Un jour je me promenais à Bruxelles avec cette amie qui m’est si précieuse, cette amie qui me donne l’impression d’avoir une soeur le temps d’une après-midi. Les gens nous regardaient avec insistance, je ne comprenais pas. Ai-je une jupe trop courte ? Ai-je une blouse transparente ? 

Je pouvais déjà deviner ce que mon amie se disait : Mince ! mon voile a une couleur trop voyante, j’aurais dû mettre le noir pour passer plus inaperçu… Et puis on s’est rendu compte que tous nous regardaient : les femmes blondes, les petits vieux, les hommes en costume, les femmes voilées..

Et là on a compris, ce qu’ils regardaient, c’était mon bras sur son épaule et le sien autour de ma taille : on avait une complicité qui perturbait. Comment cette fille si moderne peut-elle rester avec cette fille « soumise » ? Comment cette fille si droite et correcte peut-elle oser se montrer avec cette fille qui n’a pas honte de montrer ses jambes ?

C’est ça en fait, on s’irrite à la vue de ce qui est différent, juste parce que ça remet en question nos propres repères, nos propres valeurs, et qu’on ne supporte pas ça. Dans ce monde où une seule vision peut être la bonne, voir une autre façon de faire nous déstabilise. La femme est sans cesse jugée sur ces vêtements : trop provocante, trop coincée, trop démodée, trop gothique, trop couverte… On en a tellement pris l’habitude que nous-mêmes, nous nous mettons à juger la femme, cette autre femme que l’on croise et qui nous reflète un autre modèle de femme, d’autres valeurs.

Qui a raison ? Les deux. Chacune. Tant qu’elle se sent bien.

Au matin, quand on s’est rejointes sur le quai de la gare, elle m’avait complimentée sur ma jolie jupe, et moi je l’avais remerciée en lui donnant un bisou sur le front, à travers son voile.

Si un jour on oblige une de mes amies à se dévêtir au nom de « cette loi » qui tourne avec ses dirigeants, avec les intérêts, le pouvoir et le contexte « guerrier », je me déshabillerais pour elle.
Je ne veux pas de cet état fasciste. Cet état qui fait croire que le problème vient d’un voile, d’une communauté. Alors que ce qu’il se passe, c’est qu’ils ont besoin de diaboliser cette même communauté afin que son propre peuple accepte plus facilement que ses dirigeants tuent les frères par la religion de cette communauté, là-bas au Moyen-Orient. Car il faut détenir cette région, au nom de l’argent et du pouvoir, quitte à les tuer un par un, quitte à les financer les uns et leurs opposants pour qu’ils se tuent entre eux. Et pour ce faire, il faut que les gentils petits blonds chez nous regardent le JT dans leurs divans et se disent : bien fait.

Pendant ce temps, la loi du travail est passée… Cet état où l’on oblige une femme à se déshabiller dans un lieu public est en train de dépouiller ses propres citoyens et le Moyen-Orient.

Roos-Lien KEIJZER

* Le titre de l’article vient du morceau « Point d’interrogation » (Nekfeu ft Alpha Wann)