Cœur fragmenté, segmenté par des émotions indescriptibles. Organe à la dérive, battre devient son seul but, sa seule raison d’exister. Une pellicule vide, une existence endommagée.

Les souvenirs ont migré dans une dimension parallèle. Ses mots se sont dissipés comme la brume au levant des premiers rayons de lumière. Des mots si simples à prononcer, mais il suffit d’une fraction de seconde pour balayer les gravats de ces syllabes dénudées. Ses gestes se sont évaporés telle une eau claire, translucide chauffée à blanc, chauffée à vif laissant une cicatrice permanente qui s’entrouvre au gré du temps et ne se referme jamais laissant la plaie à la vue de tous, une plaie à cœur ouvert.

D’inséparable, nous sommes passés à incompris, d’incompris à étranger. Être partenaire ne voulait plus rien dire, n’avait plus aucun sens. Noyé dans des sentiments contraires, je plonge dans mon désespoir. La chute est violente. M’entends-tu crier ? Car je hurle à plein poumon, mais personne ne me comprend. Le ressentir pour le vivre. Le vivre pour ne jamais l’oublier. Se relever. Un exploit, un défi, un projet, un but existentiel, une nécessité, un besoin vital.

Naviguer seul à présent sur un paquebot sans équipage, à la dérive, au cœur d’une mer agitée, indisciplinée. Hisser la grand-voile, garder le cap, bouée de sauvetage en ligne de mire, vitesse de croisière, aucune terre à perte de vue. Ces terres inconnues qui nous intriguent, qui nous attirent, qui nous surprennent, qui nous enveloppent dans une illusion terrestre et majestueuse. Parfois, il vaut mieux garder l’horizon en vue et laisser le bateau suivre le courant.

 

Yasmina Khyri