Autrefois, il me semblait évident que le principe de nation soit et restera. Aujourd’hui, je me rends compte que les frontières et les peuples peuvent changer d’autorité, et ce, bon gré, mal gré. Bon gré est souvent une exception à la règle. Prenons donc les cas majoritaires pour exemple, engageons-nous vers la région du proche et Moyen-Orient et les pays que l’on nomme trop souvent « arabes ». « Des Arabes » voilà ce dont il est toujours question alors qu’une richesse d’ethnies[1] nourrit ces terres et ces peuples qui sont otages de décisions provenant notamment d’autorités externes à cette région. Bien qu’à l’intérieur, ce sont de conflits d’intérêts, de croyance et certainement de manque de transparence (d’allégeances locales par exemple avec des puissances étrangères), il n’empêche que la conséquence actuelle de ces « nations » en crise, c’est en partie, l’intérêt de redéfinir les frontières pour les uns, et de maintenir celles d’hier pour les autres avec évidemment, des alliés qui permettront de maintenir des partenariats.
Le concept de nation
Une nation est par définition, un peuple qui définit son souhait de partager ensemble un territoire donné, une culture, une religion, de reconnaître un type de système politique et qui est représenté par un leader, un parti politique. Cependant, si l’on observe l’histoire de ces pays qui vivent des moments d’instabilités certains, au Proche et Moyen-Orient, ces décisions n’ont pas été les leurs. Bien que l’indépendance de certaines de ces nations est présente actuellement, il n’empêche que d’autres sont toujours sujets à des conflits qui impliquent des acteurs divers ; du national en passant par du régional pour enfin terminer par de l’international. Inutile donc de souligner ce qui en externe est une évidence : plus il y a d’acteurs impliqués dans ces conflits et plus il sera difficile de se mettre d’accord.
Même l’utilisation de la médiation dans les conflits politiques ne semble pas permettre une solution. Notons l’exemple de la crise syrienne et l’apparition à plusieurs reprises de médiateurs choisis par les Nations unies. Résultat ? Cela n’a rien donné, notamment parce que l’ensemble des différents acteurs dans cette réalité syrienne n’a pas été entendu, souvent ceux du bas.
Un peu d’histoire : Les accords de Sykes et Picot
C’est en mai 1916 que la structure des pays du proche et du Moyen-Orient est imposée aux différents peuples qui étaient encore sous l’Empire ottoman, un empire qui était à ses fins lorsque cette décision fut prise et acceptée par l’ancêtre des Nations unies, la Société des Nations. L’intérêt de ces accords secrets de la France et de la Grande-Bretagne se justifie notamment par la découverte au début du 20e siècle, dans cette région, de l’or noir, le pétrole. D’autres motivations vont expliquer ses accords, politiques aussi. Pour reprendre l’expression utilisée par l’historien Henry Laurens, il s’agissait de « se partager la peau de l’ours avant de l’avoir tué ». Ainsi, l’objectif des deux diplomates, Sykes et Picot, qui avaient des directives de la France et de la Grande-Bretagne ne se limitaient pas à tracer des frontières, mais de créer des alliances (souvent au sein du gouvernement) afin d’avoir une influence dans la région, mais aussi d’obtenir certains intérêts. Les années sont passées et en même temps les insatisfactions des populations locales jusqu’à l’arrivée du fameux « printemps arabe ».
Les printemps arabes
Cette période qui débuta en février 2011 en Tunisie est l’expression d’une partie des populations arabes à se responsabiliser par rapport à un système et/ou une autorité qui posent problème. Il est question de vouloir plus de libertés sociales notamment. Si ce printemps arabe commence en Tunisie, d’autres pays vivront cet engouement, en Égypte, en Libye, en Syrie, en Irak, Bahrein, etc. Cependant, les résultats n’ont pas forcément permis de répondre à la demande des populations en question et certains de ces pays sont encore dans une instabilité certaine. Plus que cela : les citoyens sont souvent en danger et la liste des morts n’est pas fictive. Pour quelles raisons ? Les deux principales justifications s’articulent sur la répression que ces populations subissent par les pouvoirs en place, mais aussi par l’intervention directe ou indirecte des puissances étrangères qui alimentent encore plus la situation dans cette région.
Faire des liens avec le passé
Il est intéressant de se rappeler que la construction des frontières au début du 20e siècle au proche et Moyen-Orient a également été créée par des émeutes et des révolutions sur ces territoires. Aujourd’hui, les émeutes ce sont réalisées et persistent à certains endroits, et enfin, les frontières sont également une thématique qui est discutée.
Remise en question des frontières actuelles au proche et Moyen-Orient ?
Qui en parle ? Si l’État islamique met en avant sa volonté de redéfinir ces frontières imposées en des temps où l’impérialisme occidental s’est réalisé, il n’empêche que d’autres groupes se questionnent quant au sens donné aux frontières actuelles. Nous pouvons notamment prendre le cas des alliances et des acteurs chiites[2] , où il serait possible apparemment de regrouper les individus en fonction de leur croyance et de leur volonté de ne faire qu’un ensemble par choix et non pas par une imposition, et ce, sur un large territoire donné.
Un cas particulier : les territoires palestiniens
Si les conflits persistent et arrivent concrètement avec les printemps arabes en Syrie, en Irak ou encore au Yémen (rappelons que ces pays sont toujours en guerre et sont impliqués dans ce conflit, différents acteurs nationaux, régionaux et internationaux), un autre conflit qui date depuis la naissance de l’un des belligérants à savoir ; Israël continue d’avoir lieu. Dernièrement, une résolution des Nations unies mettait en avant la condamnation des colonies israéliennes sur les territoires palestiniens, il n’empêche que cette condamnation ne semble pas faire effet au sein du gouvernement israélien qui continue cette colonisation. Nous observons donc que dans certains pays du proche et Moyen-Orient, l’implication des puissances étrangères, autrefois colonisatrices dans cette région, se fait indirectement (en finançant certains acteurs qui leur sont favorables par exemple) ou directement (en allant combattre le terrorisme, en s’intégrant à des coalitions, et ce même si plusieurs organisations humanitaires affirment que ce genre d’interventions tuait plus de civils que de terroristes). Puis, dans le cas du gouvernement israélien, nous avons clairement des attitudes coloniales qui a pour conséquence l’étouffement des peuples palestiniens (musulmans et chrétiens) et la diminution des terres palestiniennes.
Monde arabe-islam-terrorisme : des liens aussi évidents ?
Environ 20% des musulmans dans le monde se situent dans ces pays « arabes », néanmoins, la majorité se retrouve plutôt en Indonésie, en Inde ou encore au Bangladesh. Il est cependant intéressant d’observer que l’islam est devenu un aspect important de ces pays et à juste titre, puisque des mouvements rigoristes et des groupes armés se revendiquant de cette religion s’y retrouvent et sont responsables de différents attentats (majoritairement présents dans ces mêmes pays et touchant principalement des musulmans). La question que l’on pourrait se poser est de savoir pourquoi l’expression d’un islam violent se retrouve dans ces pays et pas ailleurs ? Rappelons que l’EI était une branche du groupe terroriste Al Qaeda (ses origines se situaient au départ en Afghanistan, un pays non arabe et où historiquement, nous savons qu’ils ont été financés par les USA, plus tard, les puissances internationales s’y sont retrouvées pour lutter contre le terrorisme, Al Qaeda). Aujourd’hui, l’Afghanistan n’a pas changé, si ce n’est le nombre de civils décédés à cause de ces guerres. Les talibans, quant à eux, sont toujours présents… Preuve que la lutte contre le terrorisme ne se résout pas en allant faire la guerre. Ce sont pourtant les mêmes méthodes que l’on utilise en Irak et en Syrie…
Aussi, pourquoi l’expression radicale de l’islam se retrouve dans cette région ? Plusieurs réponses à cela : l’invasion USA en 2003 en Irak (la justification de cette invasion stipulait qu’il y avait des armes nucléaires, aujourd’hui nous savons qu’il n’en était rien, si ce n’est un intérêt pour le pétrole), le scandale dans la prison d’Abou Ghraib -toujours dans le contexte de la guerre en Irak- où des citoyens irakiens ce sont retrouvés humiliés et torturés par les soldats américains (rappelons que le calife de l’EI, Abu Bakr El Baghdadi a fréquenté cette prison). Au niveau social et économique : la gouvernance du haut par son absence auprès des gens du bas a permis à des mouvements extrémistes de remplir ce vide et donc, d’augmenter les frustrations et l’insatisfaction de ces populations (d’une partie en tout cas). De plus, appartenir à un territoire où des invasions étrangères sont présentes pour des intérêts économiques, avoir pour leader une dictature qui n’a pas forcément été choisi et qui ne permet pas un épanouissement des citoyens sont deux éléments qui expliquent en partie ces mouvements violents qui dans plusieurs cas ont trouvé des soutiens militaires et financés auprès d’autres pays de la région ou auprès des grandes puissances internationales. D’autres réponses peuvent évidemment s’ajouter à la liste, mais il s’agit ici, de donner des exemples concrets d’événements et de situations qui permettent l’arrivée de toutes sortes d’extrémisme.
Ainsi, ces pays arabes qui représentent quantitativement 1/5 de la population musulmane sont dans cette situation pour des raisons qui sont loin d’être reliées à la religion, ils auraient très bien pu être d’une autre croyance et même ne pas en avoir de religion, que ces mouvements violents auraient existé, car c’est une histoire et des implications multiples qui expliquent les situations actuelles. Aujourd’hui, plusieurs questions restent d’actualité notamment celle-ci : Que deviendront les peuples et les frontières au proche et Moyen-Orient ? La question reste sans réponse, mais il est fort possible que des alliances se créent à nouveau entre les habitants locaux, les gouvernants de ces pays, les puissances régionales et internationales. En attendant, le nombre de morts des civils, ainsi que les frustrations en lien avec les libertés des individus continuent à augmenter.
Ikram BEN AISSA
[1][1] Les autres ethnies, moins importantes en nombre, certes, dans ces territoires sont notamment : perse, turque et kurde.
[2] Théorie tirée du spécialiste du Hezbollah libanais, Didier Leroy.