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[INTERVIEW] Dinos : l’audace du 93, la verve de Baudelaire

Encore jeune et ambitieux, Dinos a enfin libéré « Imany » son premier album promis depuis trois ans. Le gamin de La Courneuve a pris le temps pour délivrer un projet mûr, explorant des horizons insoupçonnés.

Dinos tout court

Dinos Punchlinovic était parti en avance dans le rap game. Acteur marquant du ras-de-marée Rap Contenders, il pouvait exprimer ce qu’il savait faire le mieux : la punchline et la vanne, comme s’il charriait un pote au quartier. À peine majeur, Dinos a eu du buzz et a même signé chez l’ogre Def Jam à 19 ans. Un potentiel déjà entrevu sur son titre phare de l’époque « Prieuré de sion » dans lequel il annonçait être le futur du rap français.

En découle des EP corrects, mais qui laissent le public sur sa faim au vue de son potentiel, et surtout des brouilles avec sa maison de disque, envers qui il lance d’ailleurs une pique dans Imany « Capitol, Sony ou Def Jam / Comprenez mon style n’est pas leur esclave ». Depuis son dernier projet en 2015, sa fanbase n’avait rien à se mettre sous la dent, pas même des featurings ou des singles pour occuper le terrain comme a pu le faire Nemir par exemple.

En retard comme Imany : le temps de vivre

Si le public exige toujours plus de productivité et qu’aujourd’hui la stratégie privilégiée des rappeurs et d’être présent constamment pour ne pas se faire oublier, Dinos a lui pris le temps. Le temps de se trouver en tant que jeune adulte, de réfléchir, d’avoir des relations et des désillusions. Le temps de vivre, tout simplement. Mais aussi le temps de mûrir musicalement, en écho à son évolution en tant qu’homme.

Dinos a étudié son retour, ôtant au passage le « punchlinovic » de son nom d’artiste. Pas un hasard au vu des changements dans la construction de ses textes. Le rappeur ne cherche plus la punchline facile et tend à conter des histoires, avec un sens de la mélodie nouveau. Nous offrant une balade au gré de ses humeurs à travers les 17 pistes de Imany.

Le quartier, mais pas la rue

Attaché à son quartier et à sa ville de La Courneuve, Dinos l’énonce rarement, mais peint le quotidien des siens, ne serait-ce qu’à travers les visuels : les deux extraits clippés et la magnifique pochette de l’album, tout en teintes de noirs et blancs, ont été réalisés chez lui. De ses amours déçus, à la nécessité de réussite jusqu’ à ses questionnements sur l’identité, Dinos dessine à travers son expérience le quotidien de nombreux jeunes de quartiers. Dans le magnifique Les pleurs du mal, il use du « on » et du « nous » se faisant de ce fait porteur d’une voix, celle des oubliés : « On déteste et on s’aime, de façon calamiteuse / Car chez nous le ciel est terne comme une station de la ligne 2 ».

S’il peut parfois donner l’impression d’écrire le nez collé à sa fenêtre pour s’inspirer de son environnement, Dinos parle aussi de son vécu. Bien qu’il veuille sortir de son statut de personnalité « presque célèbre », il retrace son passé avec une certaine amertume, pas disposé à tous les sacrifices, si ceux-ci se font aux dépens de ses convictions. Dinos apparaît aujourd’hui plus mature que jamais. Autant sûr de ses forces que conscient de ses fragilités.

« On dit aussi que, parfois pour punir les hommes, Dieu leur donne ce qu’ils veulent
Et j’pense qu’il m’a rendu service en me donnant ce que je voulais pas
Imany »

De passage à Bruxelles, le rappeur s’est livré sur son dernier album et sur la nécessité d’aller au-delà de la face musicale, au coeur de la musique. Rencontre.