Lasco, membre du collectif les Tontons Flingueurs a récemment sorti son EP « Le Blood », disponible gratuitement. L’artiste nous raconte son histoire, celle d’un enfant des Lilas aux multiples influences et références. Entretien.

twitter-logo_2Alexandre Daumur-Smith

D’où vient ton nom, Lasco, je n’ai pas trouvé la signification ?

Je m’appelle Nicolas et Lasco c’est « colas » à l’envers.

Bien que tu touchais le micro avant, tu es issu du collectif « les Tontons flingueurs. Qu’est-ce qui a fait votre force par rapport à d’autres groupes parisiens ?

Déjà on était meilleur. Ensuite il y avait une compétition de groupe mais assez saine. Chacun essayait de se surpasser. Quand tu retrouvais les potos et que tu montrais ton texte fallait être en place car les autres étaient tous capable de prendre une prod et de là déchirer.

Tu as déjà vu le film ?

Quelle question, bien-sûr. Ma scène préférée c’est celle où ils se mettent tous une rapta (une défonce à l’alcool) dans la cuisine, tu sais le « j’ai connu une polonaise qui en buvait au petit déjeuner ». Ce film est un classique, dès que j’ai eu l’âge de le voir, je l’ai vu.

© Flora Métayer
© Flora Métayer

Tu as grandi aux Lilas, dans le 93. C’est une ville avec pas mal de mélange. Tes inspirations sont aussi très mélangées, tes façons de rapper également. Le mélange est primordial pour toi ?

Ce n’est pas primordial mais naturel. Comme tu l’as dit, il y a tout aux Lilas. Je ne connais pas de millionnaires mais il y a de tout. J’ai fait un peu de solfège, j’écoute toutes sortes de musiques. Mes parents m’ont toujours poussé à écouter plein de trucs. Le mélange, c’est ce que j’ai envie de faire. Je ne réfléchis pas.

En parlait de la Seine Saint Denis : si le neuf trois c’est Cleveland, qui est LeBron James ?

(Rires) Bonne question. On verra plus tard.

Pour rester dans le 93, il me semble que tu es allé au concert de NTM en 2008, tu as pris une claque. Qu’est-ce qui t’a marqué dans leur prestation ?

J’écoutais déjà pas mal de musique, je découvrais les sons chez moi, bien qu’il n’y avait pas trop de rap si ce n’est du MC Solaar. Je me suis mangé une giffle car j’ai réalisé la puissance du rap. Dire ce que tu as dans la tête sur une instru devant des milliers de personnes qui en plus répètent et chantent.

Tu te qualifies comme quelqu’un d’authentique. Tu fais ce que tu as envie de faire. Tu ne te limites pas. C’est essentiel pour réussir ?

L’important, ce n’est pas forcément de réussir, je suis un être humain comme toi. Le but est d’être épanoui, heureux. Je dois me sentir moi-même, je ne pense pas à réussir. Par exemple, je sais que tu es basketteur, c’est comme si je te disais de faire du foot alors que tu kiffes le basket. Je pourrais te convaincre en te disant qu’en France il y a beaucoup plus d’argent dans le football que dans le basket sauf que l’envie prime. C’est en mettant un 3 points que tu kiffes, pas en mettant une lucarne.

Je sais que tu aimes bien PNL pour leur côté : moins on en dit, mieux c’est. Quelles sont les autres valeurs ou états d’esprit que tu affectionnes dans le milieu du rap ?

La sincérité et la spontanéité, ça rejoint le fait d’être authentique. Il y a certains artistes dont je ne suis pas fan mais ils me touchent car ils sont eux-mêmes. J’aime l’entraide même si ça existe de moins en moins dans ce milieu alors que c’est une valeur importante du hip-hop à la base.

Dans Zouk, tu dis que « l’argent est le Dieu » pour certaines personnes, quel est ton rapport à l’argent ? C’est un problème de notre société tu penses ?

J’ai le seum car moi-même j’ai envie d’en faire plein. Les gens disent toujours qu’ils veulent faire plein d’argent mais c’est plutôt qu’ils  veulent une belle maison, partir en vacances, que leurs proches soient à l’abri et non d’avoir des billets dans les mains. D’un côté je kiffe l’argent car c’est un moyen mais je le déteste en tant que but.

© Flora Métayer
© Flora Métayer

Ton morceau « Dimanche soir » est très réaliste. On a l’impression d’être avec toi et de te suivre dans ton écriture. Il y a beaucoup de peines et d’agacement notamment envers le système. C’est quoi les dernières choses qui t’ont révolté ?

Malheureusement il y a tellement de trucs qui me révoltent que quasiment plus rien ne me révolte. Au début, quand tu es petit tu regardes les infos avec tes parents. Tu vois des morts à la télé, des injustices. Toi tu es choqué mais tu vois ton père qui regarde et mange normal alors que ce n’est pas un batard, tu le sais. Avec du recul tu comprends qu’il est comme ça car tous les jours on voit des injustices. Parfois on préfère ne pas y penser.

 

Quel est ton rapport à la haine ?

C’est une épreuve, le but est d’être heureux. La haine est un obstacle naturel à ça, c’est comme la faim quand tu ne manges pas. La vraie sagesse est de réussir à maitriser sa haine pour la transformer en une énergie positive et influer sur ce qu’il y autour de toi.

Quel est ton rapport à l’amour ?

C’est aussi une épreuve. Malheureusement si tu te détaches de la haine, tu as beaucoup de chances de te détacher de l’amour. Il faut garder son amour, c’est le plus dur.

C’est quoi le plus puissant des deux ?

La haine engendrée par l’amour.

Propos recueillis par Alexandre Daumur-Smith