Il y a un an, personne ne le connaissait. C’est l’histoire d’un gamin paumé du 20ème arrondissement de Paris qui faisait face à un tournant de sa vie. Qui pouvait autant plonger définitivement dans ses vices que s’extirper de sa condition. Moha La Squale a pris la deuxième voie, avec la musique au cœur de sa quête.
Pour ceux qui suivent un minimum l’actualité du rap français, impossible d’être passé à côté de la vague Moha La Squale. Un succès aussi soudain qu’imprévu, découlant d’une série de circonstances favorables qui l’ont mené à sortir son premier album « Bendero » en mai dernier, déjà un beau succès commercial.
La banane, la rue puis la prison
A 22 ans, Moha la Squale a déjà vécu plusieurs vies. Sa première prend place à La Banane, quartier populaire du 20ème arrondissement de la capitale. Dès l’enfance, il se retrouve souvent livré à lui-même, abandonné par son père, et avec comme seul soutien sa mère handicapée. Tel le personnage de Mowgli, une de ses principales références, il arpente son quartier comme une jungle, lieu où le danger et le vice sont légions. Pour survivre, l’enfant loup va s’adapter à son environnement.
Il l’énonce sans détour à travers ses textes : Moha squattait les pavés de la Banane dès ses 13 ans et la rue était devenue sa seconde famille. Il arrête l’école à 15 ans et son quotidien devient celui d’un petit dealer de drogue. Avec la volonté universelle de s’en sortir, mais freinée par des aller-retour en prison, alors qu’il est à peine majeur.
« Le p’tit avait un rêve »
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L’histoire est désormais connue : un jour son pote et également rappeur Jo Le phéno passe dans le quartier avec un caméraman. Celui-ci le fait jouer dans le clip « La Rue » de Jo. Le réalisateur belge Barney Frydman le repère alors et l’invite à passer à l’étape supérieure, lui offrant un premier rôle dans son court-métrage « La graine ». Pour nos confrères de Booska-P, Moha est revenu sur ces questionnements liés à sa condition : « En prison, tu as cette remise en question : est-ce que ma vie je vais la finir au placard ? ».
Sûrement pas. La dalle, La Squale l’avait déjà, l’opportunité lui ayant été donnée, il était bien décidé à ne pas louper le coche. Sur les conseils du réalisateur, il s’engage au cours Florent, école de théâtre réputée. Son énergie, son sourire communicateur et sa propension à se mettre en scène vont lui permettre d’enclencher la seconde phase du projet : percer dans le rap.
Moha La Squale, le bendero
En tant que comédien, il se plaisait à raconter des histoires, mais il se devait de raconter la sienne, en musique. Il lâche un premier clip sur Facebook qui sort en juillet 2017 et rencontre un succès encore relatif mais très surprenant pour un premier jet. Moha a les crocs et veut lécher l’assiette tant qu’il le peut. Il balance ensuite 13 autres freestyles, un tous les dimanches, qui viennent mettre un sérieux coup de pied dans la fourmilière du rap français. Sans apporter quelque chose de révolutionnaire, Moha propose un rap sincère et cru, mis en valeur par son charisme devant la caméra. Une fanbase de plus en plus grande le suit fidèlement et les médias poussent définitivement le minot sur le devant de la scène. Les spécialisés comme Booska-P et Rapelite, mais aussi les plus généralistes comme Les Inrocks ou Le Monde. Le storytelling autour du parcours chaotique d’un gamin sauvé par l’art, la comédie et la musique, fonctionne parfaitement.
On se demande s’il dort beaucoup en ce moment. Depuis ses premiers succès au dernier trimestre 2017, il a eu le temps de signer en maison de disque chez Elektra Records, filiale de Warner. De collaborer avec Nike et Lacoste pour des défilés et partenariats. D’enchaîner les interviews, du plateau de Quotidien à Alohanews. Son parcours, sa bienveillance et sa quête captivent charognards comme gens bien attentionnés.
Tampon officiel de son ascension fulgurante : son premier album, sorti en mai, cumule plus de 16 000 ventes en première semaine et établit Moha La Squale comme un artiste qui compte. De même que son omniprésence dans les festivals d’été. Si son album a subi quelques critiques quant à son aspect répétitif, une chose est sûre, on ne pourra jamais reprocher à Moha de mentir à ses auditeurs, se livrant avec la même sincérité qu’à ses (récents) débuts. Fan de Lacoste, Moha La Squale a surgi dans le rap français comme un croco sortant de l’eau, gueule ouverte et crocs acérés. Pour ne plus lâcher sa proie qu’est le rap game.