Des extraits du Coran et du Talmud, deux sources fidèles sont mises comme exergue. Inspiré de faits réels, le roman « Ce sont nos frères et leurs enfants sont nos enfants » traite de la relation entre juifs et musulmans depuis la Seconde Guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui. Il expose le travail de Leila, une journaliste d’investigation, héritière du passé de son grand-père. Comment l’engagement peut détériorer ou améliorer la vie personnelle est une question qui revient souvent.
17 octobre 1961, une manifestation du FLN a lieu à Paris. « Enfant de Kabylie, ton cœur est grand ». Les mots du tract rédigé par un groupe de résistants algériens dans la nuit du 16 au 17 juillet 1942 résonnent dans le cœur de Salah Ramdane, mort pendant cette manifestation. Leila ne le sait pas encore.
Le conflit israélo-palestinien tourmente les mœurs du 21e siècle. Leila souhaite mener un reportage de trois minutes dans la bande de Gaza, au péril de sa vie. C’est une battante. On compte les heures voire les minutes qui lui restent sans savoir quand le retardement a été enclenché. Elle mène de front une course effrénée. Blessée, elle doit rentrer. Son amie Anne semble s’inquiéter. De confession juive, elle a une vision assez personnelle et incomplète de ce qui se passe là-bas. Leur relation se détériore quand elles parlent du conflit. Leur amitié ne passera pas devant avant le conflit.
Leila se concentre sur sa famille. Après tout, pourquoi rester avec une amie qui refuse de l’écouter ? Son enquête sur son grand-père commence par des références historiques de la Seconde Guerre mondiale. Les mesures anti-juives, les dénonciations par les voisins exposent la xénophobie des Français. Or, les milieux de l’éducation cachent des juifs et déambulent dans la rue pour montrer leur mécontentement. Ce n’est pas suffisant. Vichy est là, la Rafle aussi. Le gouvernement est collaborateur du régime nazi. Anne refuse d’en savoir plus, car sa famille a été déportée. Que fera le « beau monde sur les routes » tout juste sorti des camps ? Leila refuse d’en rester là. Le génocide n’est pas qu’une question juive. « Leila avait levé la main pour demander si ce « plus jamais cela » s’adressait aussi aux autres peuples. » Le devoir de mémoire doit se faire sur tous les génocides.
On entre alors dans une mise en abime. Leila retrouve le journal de son grand-père. Elle lit son témoignage avec ardeur. Elle découvre qu’il faisait partie d’un groupe de résistants musulmans qui a sauvé de nombreux juifs. Il mérite une reconnaissance de la République. Le titre de Juste parmi les nations est la moindre des choses. Le témoignage de l’un s’amplifie au fur et à mesure que d’autres témoignages le complètent. Leila se rend à Tel-Aviv rencontrer Ida, revenue des camps de la mort. Amie de Salah, Leila a une autre vision de son grand-père. Ida n’a pas sa langue dans sa poche et dévoile toutes les atrocités de la guerre sans ménagement. En plus de cela, elle lui révélera la vraie intensité de sa relation avec Salah. Les ruptures dans le journal avec des pages déchirées sont à l’image de leur relation ambiguë, mais honnête.
« L’amour ou l’amitié se moqua-t-elle intérieurement ». Leila suit les traces de son grand-père sur le choix primordial d’une vie. Bouleversée, elle ne sait pas si elle doit rejoindre son amie Anne, à Jérusalem ou retrouver Chams, un coup de cœur avec qui elle avait flirté à Gaza. Ce roman empoigne le cœur sans complaisance ni parti pris. Il rappelle que derrière les heures sombres de l’histoire, il y a toujours des Justes et des Pacifiques au-delà des appartenances religieuses et ethniques.
Yousra GOUJA
Le livre « Ce sont nos frères et nos soeurs » de Nadia Hathroubi-Saf Saf est disponible sur le site de la FNAC.