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Coming out d’un fan de 2Pac : #ILovePNL

© Le Temps

PNL ou IAM ? Non les deux!

Bon, on va être bref, je me suis donné pour défi d’écouter PNL tout ce weekend.

Oui, moi! Le travailleur social, l’intervenant dans les écoles, l’universitaire, l’amateur de bon son, du jazz au hip-hop, celui que l’on appelle à 2h du mat’ pour ‘shazamer’ un son qui sort de la radio au travers de baffles de téléphones perfectibles. Celui à qui il reste encore quelques K7, MD et CD. Celui qui a toujours eu l’oreille lourde face à l’abrutissement, face à l’autotune, face à la trap’
Celui qui a rejeté son frère quand il lui a fait écouter « J’suis PNL » … un véritable ‘puriste’ en somme.

À plusieurs reprises, on m’a demandé « tu penses quoi de PNL ? (un peu comme le voile) » « Tu préfères PNL ou Booba ? (T’es Barça ou Real) » « Tu préfères l’autotune et la trap au rap conscient ? (T’es plutôt de droite ou centriste) » … Bref, ne nous voilons pas la face, on me demande de me positionner dans ce débat qui fait société !

Le questionnement a commencé quand j’ai aperçu mes jeunes se lisser leurs cheveux, porter des sacoches Gucci et trainings de foot. Écouteurs pendants, volume maximal, avec une boucle rythmique tel un revolver qu’on recharge. Cette dite rythmique que mon oreille n’a pu s’approprier, celle de la trap’.

Sans se faire attendre plus longtemps, voilà le verdict : validé

Qu’on se comprenne, je ne leur rends pas service en validant, ils s’en foutent de ma gueule à vrai dire et, surtout, de ce que je pense.

C’est plutôt pour moi que ce service était bénéfique. Pourquoi ? Car la vie fait que l’on se détache « de la base » par moments, et on tombe dans l’illusion de tout savoir, du tout était mieux avant et du regard condescendant.
Mon comportement ressemblait aux anciens qui me disaient, alors boutonneux et fraîchement majeur, “113 c’est de la merde” … pourtant je leur rétorquais “mais non ils sont bruts, ils représentent … et puis merde, tu sais au moins c’est qui DJ Mehdi?!”

Même débat outre Atlantique, avec ceux qui disaient que le Hip Hop est mort fin 90 alors que Slum Village et Little Brother rafraîchissaient la scène avec J Dilla (déjà membre de The Ummah) et 9th Wonder.

En gros, comme dirait Youssoupha c’est l’ »éternel recommencement ».

Mon premier choc a eu lieu quand j’ai vu le clip « La vie est belle », je me suis dit que pour du visuel, NatGeo pouvait rougir. Et puis, de manière personnelle, je m’imaginais, à mon époque Maison de Jeunes, l’effet de voir deux gars, avec un joint en main (bouhhhh) explorer le monde et y raconter de la “merde”. Un acte manqué freudien peut-être? Ou tout bonnement la réalisation que j’assiste à un produit purement réfléchi?

La réponse est venue en écoutant tour à tour, visuels compris, “Le Monde ou rien”, “Naha” et “Je suis PNL”. À ce moment précis de mon histoire personnelle, j’ai parcouru trois titres d’albums différents qui m’ont fait saisir un message, un univers dans lequel je me reconnaissais à certains moments, mais dont les codes me sont devenus étrangers!

Renaud choqua avec le verlan, Gainsbourg choqua avec Lemon Inceste , Solaar châtia la langue de Molière sur un BPM différent de celui des contes, NTM était cru, IAM pharaonisait le monde … PNL le croque en langage SMS 2.0.

« Auto -Tune » : PNL ou l’indépendance 2.0

Après, soyez rassurés, nous sommes en démocratie et comme pour les élections, on peut ne pas être d’accord avec toute la ligne d’un parti pour lequel on a voté, donc inutile de répondre avec des musiques pourries. On a pu être fan de “L’école du Micro d’argent” et être déçu de “Revoir un printemps” … par exemple 🙂

Alors oui, ils insultent, et ? « Changez l’environnement d’expression du Hip hop et vous changerez le contenu du Hip Hop » disait T.I., mais j’irais même plus loin ; pourquoi la vulgarité ne choque que lorsqu’elle émerge d’une certaine partie de la population et, a fortiori, d’une certaine forme d’expression artistique ? Je me rends compte au fil du temps que la liquette du rap conscient (dont je suis plutôt fan) est devenue un label aseptisé qui s’est matérialisé en disquette. Un message deviendrait-il soudain inconscient si la forme nous échappe ?

À y réfléchir de plus près, je réalise que l’enjeu est clairement de savoir si l’innovation, la créativité et l’entrepreneuriat sont du ressort de tous ? Et surtout à destination de tous par/pour tous ? J’irais même plus loin : la liberté de produire ce que bon lui semble, d’accéder à la richesse, d’user d’un levier économique en ayant surmonté la fracture numérique est-il si dérangeante ? L’exemplarité est-elle l’apanage de certains ? La fortune d’Anelka, le banlieusard de Trappes, dérangeait, mais qui s’est déjà intéressé à la fortune de Deschamps, Giroud et Dessailly ?

Ben oui, réfléchissons un peu plus. Un tableau d’une femme nue ne choque pas, c’est de l’art ; une toilette dans un musée qui attire des aficionados d’art ne fait pas d’eux des cons, mais des gens sensibles aux bonnes choses ; une chroniqueuse qui profère une insulte dans les matinales ça ne dérange pas, c’est de la satire ; un dessin qui semblerait raciste ne doit pas émouvoir, c’est de la caricature. Et j’en passe, car nous pouvons étendre ces tentatives de délimitation du champ de la culture à l’innovation, la recherche et l’économique. Dans tous les cas, l’assignation à comprendre, à dépasser sa zone de confort, à « s’ouvrir » à la culture avec un grand C, ne se fait jamais attendre tant les JT et émissions politiques dictent déjà notre pathos et nos réflexions. Mais quid du réflexe inverse ?

Aussi, peut-on faire preuve d’humilité en se disant que si l’on ne comprend pas le contenu cela ne l’invalide pas pour autant ?

Pour conclure et clore ce faux débat, ce que j’observe, ce sont deux gars qui n’ont tout d’abord rien demandé – enfin si, ils demandent au Président de citer leur blaze – qui utilisent leurs symboles, leurs métaphores, et, surtout, qui n’ont jamais prétendu vouloir changer le monde – enfin si, poser la couronne sur la tête du Ptit frère – …

Je vois aussi deux gars, auto entrepreneurs, en indé, qui ont fait ce que peu ont réussi à réaliser. Et, ça peut vous faire mal – accrochez-vous à la comparaison —, mais à l’image de Stromae et Daft Punk, qui en plus d’être moins profonds ne dérangent, bizarrement, personne, PNL a créé un concept, un « personnage », une marque de fabrique qui les rend uniques. Lil Wayne, Drake, T Pain se ressemblent, PNL ne ressemble à personne.

Et comme diraient les Lunatic « Si tu kiffes pas t’écoutes pas et puis c’est tout ».

Youssef FARAJ

yofaraj