Si j’étais une femme
Je ne saurais être flamme
Si j’étais une femme
Je ne saurais être mère
Si j’étais une femme
Je ne saurais être femme
Si j’étais une femme
Cette âme sans panne
Dont le sourire miré de sagesse a illuminé le monde
Cette pénombre de l’arc-en-ciel
Qui peint sur la plage de mes mains et mes pieds
Les tatouages garnis d’espoir
Pour que je baise la cime de mon idéal
Sur ce pain de Vie
Si j’étais une femme
Cette luciole héritée du Ciel
Qui a donné espoir, courage et pouvoir
À ceux qui dirigent ce monde
Parce que cette femme les a éclairés
Si j’étais une femme
Cette expression même de victoire et du savoir
Si j’étais une femme,
Je ne saurais me changer en lune
Pour éclairer les sentiers obscurs de mon village
Si j’étais une femme,
Je ne saurais être flamme !
II
Si j’étais une femme
Cette dame, beauté de nature
Au ventre fertile étalé sur un tapis de raphia
Cette mère dont l’amour nous a élevés
Urinant sur le dos
Bavant sur la poitrine.
Si j’étais une femme,
Je ne saurais être mère !
Si j’étais une femme
Je ne saurais supporter mes neuf mois de grossesse
Fuyant la guerre
Quémandant l’aumône
Gémissant dans des prés de souffrance.
Si j’étais une femme,
Je prendrais les larges
Au vagissement du premier fils incertain
Ou le jetterais au fond du Muranga ;
J’abandonnerais mes propres fils
Au pic de la mouise
Puisque le père vicieux les a mis en rade
Je ne donnerais pas l’amour à mon sang
Je ne donnerais pas mon sang à la vie
Je ne saurais jouer mon rôle de mère
Dans ce pays trahi et déchiré par la guerre
Si j’étais une femme, je saurais être mère !
Si j’étais une femme
Je ne saurais marcher dans l’aurore
Sous le joug du vent qui m’enchaine dans le froid
Lorsqu’avec ma cruche je reviens d’une fontaine Qui coule loin de mon village
Je ne saurais tenir à mon labeur
En proie à de subtils rayons de soleil
Piocher dans ce champ séché par la guerre
Je ne saurais prendre la houe
Et jeter un œil maternel à deux fils jumeaux Pleurant dans la boue.
Si j’étais une femme
Je ne saurais être flamme
Si j’étais une femme
Je ne saurais être mère
Si j’étais une femme
Je ne saurais être femme
III
Hommage à toi, femme de l’Est
Rivière d’amour qui ruissèle
Sur le pied du Nyiragongo
La figurine de ton courage
Flotte encore dans ma mémoire !
Hommage à toi qui a pâti
De toutes ces années de guerre
Hommage à toi qui a aspiré
L’air saturé de Kanyaruchinya
Hommage à toi
Dont le sourire s’est effondré dans le désespoir,
Parce que violée, tu as perdu espoir
Parce que violée, tu n’es plus de ce monde
Si j’étais une femme
Je ne saurais supporter
La douleur de se savoir une cible des violeurs
Et retenir mes larmes
Sous des craquements de kalachnikov
III
Si j’étais une femme
Je ne saurais être femme
Son rôle d’or nous a affranchis
Depuis des lustres
Je manquai de tam-tam pour l’exprimer.
Mais ce soir,
Avec mon fifre je crierai
Sur le Mont-Goma je crierai
Je crierai fort pour jusqu’à réveiller les morts
Et je dirai aux ancêtres de me prêter leur flute
Et le chant de ma flute
Mêlé aux chants de nos ancêtres
S’écouteront dans les ruisseaux de nos cœurs
Ils changeront en échos
L’écho de cette mélodie qui chantera
Les exploits de la femme
D’éternité en éternité
Les exploits de la femme
La mère de l’Afrique qui a donné vie à ce monde !
Parce que si j’étais une femme
Je ne saurais être flamme
Si j’étais une femme
Je ne saurais être mère
Si j’étais une femme
Je ne saurais être femme
À toutes les femmes de Goma
Et celles de toute la RDC
Idée générale
Dans le poème, le poète se met à la place de la femme, le rôle important qu’elle joue au sein de la société et trouve qu’il ne réussirait s’il était une femme parce que c’est une tâche difficile. La femme qui est une flamme, une lumière qui éclaire la société de son amour, de sa sagesse, de ses meilleurs conseils, la femme grâce à laquelle ils sont devenus grands ceux qui font des prodiges au sein de cette société.
Le rôle de la femme comme mère est aussi pénible, surtout être mère dans une société où il faut peiner pour survivre, dans une société où la guerre est très fréquente, élever des enfants sans travail, sans argent puisque le mari crève du chômage depuis une décennie. Elles y arrivent toujours parce que l’amour qu’elles ont pour leurs enfants passe avant tout. Elles aiment et choient leurs enfants même si ces derniers sont infirmes ou victimes d’une maladie mentale.
« Si j’étais une femme
Je prendrais les larges
Au vagissement du premier fils incertain »
Les dernières parties du poème rendent particulièrement hommage à la femme de l’Est qui a vécu ces dernières années de guerre et dont le courage a joué un rôle important dans la promotion de la paix. Cette femme qui a fui la guerre avec trois bébés sur le cou pour passer des nuits à Kanyaruchinya, cette femme qui a vécu dans une zone en proie à la guerre sachant qu’à tout moment elle peut être victime d’une forme de violence sexuelle, cette femme qui a persévéré.
La dernière strophe n’est autre qu’un vœu de grandeur et de prospérité à cette femme qui a su jouer son rôle de flamme, son rôle de mère, bref son rôle de femme, cette femme dont le courage était chanté par les ancêtres et continuera à être chanté par les générations qui viennent.
Patrick Bassham Bashonga est un jeune poète et écrivain congolais vivant à l’Est de la RDC. Il a écrit : Je voulais devenir prêtre ! (roman), Edilivre, Paris, octobre 2013, Trahison (roman en trois tomes) encore inédit.
Contact : 00243991365213 / basshampatricks@gmail.com,