Mejhoul, rappeur de Boissy-Saint-Léger a sorti son EP de 6 titres en décembre 2017. Intitulé « Les contes des Damnés », le projet est construit sous forme de storytelling avec six histoires qui présentent six situations, personnages différents. Le storytelling, une conception de morceaux qui a quasiment disparu dans le rap francophone, renait de ses cendres avec cet EP. Rencontre avec Mejhoul.
Tu viens de sortir ton E.P « Les contes des damnés ». Un E.P de 6 titres sous forme de storytelling. D’où est venue cette idée d’écrire sous forme d’histoires ?
J’ai commencé à faire de la musique depuis pas mal de temps. J’ai ensuite arrêté parce que la forme de mes morceaux ne me convenait plus. Je travaille également dans l’audiovisuel, dans la réalisation de documentaires, etc. Du coup, je voulais raconter des histoires et me mettre dans la peau d’un personnage, comme j’aurai pu le faire pour un film mais sous forme musicale. De plus, dans la vie de tous les jours, j’aime me mettre à la place des autres et comprendre la psychologie de telle ou telle personne. Le storytelling me convient parfaitement.
Le titre de ton EP « Les contes des Damnés » me fait penser au titre du livre de Frantz Fanon « Les damnés de la terre ». Quelle est ta définition du mot « Damnés » ?
Justement, le titre fait référence au livre de Frantz Fanon. Ma définition représente les personnes qui sont condamnées à l’enfer sur terre. Chaque titre représente une personne qui est à sa façon condamnée et damnée sur terre.
Tu as choisi six personnages différents dénonçant plusieurs sujets sensibles comme le terrorisme, le racisme, le contrôle du peuple par l’Etat, etc. Pourquoi avoir choisi ces personnages et ces situations en particulier ?
J’en ai pas mal en tête donc on va dire que c’est le premier volet. J’ai fait ce choix parce que c’était principalement les sujets qui me tenaient à cœur et que je voulais traiter. Je me rends compte que c’est un format carrément inépuisable, il y a tellement d’histoires à raconter, de personnages emblématiques ou non à mettre en avant.
Le sujet du terrorisme, par exemple, j’ai toujours voulu le traiter et je ne voulais pas le faire de manière très hâtive parce que je voulais prendre le temps de comprendre ce qui se passe dans la tête d’un terroriste, notamment le terrorisme dit islamique, celui qu’on subit en Europe. Le sujet de la personne qui est cadre dynamique salarié, c’est un sujet qui me touche parce que je suis passé par là. Il y a forcément un lien avec ma vie personnelle – dans la plupart des titres – mais je pense que le choix de ces différents morceaux vient de ce que j’avais envie de dire principalement.
Est-ce qu’il y a des morceaux qui ont été mal compris ?
Il y a un morceau sur le terrorisme qui n’a pas été compris par tout le monde. Certains m’ont même dit que ça peut s’apparenter à de l’apologie.
Est-ce que ce n’est pas la fièvre française actuelle qui dit que comprendre, c’est excuser ?
Si tu veux le choix du titre n’était pas un hasard, je l’ai appelé « La part de l’autre ». Ça vient d’un livre assez connu d’un auteur qui a écrit un roman sur Hitler. L’originalité de ce livre, c’est qu’il y a un chapitre sur la vie d’Hitler et un chapitre sur la potentielle vie d’Hitler s’il avait été accepté à l’école des beaux-arts. L’auteur imagine sa vie supposée. L’auteur voulait dire que « lorsqu’on exclut de la communauté humaine un criminel de guerre qui a fait un génocide, il est impossible de guérir ce mal. Si tu dis que c’est un monstre et pas un être humain, ça ne réglera pas le problème. Si on n’essaie pas d’expliquer le cheminement de l’acte – aussi horrible soit-il – on ne trouvera pas de solutions. Si on peut essayer de comprendre Hitler, je ne vois pas comment on ne pourrait pas essayer d’expliquer l’acte d’un terroriste. Sachant que le livre d’Eric-Emmanuel Schmitt est un bestseller.
Est-ce que tu as des artistes qui t’inspirent dans ta conception du storytelling ?
Il y a Médine qui m’a fait aimer le storytelling. Oxmo Puccino aussi qui se penche plutôt sur des moments de vie très précis. Shurik’n aussi dans une moindre mesure. J’aimerai atteindre ce genre de niveau lyrical.
j’aime ce qui se fait aujourd’hui, je trouve qu’il y a une vraie révolution ces cinq dernières années dans le rap. Au niveau de la mélodie, le flow devient de plus en plus un instrument et de moins en moins scandé et ça j’apprécie beaucoup. Je sais que des artistes comme Damso ou même Lomepal sont des artistes qui m’inspirent au niveau de la maturité musicale et artistique.
Propos recueillis par Nikita Imambajev