autant qu’elle ravit l’oreille. Khali se place ainsi comme le rappeur dont saignerait les écoutes cet été, en ce qu’il incarne l’un des meilleurs rappeurs issus de la galaxie soundcloudienne, qui bouillonne de talents inconnus.

Paul Malem