Âgé de 23 ans, le rappeur bordelais a sorti, le 16 avril, son huitième projet. « Par amour et pour le geste » s’inscrit dans la vibe planante et mélancolique propre au rappeur. On le découvre à fleur de peau dans un entretien où l’on évoque sa fame naissante, son travail avec les beatmakers, son amour pour les femmes… et pour le biff.
Comment ça va Smeels ?
Et toi, enfin, et vous ? Ça baigne Alohanews ?
Tout baigne. Tu te sens comment, un mois après la sortie de ton dernier projet ?
Super bien. Au moment de la sortie de la mixtape, j’étais déjà bien, mais là je le suis encore plus avec les retours positifs que j’ai eu et le taff de l’équipe dessus. Pas mal de médias nous ont approchés donc je suis archi content et archi détendu après la sortie de ce projet.
En octobre tu as sorti « Very Bad Drip ». « Par amour et pour le geste », s’inscrit dans une autre dimension musicale que le projet précédent. Comment tu choisis la direction de tes projets ?
Ca fait très longtemps que j’étais sur la mixtape de Par amour et pour le geste, mais comme ça traînait un peu au niveau des prods, j’ai décidé de balancer Very Bad Drip entre deux projets. Very Bad Drip est un projet qui n’a rien à voir avec Par amour et pour le geste, autant en termes de sonorités que de sujets traités. Par exemple au niveau de l’égotrip : Very Bad Drip, c’est un projet où il n’y a pratiquement que ça. Donc c’était un petit EP que j’ai sorti pour m’amuser, et montrer aux gens que je pouvais sortir de ma zone musicale habituelle. Donc Very Bad Drip n’a absolument rien à voir avec Par amour et pour le geste.
Que signifie pour toi le titre de ton projet ? Dans le son Franck Page (hors projet) tu évoques la même formule, « si je regrette ce sera par amour et pour le geste. ». Qu’est-ce que ça veut dire pour toi ?
Dans Frank Page, c’est plus une façon d’être. Quand tu fais les choses, tu les fais par amour et pour le geste. Tu les fait d’abord par amour parce que toi, c’est ce que tu ressens, alors que de l’extérieur on va juste percevoir le geste. Moi je vais par exemple t’offrir un cadeau, les gens ne vont pas ressentir l’émotion que j’ai ressenti en te l’offrant, ils vont juste voir le geste en fait. Pour moi, c’est un mindset dans Frank Page, alors que pour ce qui est du projet, c’est la façon dont le projet a été confectionné. Il a été fait par amour et maintenant, le fait de le publier et d’offrir ça au public, c’est là qu’on retrouve l’aspect du geste.
T’as d’ailleurs dédié ce son, Frank Page, à un ami, un jeune étudiant bordelais décédé pendant une course Uber Eats à vélo, pour lui rendre hommage. Est-ce que la création du projet est parti de ce triste évènement ?
C’était mon cousin en fait. Et pas du tout. C’est juste qu’il me fallait un nom de projet, et Par amour et pour le geste, cet état d’esprit, c’était totalement ce que je voulais retranscrire au travers de la mixtape. Ce n’est pas à partir de Frank Page que m’est venue l’idée de faire ce projet et de l’appeler comme ça.
La thématique de l’amour est hyper présente dans le projet. Par exemple, dans Merci, tu dis : « prends pas la tête le lendemain, je risque d’en faire un son ». Ça t’est arrivé de passer une nuit de love, et d’ensuite en faire un son ?
C’est comme ça que m’est venu le son Merci en vrai. Le son et le texte sont issus d’une vraie histoire que j’ai vécu, c’est pour ça que je remercie la personne à la fin du son. Quand je le dis dans le texte, j’étais déjà en train de le faire en fait. Parce que c’est le lendemain que j’avais écrit ce son-là. C’est souvent après des histoires avec des meufs que me vient l’inspiration, y’a rien d’extrapolé, tout s’est vraiment passé. Je m’inspire d’histoires d’amour, du fond de ma pensée, et de ce que je pense être l’amour aujourd’hui.
Y’a pas de madame Smeels ?
Non, malheureusement. Mais j’aimerais bien. En fait, le mindset que je recherche, c’est moi mais au féminin. Quelqu’un qui soit sur la même longueur d’onde, quoi. On est en 2021, c’est chaud à trouver. Donc c’est compliqué, et je ne cherche pas non plus forcément. Ca tombera quand ça tombera, c’est tout.
Dans Par amour et pour le geste, tu dis « j’suis bon qu’à faire couler ton make-up ». Est-ce que c’est en vivant des histoires éphémères que tu parviens à trouver l’inspi pour écrire ?
Ouais mais attention, parce que quand tu dis ça, on dirait que je fais exprès d’être un mec qui brise des cœurs. C’est pas du tout ça, ce que j’ai remarqué aujourd’hui, c’est que quand il y a une histoire avec une meuf, ce n’est pas que ça finit mal, mais que ça finit d’une manière à laquelle la meuf ne s’y attendait pas, et j’avoue que je suis bon qu’à ça. Après je ne dis pas que je le fais seulement pour avoir quelque chose à dire dans mes textes. C’est aussi une façon d’assumer mon rôle de mec qui, comme je l’ai dit, fait « couler le make-up ». D’une certaine façon, c’est aussi ma part de responsabilité.
Dans ton projet, on trouve plusieurs beatmakers assez renommés, genre Noxious, The 9AM, Benjay, Yeong Michin… et pourtant, comment tu as réussi à conserver cette vibe, cette cohérence globale qui t’es propre, sur tous les sons du projet ?
Je pense que c’est en écoutant beaucoup de prods que tu parviens à donner une cohérence globale au projet. Par exemple, sur les 500 prods que j’ai reçu pendant un an, il y en avait au moins 13 pour former le projet. C’est comme ça que j’ai géré ça : je n’ai contacté personne. J’ai fait 0 session studio avec qui que ce soit, on m’a juste envoyé un tas de prods. Y’a aucune prod qui a été modifié, ça veut dire que j’ai aussi respecté le travail du beatmaker, à savoir, comment il a monté la prod. Moi je l’ai pris telle quelle, et moi je me suis adapté à la prod, tout simplement.
Dans Jusqu’au platinium tu dis : « j’étais la bête au fond de la classe ». Ça ressemblait à quoi, ta scolarité ?
A l’école, j’étais très introverti. J’étais toujours au fond de la classe, pas parce que je foutais la merde, mais parce que j’avais la flemme que le prof m’interroge, la flemme qu’on me voit ou qu’on me parle, du coup j’étais au fond de la classe et je suivais le cours tranquillement, après je rentrais chez oim. Ce n’était pas chaotique mais je n’étais pas non plus une lumière. J’avais la moyenne partout et je m’en contentais. Je correspondais vraiment à la phrase que tous les mecs ont dû entendre de leurs profs : « le gars a des capacités, mais il ne s’en donne pas les moyens. » En gros cette phrase je l’ai entendue toute ma scolarité, mais selon moi je n’avais rien à faire à l’école. Dans ma tête, je me suis toujours dit que la finalité c’était de faire de l’oseille et du coup, je ne comprenais pas ce que je foutais à l’école. Je me disais : « ici on gagne pas d’oseille mec ». Je me suis senti obligé de finir mon cursus et mon BTS pour mes darons, mais je ne l’ai pas fait pour moi. J’ai attendu de finir le lycée pour me lancer dans la musique.
Dans Everose, tu répètes, « pour le meilleur et pour le biff, j’ai poussé la voix jusqu’au dicton ». Qu’est-ce que ça signifie ?
Dans le son, pour capter le truc, il faudrait que tu inverses biff et pire. En fait j’ai utilisé la formule « pour le meilleur et pour le pire », et j’ai mis biff à la place de pire, et dans le texte si tu utilises biff ou pire ça veut dire la même chose. Je voulais vraiment donner un sens au texte que je puisse expliquer par la suite. « J’ai poussé la voix jusqu’au dicton », ça veut aussi dire que j’ai retouché le dicton et que j’ai voulu passer un espèce de pacte, pour le meilleur et pour le pire, donc pour les hauts et les bas de la vie, et c’est un pacte scellé que tu dois respecter jusqu’à la fin en fait. C’est comme si je me mariais à la détermination, j’serais déter et je m’investirais toujours, pour le meilleur et pour le biff.
En 2018, les Twittos t’ont confondu avec Damso quand un gars a balancé ton son Broken un peu trafiqué sur Twitter. Est-ce que tu peux nous parler de cet épisode ?
Putain j’avais presque oublié ça. En fait j’ai reçu un tas de DM sur Insta avec un lien pour une vidéo sur Twitter, dont tu parles. J’ai ouvert la vidéo, et même moi je n’ai pas reconnu mon son, donc je ne comprenais pas pourquoi on m’envoyait ça. Les gens dans mes DM ont insisté et quand j’ai réécouté le son j’ai compris que c’était le mien, avec une voix modifiée. Dans les commentaires, il y avait des gens qui m’écoutaient déjà à l’époque et qui disaient que c’était mon son, pas celui de Damso.
Est-ce que tu estimes que c’est ce qui a permis à ta musique de gagner en visibilité ?
Complètement, parce que ça m’a apporté une pseudo-lumière. J’en ai profité, et ça m’a apporté plus de bien que de mal. Au début, ma fierté en a prit un coup, je me suis dit : « wesh, comment ça on me confond avec un autre rappeur », j’avais un peu le seum et tout. Avec le recul je me suis dit qu’on me comparait avec Damso, qui est un grand du rap français, donc ma musique n’est pas forcément si éclatée que ça. Je me suis rassuré en me disant qu’on avait modifié ma voix pour que ça y ressemble, donc je me suis dit que j’avais un flow original à la base. Aujourd’hui des comparaisons j’en ai plein, j’ai vu des gens qui me comparaient à Josman, et on m’a comparé à Dosseh il y a deux jours. C’est comme ça, ce sont les Français : on est obligé de tout comparer avec tout le monde parce que sinon on a l’impression qu’on ne contrôle pas les choses. Les gens se sentent toujours obligés de comparer un artiste à un autre. Mais à aucun moment ça ne m’a abattu, donc j’ai toujours avancé même après ça. C’était plus bénéfique qu’autre chose, une sorte d’accélérateur de fame. Mais ça fait un moment que je n’avais pas entendu parler de cette histoire.