Cheick Kongo, ce nom est peu connu dans l’Hexagone. Pourtant, aux États-Unis, le Français est une vedette du MMA, sport de combat adulé par la foule américaine. Celui qui a connu un grand succès outre-Atlantique, pour avoir envoyé de nombreux gaillards au tapis, n’a pas dit son dernier mot puisque le 16 septembre, le gladiateur reviendra sur le ring pour affronter Tony Johnson. Juste avant l’évènement, c’était l’occasion de rencontrer le Sevranais pour parler de son parcours, de ses affinités avec le rap et de la situation du MMA en France. Rencontre.


Bonjour Cheick Kongo. Vous êtes l’un des combattants français les plus célèbres du MMA. Comment cette aventure a commencé ?

Vaste question. J’ai toujours fait du sport. Déjà tout petit, je m’entraînais avec mon cousin Marc, grand fan d’arts martiaux. J’ai 5 ans quand je commence le Kendo (art martial qui fait appel au maniement du sabre) sous sa houlette. Ado, je touche à tout, Lutte-Gréco, Boxe Anglaise, Kickboxing, pour m’amuser, me défouler, faire comme dans les films dans lesquels jouent Bruce Lee ou encore Jean-Claude Van Damme.

A mes 18 ans, je fais deux belles rencontres : Charles Joussot qui m’enseigne le Pencak-Silat ( art martial d’origine indonésienne) et Daniel Quoniam avec lequel je découvre le Shooto (combiné de lutte, de sambo et de Muay thaï) , disciplines qui répondent à toutes mes attentes en terme de confrontation. Je commence alors les compétitions en France, Hollande, puis partout en Europe. Je gagne des titres en MMA, en Kickboxing, en Muay Thaï. Toujours pour combler cette soif d’apprendre, je finis par rejoindre parallèlement le Fimeu gym de Stains. Je m’entraîne aussi de temps en temps à l’US Metro en Lutte.

Tout ce petit monde contribue à développer mes qualités athlétiques et me permet de me faire remarquer par l’UFC que je rejoins en 2006 et où je resterai 7 ans. Aujourd’hui et depuis 2013, je combats pour sa grande rivale et seconde meilleure organisation mondiale de MMA : le Bellator aux USA.

Le MMA interdit en compétition en France ? « Un non-sens ! »

Dernièrement, nous avons rencontré Dahood Simon qui nous a parlé de son projet « Dans l’ombre de la cage ». Ce dernier nous a confié que les combattants dans son documentaire ont des comptes à régler eux-mêmes. « Leurs combats permettent de cicatriser les blessures qu’ils portent », nous dit-il. Est-ce que cela a été le cas pour vous ?

Non, pas du tout. Le sport, c’était vraiment la continuité des jeux auxquels on s’adonnait dans la cour d’école, quand nous étions petits. Une activité ludique qui m’a ouvert l’esprit par le fait de rencontrer des gens de tout horizons, qui a élargi mon champ de vision et m’a donné des perspectives d’avenir différentes. Ce n’était ni un exutoire ni un remède de guérison. Sans doute que le sport et les combats ont forgé le caractère que j’ai aujourd’hui et m’ont permis d’accéder à une certaine forme de réussite. Mais jamais je n’ai pensé faire carrière dans cette discipline. Je l’ai juste aimée autant qu’elle m’aime aujourd’hui si je puis dire. Elle me le rend bien d’ailleurs.

Les détracteurs de cette discipline ont tendance à dire que le MMA c’est de la bagarre. Qu’est-ce que vous leur répondez ?

Qu’ils ont raison ! Bien sur que c’est de la bagarre, mais de la bagarre codifiée, encadrée, régulée, comme l’est la Boxe qu’on appelle pourtant le Noble Art, le Tae Kwon Do que l’on retrouve aux Jeux Olympiques, etc. Nos détracteurs, ce sont les mêmes qui fustigeaient la Boxe Thaï à l’époque. Je préfère me concentrer sur la reconnaissance de notre discipline et travailler à la développer de façon pédagogique plutôt qu’à perdre du temps à essayer de les convaincre.

Booba est quelqu’un dont je respecte le parcours

Le MMA en France, on en parle ? 

Il a un bel avenir devant lui…si nos politiques finissent par accepter de le regarder comme une discipline à part entière qui participe au bon développement physique et psychique de ses pratiquants ainsi qu’un excellent levier social. Nous avons de très bons athlètes, de plus en plus et de mieux en mieux formés aux grands défis sportifs qui les attendent ! Quant au MMA Loisir, si j’en crois le nombre de clubs enseignant la discipline en constante augmentation en France, je ne peux que m’en réjouir et rester positif pour la suite.

Malgré un public passionné de ce sport, cette discipline peine à être sous le feu des projecteurs en France. Comment expliquez-vous cela? 

Je l’explique par le fait que le MMA tarde encore à être reconnu au niveau fédéral, il reste interdit en compétition alors qu’il est pourtant enseigné légalement dans toute la France et dans des clubs qui ont pignon sur rue. C’est à ne rien y comprendre ! Un total non-sens ! Le Ministère statue en ce moment sur son sort, espérons que nos représentants aient l’intelligence de le structurer officiellement ! Ensuite, viennent la presse et les médias en général qui ne font clairement pas leur travail d’information et d’investigation, préférant véhiculer une image sordide et fausse de notre discipline parce qu’on le sait tous, le sensationnel fait vendre. Le CSA également interdit encore aujourd’hui la diffusion du MMA en France. C’est un énorme frein à sa promotion et vulgarisation.

On pourrait vous assimiler à un rappeur comme Booba : travailleur, combatif et compétiteur. Quel est le secret d’un tel succès ? 

Merci pour la comparaison. Même si nous avons quelques points communs, nous sommes aussi très différents dans notre gestion de carrière respective. Booba est quelqu’un dont je respecte le parcours, la réussite. Le secret d’un tel succès, de mon succès…je ne sais pas, sans doute un peu de talent au départ, mais surtout énormément de travail et de sacrifices, le goût de l’effort, l’envie de toujours aller plus loin dans le dépassement de soi et…un esprit revanchard.

On vous a vu notamment dans l’un de ses clips (Caesar Palace). Est-ce que vous écoutez du rap français ?

Même si je peux apprécier des morceaux de Booba, tout autant que ceux de Kaaris d’ailleurs, je suis plutôt old school quand il s’agit d’écouter du rap français (EJM, Expression Direkt, Fabe, les X-men, Tandem et consorts). En vérité, j’ai des goûts très éclectiques. J’écoute vraiment de tout !

A l’époque où vous commencez à faire ce sport, est-ce que le rap est une source de motivation pour vous ?

Le rap n’est pas du tout une source d’inspiration pour moi. Il y a certes des morceaux qui me parlent et dans lesquels je me retrouve, mais ça s’arrête là. Ma famille et mes amis sont mes moteurs. Ce sont eux me motivent.

Si je vous dis Sevran, qu’est-ce que ça vous évoque ?

Toute mon enfance, ma famille, mes amis, ma ville. Une ville riche dans toute sa diversité, une pépinière de talents ! Mais cela m’évoque aussi le 9.3, département sinistré à qui nos politiques ne donnent pas les moyens de sa réussite, la pauvreté, la misère, les tours…

Quel est votre prochain challenge ?

Mon combat prévu le 16 septembre 2016 face à Tony Johnson en Main Event du BELLATOR 161 au Texas. J’y serai d’ailleurs accompagné de deux autres combattants français dont je manage la carrière pour le moment : Iony Razafiarison et Grégory Babène. L’objectif est simple : rentrer victorieux à trois.

Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui veut se lancer dans la discipline MMA ? 

Qu’il choisisse bien son club, ses coachs, et se tienne loin des produits dopants en s’imposant une hygiène de vie compatible avec les objectifs qu’il se fixe. Qu’il prenne surtout du plaisir à venir s’entraîner, qu’il écoute son corps et ses besoins et garde la tête froide quand les premiers bons résultats tombent. La route vers le succès est longue et pavée d’embûches, le pire ennemi qu’il rencontrera sur son chemin, c’est lui-même.

Un dernier mot pour Alohanews ? 

Merci à vous pour ce moment partagé et longue vie à votre site d’information. Pensez à soutenir le MMA et ses combattants en regardant les événements du Bellator qui sont diffusés tous les mois sur la chaîne (luxembourgeoise) RTL9!  Peace and unity !

 

Propos recueillis par Nikita IMAMBAJEV