La tempête après le calme. Un passé enrichissant, un présent tumultueux, un avenir incertain. Trois structures entrelacées indissociables l’une de l’autre.
Une journée ordinaire, le soleil nous fait l’honneur de sa présence, le ciel est d’un bleu écarlate et on sent l’odeur de la mer salée caresser les narines. La foule se presse, la rue s’agite, la Tunisie s’éveille jusqu’au moment où…les premiers fracas se font entendre, les premiers hurlements transpercent le bruit environnant pour tambouriner aux oreilles des passants. La vie s’arrête en un battement de cil.
Le musée qui regorge d’amateurs d’art vit ces derniers moments de tranquillité, son histoire va basculer dans une pièce de théâtre sanglante où les protagonistes n’ont pas été invités. Au milieu de ces pièces archéologiques ancestrales se jouent les derniers instants de ces personnes innocentes venues admirer les chefs d’œuvres du bassin méditerranéen. Une visite censée être mémorable va se transformer en un acte inqualifiable qui restera gravé dans les mémoires tunisiennes.
Au détour d’une galerie, les victimes voient se jouer leurs derniers instants. Le souffle coupé, le cœur s’emballe au rythme des balles. Une seule pensée, fuir…mais dans quelles directions ? Les hurlements retentissent comme un écho atemporel dans les allées du musée. Une combinaison de pensées se mélange dans ces moments de détresse. Va-t-on survivre ? Même si une voix intérieure nous murmure que la fin frappe à notre porte, y croire jusqu’au bout c’est tout ce qu’il reste. La dernière once d’humanité qui suinte par tous les pores de l’être, la dernière lueur d’espoir.
En un fragment de seconde, leurs corps frôlent le sol, sans vie, toutes ces pensées se sont évaporées. Ils ne restent plus que des corps inertes avec comme seuls spectateurs des œuvres sans vie exposées à jamais dans les couloirs de ce musée qui garderont dans leurs mémoires intemporelles ces scènes inhumaines, le dernier souvenir de ces victimes apeurées. Voici le destin que leur ont réservé leurs bourreaux. Ils nous ont quittés…
Cet acte laisse derrière lui un peuple déchiré par la colère, une colère intrinsèque qui a déjà explosé en pleine face de la civilisation. Une colère existante que l’on a essayé d’enfouir et de nier. Une colère bien présente au centre de cette nation ouverte aux mondes. La folie de quelques pantins qui ont laissé sur leur passage souffrance et désarroi. Qu’ont-ils gagné au final ? Ils sont passés de vie à trépas et ont scellé leur destin aux victimes qu’ils ont arrachées à ce monde selon une volonté qui nous dépasse. Le jugement est inévitable. Toute erreur se doit d’être payée un jour, ici, ou l’autre, là-bas.
Nous ignorons au nom de quoi ils ont ôté des vies impunément. Nous ne savons pas pourquoi un beau matin un être humain se lève avec un objectif si sombre et si malveillant envers d’autres êtres humains. Ils auraient pu être en deuil à l’heure où toutes ces familles pleurent leurs défunts partis sans un au revoir, sans une accolade amicale, sans un baiser déposé sur une joue. Ils auraient pu être parmi eux partageant leur douleur et leur incompréhension face à ce geste de cruauté indéfinissable.
Une journée hors du temps, le soleil se cache derrière des nuages gris, le ciel se couvre et laisse planer une atmosphère pesante. La foule se fige, le silence a remplacé les cris et les pleurs résonnent dans les rues fantomatiques de Tunis.
Un jour meurtri pour toute l’humanité, un jour sans lumière si ce n’est la lumière de ces personnes éteintes, une lumière qui continuera de briller tant que d’autres seront présents pour se les remémorer et raviver cet éclat qui jamais ne s’éteindra.
Un avenir obscurci se dessine pour tous les Tunisiens. La peur plane dans les rues de Tunis et les citoyens redoutent le climat d’insécurité qui se présage à l’horizon. Une menace sous haute tension qui pèse lourd dans les consciences se fait ressentir. La Tunisie s’endort avec un œil ouvert et le destin de ses enfants en mémoire.
Yasmina Khyri