Impossible de passer à côté de l’actualité gazaouie. L’opération « Bordure protectrice » entamée par l’armée israélienne émeut toute la blogosphère. Soutiens, indignations et débats animés bouillonnent dans la marmite des réseaux sociaux. Le milieu du rap n’exclut pas cette effervescence. Et lorsque l’on parle rapgame, Booba n’est jamais très loin.
Avant de commencer, j’aimerai zapper le volet Tariq Ramadan VS Booba. Cet épisode me dépasse encore et je soupçonne qu’une faille temporelle se soit glissée dans l’actualité. Quoi qu’il en soit, je n’aborderai pas cet échange qui, pour ma part, est encore à éclaircir.
Rappelons les faits. Booba, également appelé le Duc de Boulbi, ouvrait le bal des polémiques par le biais de son compte Instagram dans la nuit du vendredi au samedi. Voici ses propos qui lui ont valu un fleuve de reproches de la part de la toile :
La suite se veut réactionnaire. Il n’y a pas que des internautes lambda qui ont exprimé leur mécontentement. Plusieurs activistes du rap aussi n’entendent pas de la même oreille la mélodie de l’artiste. Kennedy, celui qui avait autrefois collaboré avec Booba sur l’album « Ouest Side » sorti en 2006, allumait les réverbères sur Twitter. Depuis, les sorties médiatiques d’artistes reconnus surenchérissent, et la zizanie monte en flèche tel des Air Jordan sur Ebay portés par la légende des Chicago Bulls. Kennedy, Mokless, l’Algérino (et sans doute d’autres rappeurs moins connus encore) sont « d’humeur palestinienne ». Néanmoins, leurs invectives outrepassent leurs prises de position par rapport à la situation au Moyen-Orient et viennent ostraciser le rappeur originaire du 92.
En fouillant la twittosphère, je suis également tombé sur quelques mots de Médine. Lui, au moins, a un sens de l’humour. En reprenant des lyrics anciennement chantonnés par Booba sur le morceau « Destinée » suivi d’un hashtag « CourageFuyons », le poète havrais laissait ouïr son avis sur la question.
Toutes ces publications à l’encontre du pilier du rap français viennent relever un débat devenu poussiéreux. L’essence même du rap était surtout de reprendre le flambeau du rock dans sa dimension rebelle et revendicatrice. Deux décennies en arrière, la street crédibilité résidait dans la résistance et l’esprit antisystème. Mais ça, c’était avant. En 2014, avec la globalisation du mouvement, chose très positive pour l’expansion de la culture, les fondations anticonformistes et engagées sont remises en cause. Quelle devrait être la marge de manœuvre d’un artiste urbain aujourd’hui ? Peut-on prétendre faire du rap sans prendre position ? Qui ne dit mot consent ? RAP comme « Rimes anticonformistes positives » ? Ou RAP comme « Rien à prouver » ? La porte est ouverte à tous les commentaires.
Dernièrement, un tweet de Dosseh, artiste d’Orléans, m’a secoué la caboche pour engager une argumentation sous un autre angle de vue :
Les frasques antérieures dignes de magazines people nous le prouvent : lorsque l’on cite Booba, on fait la une. Les incidents avec La Fouine, les accrochages avec Kaaris, les clashs avec Sinik (quelques années en arrière), tous faisaient partie du tourbillon « buzz ». Alors, la suspicion a lieu. Surtout dans une ambiance aussi émotive que celle-ci, pourquoi certains rappeurs ne vogueraient-ils pas sur cette tendance pour faire parler d’eux ? Ou simplement de régler leurs comptes avec leur antagoniste, car « c’est le moment, c’est l’instant » ? Là aussi, une brèche se fraye. Quoi qu’il en soit, d’abord les médias spécialisés (nous y compris), puis les canaux traditionnels dégainent leurs micros et calepins pour parler du rap… à leur manière soigneusement parfumée à la stigmatisation des adeptes d’une musique issue des quartiers populaires.
Pour en conclure, j’aimerais également remarquer le sens profond de ces comportements. Pendant que Kennedy et Booba s’embourbent dans un combat d’égos, est-ce que cela fait avancer le schmilblick du cataclysme palestinien ? En alimentant cette polémique, sommes-nous en train de participer à un glissement vers une instrumentalisation médiatico-fanatique des évènements en oubliant le socle des revendications qui est la justice à Gaza ? Comme dirait Kery James : « le constat est amer ». Au plus grand dam de la cause palestinienne.
Nikita Imambajev