A l’occasion de la 23e édition du Festival du Cinéma méditerranéen, la Tunisie est l’invitée d’honneur. Nous avons rencontré le réalisateur Elyes Baccar qui était présent pour dévoiler son long-métrage « Tunis by night ». Après avoir abordé la révolution tunisienne dans deux précédents films, ce long-métrage documentaire nous replonge dans l’ébullition sociale juste avant la révolte.
Ce film vous a-t-il apporté plus de réponses par rapport à la révolution tunisienne ?
C’est un film sur l’ébullition sociale qui a eu lieu avant la révolution. C’est vraiment juste avant que ça ne se déclenche. J’ai abordé le thème de la révolution tunisienne de trois façons.
La première manière au travers d’un film où j’ai vraiment parlé du mouvement social, de ce qui s’est passé dans les différentes régions. La seconde façon, c’était dans le film « Lost in Tunisia ». J’ai choisi de parler de l’après la révolution à savoir 5 ans après. Il y avait aussi cette errance d’un cinéaste qui cherche à faire un film sur les femmes, parce que c’était aussi le thème majeur après la révolution. Dans « Tunis by night », c’est le noyau familial et le conflit au sein de cette famille-là qui sont abordés. Dans une société avant le déclenchement de la révolution. Avec ces trois films, je pense avoir fait le tour de l’événement majeur de l’histoire contemporaine de la Tunisie.
Certains vous associent au discours des islamo-conservateurs. Quelle est votre réaction ?
Sincèrement je suis très surpris. Ceux qui me connaissent déjà savent ma position à ce niveau-là. Je n’ai jamais pensé que je puisse recevoir ce type de remarque parce que le film est très loin de cette vision. Les personnes qui ont cette lecture du film, je me demande ce qu’ils ont retenu du film. C’est triste, car il y a ce clivage qui existe en Tunisie. J’ai l’impression que certains progressistes sont devenus plus extrémistes que les extrémistes eux-mêmes.
C’est vraiment très triste de voir certains progressistes qui n’acceptent presque plus la différence, même si celle-ci est modérée. Je ne prends parti pour personne dans mes œuvres. Je dépeins une partie de la société loin de toute position personnelle. Après chacun y voit ce qu’il veut. Ceux qui disent de moi que j’ai un discours islamo-conservateur c’est vraiment une chose étonnante et hors de propos.
Vous n’avez pas peur que votre message soit mal compris de par ce fait ?
Heureusement que ces petites critiques n’ont pas vraiment eu d’influence sur le public parce que les Tunisiens ont adhéré, compris et surtout ressenti mon film. Comme on dit « la beauté existe dans l’œil de celui qui regarde » et l’extrémisme ainsi que le conservatisme et tous les « ismes » existent dans l’œil de celui qui regarde. C’est un film qui est fait pour l’ouverture, pour la modération, pour l’amour, pour l’échange, alors s’il plait aux islamo-conservateurs tant mieux, s’il plait aux progressistes tant mieux, s’il ne plait à personne tant mieux aussi. J’ai donné ma vision et je n’expose pas mes opinions, c’est une peinture d’une société malade.
Quel avenir voyez-vous pour la Tunisie ?
Je pense que la Tunisie est mal partie en ce moment. Le pays est aux abois économiquement. Une vraie claque est nécessaire pour réveiller tout le monde. J’ai l’impression que les politiques sont en train de partir dans une direction, le peuple dans une autre et la jeunesse encore dans une autre. L’élite essaie de trouver une place avec difficulté. S’il n’y a pas de stratégie claire, une vision claire et puis des leaders bien prononcés, bien présents, on va rester tout simplement dans la tiédeur tout à fait favorable à une morosité sans lendemain.
Propos recueillis par Nihel Triki