Sous le soleil brûlant, des pas se dessinent dans ce champ de blé. La main bienveillante du passant effleure les plantes agitées, tandis que son sens du toucher perd peu à peu son effet. Car son existence cesse, pour devenir une poignée de mémoires pour ses descendants.

Dans un paradoxe des plus convaincants, dans la force de l’instant, on vit et on meurt. Comme ce passant dans ce champ de blé qui perd peu à peu le sens du toucher. On vit. Et on meurt. Mais pendant que l’on vit, le monde est regard. Lorsque l’on meurt, le monde est prétoire. Lorsque ce monde nous observe, il devient sans doute lassé des hommes, se demandant comment peut-on agir de la sorte.

Ce monde-là pleure. Sans doute, en voyant ce que nous sommes advenus. Puisque nous sommes le miroir dans lequel il contemple sa Face, il ne peut voir son sourire. Quel triste spectacle. Alors comme pour nous raisonner, comme un père le ferait à ses enfants, ce monde nous rappelle nos manquements. Il nous met en garde contre l’illusion éphémère, et nous somme d’être les fils de l’instant.

« Aimez-vous ! », nous dit-il. Mais, au lieu d’aimer son prochain, on aime le regard que porte le prochain sur nous. Du coup, on ne s’aime plus. Nous qui croyons tout connaître, du coup, on ne sait plus. Or, le monde dont je vous parle est Savant. Pour nous sortir de la forteresse de l’égo, il est le seul des Garants. C’est Celui qui absorbe les signes de l’universalité pour déverser l’Amour dans toute chose. Je vous parle de ce monde qui se manifeste dans les écrits scripturaires et dans la tendresse de la prose.

Un illustre poète disait que « lorsque vous cherchez l’amour de tout votre cœur, vous trouverez qu’il fait écho à travers l’univers ». Pourtant, en roi sans couronne, on sillonne les plaines d’une vie passagère avec notre égo qui ne sait plus se taire. On traine l’orgueil comme une double peau. Jusqu’à même en oublier que le fait de sourire aux autres contente le Berger du troupeau.

Et, pendant ce temps là, les coeurs chuchotent, mais les corps crient. Notre vertu, tracée à la craie blanche, est fragile. Nos élans de piété là redressent tandis que nos torts là crispent. Pourtant, de l’intérieur, notre âme blâme nos non-dits et nos actes manqués en cherchant l’absolution. Auprès de ce monde, du Grand Gardien des secrets, celui qui est Omniscient de notre condition.

Un homme de vérité doté de paroles aux lettres justes disait : « Il y a des Hommes brisés, et il n’y a qu’un seul moyen de les refaire Hommes, c’est qu’ils deviennent sauveurs des autres ». C’est vrai. Etre sauvé seul, relève du non-sens. La délivrance mégalomane n’est qu’une orgueilleuse certitude. Sachant que sauver sauve, n’est-il pas temps de devenir un être de servitude ?

Ô mon ami, balayées les idées toutes faites. Faisons de nos cœurs une addition. Et cela, peu importe tes déboires, viens on en parle. Mais avant, que la Paix soit sur toi. Faisons fi de soi, fi d’une existence subie, d’une existence engourdie. Laissons émerger les tréfonds sommeillant en toi, et en moi. Ensemble, pour amnistier l’avoir, magnifier l’être et faire de notre foi un carrefour. Nos proses sincères, pleines de pudeur, vouant le culte à ce monde arborant l’ode à l’Amour.

 

Nikita Imambajev