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« Madame Courage »: Sofiane et Soolking chantent la désillusion d’une jeunesse populaire

Le rappeur français d’origine algérienne Fianso, a sorti son nouvel album « Affranchis » ce vendredi 26 janvier 2018. L’un de ses titres a attiré notre attention, il est intitulé : « Madame Courage »,  qu’il réalise avec un autre rappeur algérien venu en France, un dénommé Soolking. Le texte est accompagné d’une mélodie triste, les paroles suivent le même rythme.

De quoi s’agit-il ?

Les deux rappeurs se mettent dans la peau d’un adolescent qui a « pris Madame Courage » et les raisons qui ont poussé l’individu à se réfugier dans cette drogue mortelle. Le désespoir et les souffrances qu’il a vécues lui font dire dans un refrain qui ne laisse pas du tout indifférent et où son désir de « mourir après tout ce qu’il a vécu à son âge » évoque chez celui qui écoute étonnement et choc. Un extrait exprimé en « je » explique notamment ce qui motive le jeune à consommer « Madame Courage » :

« Des flammes sur mon chemin,

mes yeux cachent un cimetière

Oublier hier pour enterrer demain

Le malheur m’aime j’ai l’amour qui crame

Seule madame courage prend sa place dans mes drames »

Par la suite, le texte met également en avant la question des migrations, de ces jeunes qui cherchent de l’espoir ailleurs, qui prennent « leur courage » afin de traverser à la nage, la mer méditerranée. On peut y voir donc une double interprétation. On parle à la fois d’une jeunesse africaine, en désillusion qui rêve d’Europe, vivre un drame dans une société hostile. Mais également, le couplet de Sofiane rappelle que ce morceau peut appartenir à une jeunesse populaire de France ou d’ailleurs. Une jeunesse qui a l’envie, mais qui rencontre sur sa route obstacles et déceptions.


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Madame Courage ?

C’est le nom attribué à un médicament pour les personnes atteintes de la maladie de Parkinson et qui se nomme en réalité l’Artane. Dans un article qui date de 2011, sur le site de Mediapart et qui se base sur les recherches du journaliste Saci Kheireddine, indiquait à ce sujet ceci : (…) Ce sont des comprimés de barbituriques appelés dans le langage des jeunes Algérois “Madame Courage”. Ces pilules font perdre à ceux qui les consomment toute connaissance de la réalité. Ils sont l’une des causes qui poussent les jeunes délinquants à commettre des agressions et des meurtres. Selon un spécialiste en psychiatrie, ces psychotropes diminuent de 80 % les capacités de jugement, ce qui rend le passage à l’acte plus facile, car l’individu “drogué” n’apprécie pas ses agissements à leur juste valeur, sauf après la disparition des effets de la prise de toxiques. La consommation de telles substances est devenue, au fil du temps, monnaie courante dans les quartiers populaires ».

Soolking, figure montante du rap français

Le film

Un film a également été réalisé à ce sujet en 2015 dans le genre « drame social » et qui s’intitule aussi, « Madame Courage ». C’est l’histoire d’un adolescent « instable et solitaire, qui vit dans un bidonville de la banlieue de Mostaganem . Un garçon accro aux célèbres psychotropes surnommés « madame courage » ». Le média « Africultures » soulignait la pertinence du film et notamment sa sélection « à Venise et au Caire et un des films marquants des Journées cinématographiques de Carthage ». De plus, leur analyse sur le sujet qui date de 2015 nous a semblé intéressante à mentionner : « (…) les derniers films de Merzak Allouache, réalisés avec brio, mais à l’arrache avec des budgets minimalistes, reviennent tous au même regard désabusé sur le blocage de la société algérienne. Cette amertume dresse un constat, mais ne permet pas à cette jeunesse de se forger un espoir, un courage, dans ce pays où pourtant nombre de gens luttent et tentent d’exister, y compris artistiquement. Avec un tel programme, les jeunes Algériens n’ont pas fini de tenter l’aventure de l’ailleurs ». 

 

Algérie

C’est également l’Algérie qui est évoquée dans la chanson des artistes franco-algériens. L’utilisation de cette drogue a également été vue comme un moyen de calmer la jeunesse algérienne, notamment durant les printemps arabes en 2011. Il est évoqué, toujours dans l’article de Mediapart ceci : « À Alger, des rumeurs invérifiables affirment depuis des années que certains cercles du pouvoir encouragent toujours, voire promeuvent, l’importation de cette drogue de mort qui, avec bien d’autres, gangrène la jeunesse perdue des quartiers populaires. Outre le profit qu’ils y trouveraient, ils y verraient désormais un moyen efficace pour détourner la colère majuscule de cette jeunesse. »

La drogue « Madame Courage »

Une mise en lumière sur un sujet toujours d’actualité ?

Cette problématique cause toujours des dégâts que cela soit sur les jeunes, mais aussi au sein des familles et dans la société. Ces drogues provenant de Suisse principalement restent une consommation fréquente chez les jeunes. Quand le lendemain est pavé d’incertitudes, on panse les plaies de la désillusion comme on peut. Madame Courage devient ce pansement de tous les maux. Un pansement qui peut couter cher à tous ces jeunes.


 

Ikram Ben Aissa