Un flow chirurgical, de la tristesse, de l’humour et beaucoup d’amour… Voilà en quelque sorte la recette Kemmler. Le rappeur Marseillais au gros cœur a sorti son nouvel album solo intitulé « Gris Cœur », de quoi plonger dans la vie d’un addict, non pas à la drogue mais bien au sentiment d’amour ainsi qu’à l’écriture.

NOE ALOHA : Tout d’abord, j’aimerais que tu m’éclaires un peu sur le nom de ton album . « Gris cœur » cela signifie quoi pour toi ?

KEMMLER : (rires) Mon tout premier album s’appelait « Rose » parce que je trouvais que le meilleur moyen d’exprimer mon mood c’était avec l’utilisation de couleur. Ce projet-là, je l’ai sorti en trois parties et là première s’appelait « Gris » parce que l’univers que j’apportais était un peu plus sombre que d’habitude. Ensuite, j’ai sorti la deuxième partie qui s’appelait « Cœur » dans laquelle je racontais des trucs assez viscéraux qui venaient tout droit de mon cœur. Et on a ensuite décidé d’appeler la troisième partie « Gris Cœur », un peu comme si j’avais créé en quelque sorte une réelle couleur qui représentait l’intégralité de ce que je raconte dans mes morceaux. 

 

Dans le morceau « Absolution », tu abordes beaucoup de thèmes qu’on va ensuite retrouver en long et en large dans les autres sons. Tu t’excuses beaucoup, est-ce que la musique est en quelque sorte une manière de se libérer de ses péchés comme dans un confessionnal ?

Franchement tu as tout dit, en fait dans la vie de tous les jours j’ai vraiment du mal à m’excuser ou raconter des trucs personnels, je suis ultra pudique au niveau de mes sentiments. Du coup j’utilise la musique comme une sorte de thérapie pour dire des choses que je n’oserais pas spécialement dire aux personnes qui me sont chères. J’ai aussi essayé de trouver un parallèle pour tenter de toucher des personnes qui ne me connaissent pas forcément. Parfois je reçois des messages d’auditeurs qui m’expliquent qu’eux aussi ressentent ces choses-là et ça me touche beaucoup, car je me sens moins seul et ça me fait plaisir de pouvoir aider les gens à travers ma musique.

Tu abordes des relations pansements. Comme avec la phase « Je cherche encore celle qui me fera t’oublier » dans le morceau « Au singulier ». Est-ce que c’est quelque chose qui t’es déjà arrivé ?

Oui je pense avoir été le pansement de quelqu’un et je pense également avoir vécu des relations pansements. Je crois que c’est quelque chose d’assez humain au final. On ne fait pas toujours ça par choix, on ne se rend pas toujours compte que ce n’est pas le bon choix. Par exemple, tu peux te mettre avec une personne et te dire oui c’est surement la bonne alors qu’en vrai tout ce que tu veux réellement c’est oublié celle d’avant. Je ne considère pas cela comme un acte mauvais, mais comme un acte humain. C’est quelque chose de plus commun que l’on ne le croit. 

 

Peux-tu me parler de la connexion avec Chilla ? Pourquoi ton choix s’est porté sur elle et comment c’est passé la session studio ?

Tout d’abord il faut savoir que j’ai beaucoup travaillé avec Tefa et notamment au niveau de l’écriture pour d’autres artistes. Ensuite, à l’occasion d’un séminaire j’ai rencontré Chilla, avec qui j’ai directement accroché humainement. J’aimais bien sa musique et sa façon de travailler, j’ai trouvé beaucoup de points communs entre elle et moi, c’est 

quelqu’un qui est plein de ressources et d’énergies. Pour mon album je voulais des feats avec des personnes que j’apprécie réellement et j’ai vite opté pour Chilla. Je l’ai contactée, je lui ai proposé de composer un morceau ensemble, on n’avait rien ni la prod ni le refrain et elle m’a directement dit qu’elle était d’accord. On s’est vu ensuite en studio à Paris et on a bouclé le son archi-vite. Il y’avait une bonne alchimie et tout s’est fait très rapidement.

Dans le morceau « Je veux tout », tu prétends tout vouloir. Est-ce une métaphore pour nous dire qu’en réalité tu ne sais pas vraiment ce que tu veux et que donc au final tu ne veux rien ?

Complètement ! Je ne sais vraiment pas ce que je veux. Plein de fois je pense savoir ce que je veux, mais au final je me rends compte que pas du tout. Quand j’obtiens quelque chose, j’en désire une autre. J’ai un peu le sentiment de l’éternel insatisfait. 

 

Peux-tu me parler de la connexion avec Youssoupha ?

Avec lui ça s’est fait à distance. C’est un pote donc ça s’est fait tranquillement. L’histoire du morceau est un peu folle parce que j’avais vu un challenge lancé par France Tv qui était de choisir des mots dans les commentaires d’une publication et d’en faire un morceau sur l’addiction. J’avais réalisé ce challenge et ça avait donné le morceau « À cause d’elle ». J’avais uniquement posé le premier couplet jusqu’au refrain et je le trouvais vraiment bien. Je ne savais pas quoi apporter de plus au morceau et c’est là que je me suis dit que si Youssoupha posait un couplet dessus ce serait terrible. Il a direct accepté, il était à Kinshasa donc je lui ai tout envoyé, et il a rapidement posé son couplet et j’ai kiffé de ouf parce qu’il a vraiment ramené un truc sur le morceau.

On trouve également un morceau dédié à ta sœur qui est décédée, comment est-ce que ce drame a impacté ta musique ?

Ça a été un truc ultra dur pour moi parce que c’est quelque chose qui peut détruire comme rapprocher une famille, personnellement j’ai eu la chance que ça nous a rapprochés. C’est quelque chose dont on parle très peu avec ma famille, mais qui nous impacte tous et tous les jours. En parler dans un morceau c’était un peu nous rassembler tous autour d’un sujet dont on ne parle pas trop. Ça a été un moment assez dur, mais je trouvais ça important d’écrire un morceau sur lequel je pouvais réunir toute ma famille. 

Pour finir, tu parles parfois d’une évolution, tu dis que tu es « différent » et que ce n’est plus comme avant ?  Alors que dans le morceau « Hier » tu dis être le même ? Est-ce une contradiction voulue ?

Mon album est rempli de contradictiond tout comme ma vie en est également remplie. Personnellement, j’ai l’impression d’être resté le même et de ne pas avoir changé, mais d’un autre côté, certaines personnes me disent que j’ai changé, qu’ils ne me voient plus autant qu’avant, etc. Donc je pense que ouais pour pas mal de personnes j’ai en effet changé, mais pour moi Kemmler est toujours le même et il a simplement évolué.

 

Propos recueillis par YG Noé