Rachid Sguini, dessinateur de talent plus connu sous le pseudonyme de Rakidd s’est fait un nom sur la toile avec ses «gribouillages» qui mêlent poésie et humour. « Le monde de Rakidd de 2001-2016 » sort aujourd’hui pour le plus grand plaisir des amoureux du crayon. Alohanews est allé à sa rencontre.
Tu as comparé la sortie de ton premier livre comme la sensation que l’on ressentirait lorsqu’on devient papa. Justement, ton livre a mis combien de temps pour naître ?
Il a mis pas loin d’un an avant d’accoucher. Entre le temps, le concept a évolué. Au départ, ce devait être un bouquin de coloriage. Il y a un, c’était à la mode. On voyait éclore pas mal de bouquins de coloriage. Aujourd’hui, ça ne l’est plus. Nous avons donc décidé de rectifier le tir. Comme dans mes dessins, je suis très réactif à l’actualité, je me suis posé la question de ce que cela donnerait si je dessinais sur de l’actualité déjà digérée. Arrivé au milieu du projet, j’ai eu la chance de bénéficier de matériel davantage performant qui m’a permis de dessiner de nouvelles choses.
Ton ouvrage s’intitule « Le monde de Rakidd de 2001 à 2016 ». Pourquoi avoir choisi de commencer ton bouquin par l’année 2001 ?
L’actualité a été marquée par des tragédies que tu as su illustrer de manière poétique. Est-ce que dessiner pour toi est une forme d’exutoire ?
Je pense. Par contre, ce n’est pas qu’une forme d’exutoire pour moi, mais aussi pour les personnes qui me suivent et regardent mes dessins. Je me suis rendu compte que je dessinais bien plus pour les autres que pour moi. Avec ce livre, c’est davantage une initiative personnelle, car je dessine sur des choses qui m’animent. Dans mon blog, je dirais que j’offre mes dessins pour les personnes afin qu’elles puissent donner du sens à leurs expressions. J’ai envie de donner des mots et des images aux personnes qui ont du mal à exprimer leurs émotions.
Ce qui est intéressant chez toi, c’est que tu ne te cantonnes pas qu’à l’actualité. Tu as créé un univers autour d’un petit personnage. Le petit bonhomme mal rasé que tu illustres, est-ce une projection de ta personne ?
Tout à fait. C’est moi en plus gentil. C’est une version de ma personne plus édulcorée. J’illustre ma bonne conscience à travers ce petit bonhomme. Dans mes dessins, je pourrais aller beaucoup plus loin. Dans la vie de tous les jours, je suis plus taquin, plus cynique. Le personnage est là parce qu’on a besoin de lui et il vole au secours de toute personne qui se sent opprimée. L’objectif est de positiver mes dessins à travers lui.
C’est ce qu’on ressent dans ton travail. Tu as cette faculté de dessiner le malheur du monde avec une certaine douceur et bienveillance. Prends-tu conseil auprès de ceux qui te suivent pour traiter certains sujets ?
Il m’arrive régulièrement de recevoir des messages de personnes qui m’encouragent à dessiner sur des sujets bien précis. Chacun a sa vision et ses tragédies qu’il voudrait mettre en exergue de quelque manière que ce soit. Je ne peux donc pas toujours aller dans le sens de tout le monde sinon je dois dessiner des milliers de dessins par jour. Par contre, il m’arrive de traiter de thématiques peu traitées à mes yeux. Quand je décide de dessiner sur ce qui se passe en République Démocratique du Congo, c’est une initiative propre, car je juge qu’il est important d’en parler. Sur ce qui se passe également à Alep en Syrie, j’ai décidé d’en réaliser plusieurs à une époque où les gens ne s’intéressaient pas trop à ce conflit. Par exemple, au sujet de la question palestinienne, je juge que je n’ai pas à en faire, car beaucoup de dessinateurs le font et de manière très pertinente.
Est-ce que tu suis le parcours de dessinateurs de ta génération qui commence à se faire remarquer par leur travail ?
Il y a une dessinatrice dont j’apprécie le travail qui s’appelle Sanaa K. Elle dessine super bien et a un univers propre. Après, il n’y a pas énormément de dessinateurs que je suis. Je n’ai pas trop le temps de regarder ce que font les autres.
Avec Alohanews, nous avons déjà eu l’occasion d’interviewer yAce, un dessinateur qui monte (Il me coupe).
Oui, bien sur que je connais. Il est très juste dans ses dessins quand il traite de politique internationale ou de thématiques qui touchent la société française. Parfois, il m’arrivait de vouloir dessiner des choses, mais je me rendais compte qu’il avait déjà traité cela et me disais que c’était plus cool donc je cherchais un autre sujet ou angle (rires). Je ne le connais pas personnellement et ne sais pas qui c’est, mais j’aurais bien aimé le rencontrer.
« Dans le dessin, il ne faut jamais baisser les bras »
Peux-tu nous parler de ton amour pour la pastèque et le café que l’on peut retrouver souvent à côté de ton personnage ?
L’amour pour le café et la pastèque font partie du personnage. En été, je mange énormément de pastèque. Je ne sais pas d’où ça vient. C’est dans le sang peut-être (rires).
Tu avais notamment commencé à créer une sitcom qui retraçait la vie d’un groupe d’amis de tasses et mugs de café. Une suite ?
Il faudrait que je la relance. C’était une sitcom avec des personnages en café qui discutaient et se faisaient des blagues super nulles. C’est un Hélène et les garçons version caféinée (rires). Ce sont des projets que j’ai mis de côté et que j’aimerais réaliser en animation. J’ai trouvé des personnes qui pourraient m’aider à matérialiser cela. Sur internet, on ne me connait pas mal sur le registre de « dessinateur engagé ». À la base, ce n’est pas du tout mon aspiration.
Tu as d’autres projets à venir ?
Je suis sur plusieurs projets liés à la télévision. Je suis en train de préparer quelque chose avec la chaîne pour enfants, Gulli. Avec ma boîte Bluecheez, nous avons signé un projet avec une chaîne télévisée. Le projet serait de réaliser des plateaux télévisés avec des comiques. Je ne peux pas vous en dire encore plus pour l’instant. Ensuite, il y a la promotion qui va me prendre pas mal de mon temps. J’aimerais tourner un peu partout en France. Après j’ai d’autres projets qui ne sont pas liés au dessin. Je ne peux pas en dire davantage tant que les choses ne se sont pas vraiment concrétisées.
Ton ouvrage est sorti chez la jeune maison d’édition Faces cachées. Nous avions l’occasion de la découvrir à l’occasion de la sortie de leur premier livre sorti chez eux, Je Suis de Bakary Sakho. Comment s’est faite la connexion ?
C’est très simple. J’étais présent à la cérémonie des Y’a bon Awards. Ouafae, l’éditrice est venue me trouver en m’interpellant et me proposant que je sorte un livre au sein de sa maison d’édition. Elle m’a dit que j’avais carte blanche et que je pouvais faire ce que je voulais. Tout simplement. Elle m’a informé qu’elle appréciait mon travail. Elle s’est surement dite qu’elle voulait investir dans une personne qui pourrait avoir un peu d’avenir. À l’époque, je n’avais pas encore la notoriété que j’ai aujourd’hui. Elle a fait un pari. Pour moi, c’est une bonne expérience. Même si l’ouvrage ne marche pas. Il aura le mérite d’exister. Je ne me découragerai pas pour autant. Dans le dessin, il ne faut jamais baisser les bras.
Un dernier mot pour Alohanews ?
Bravo les gars. Je vois qu’Alohanews progresse bien. Je suis vraiment content pour vous. Vous arrivez à avoir des interviews de personnes très intéressantes. Je me souviens quand vous étiez encore petits. J’étais un des premiers à vous suivre. Je suis très fier que vous arriviez à percer comme cela. Votre trajectoire, je pense que je vous vois devenir comme des sites tels que Clique ou Yard. Je vous souhaite davantage de succès et ça ne pourra qu’être bénéfique pour moi, car mon interview aura davantage de lecteurs (rires).
Propos recueillis par Mouâd SALHI
Si vous voulez vous procurer le dessin illustré, vous pouvez le commander via ce lien : http://faces-cachees.fr/produit/le-monde-de-rakidd-de-2001-a-nos-jours/