France.
« C’est Dieu qui m’a donné Adama, c’est Dieu qui a le droit de me le reprendre, mais ici, ce sont les gendarmes qui lui ont pris la vie. »
Voici les mots de souffrance que la maman d’Adama a prononcée lors d’un témoignage où elle décrivait son fils, comme une personne bien élevée, respectueuse et concernée par sa famille. C’est aussi une personne « pleine de vie » que ses proches décrivaient, il n’aura pas pu en profiter très longtemps. Mais qui est Adama ? C’est un citoyen français de 24 ans qui, le jour de son anniversaire, il y a presqu’un an de cela, est décédé menotté, retrouvé à même le sol dans une gendarmerie sous l’emprise de trois gendarmes. Les premiers motifs évoqués quant à sa mort étaient justifiés de la sorte: ce dernier aurait des problèmes cardiaques et « des lésions d’allures infectieuses ».
Bien que la piste de l’asphyxie fût déjà présente dans les rapports de fin juillet 2016, le procureur de la République Pontoise, Yves Jannier a écarté cette piste en soulignant l’absence de violence de la part des gendarmes. Ces derniers admettent pourtant avoir utilisé une technique appelée « plaquage ventral », interdite dans plusieurs pays d’Europe et dénoncée par Amnesty International pour être mortelle. « Il a pris le poids de nos corps à tous les trois au moment de son interpellation » expriment les responsables de la mort d’Adama. L’ancien premier ministre français, Bernard Cazeneuve avait même fait allusion à cet incident en un ton très ferme qui soulignait « l’importance du respect et de la reconnaissance des forces de l’ordre ». Aucune sympathie pour la famille, ni même de la bienveillance dans les propos de ce dernier.
Lutte de la famille Traoré pour la justice
La famille et les proches d’Adama n’ont pas reconnu cette explication officielle, ils ont lutté pour la vérité pendant presqu’un an. : ils avaient raison de le faire. En effet, il y a quelques jours de cela, après plusieurs mois de lutte citoyenne, un nouveau rapport est sorti, cette fois-ci de Paris, soutenant la version de la famille. Adama est décédé par asphyxie. Plusieurs nuits d’émeute, plusieurs rassemblements pacifiques et non violents, un concert à la Cigale organisé par des artistes du monde du rap français, permettant une récolte de fonds, sont notamment les différents événements qui ont permis d’en arriver-là.
La sœur d’Adama, Assa Traoré, auteure d’un ouvrage sur l’affaire, a défendu bec et ongles la mémoire et l’honneur de son petit frère. Ainsi, cette famille et leurs proches qui ce sont mobilisés pour cette cause ont prouvé qu’il est possible d’aboutir à une victoire, partielle pour l’instant. Le combat continue.
« Qui voudrait avoir des problèmes avec la justice ? Quels parents voudraient vivre l’assassinat de leurs fils ? »
La famille Traoré, c’était une famille comme une autre. Des parents qui voulaient une bonne vie pour leurs enfants, des enfants qui tentaient de s’épanouir tout simplement. Oui, la famille Traoré espérait pouvoir être une famille comme une autre, mais cela ne sera plus jamais le cas. Non, la famille Traoré était destinée à réaliser un combat de justice. Ce n’est donc pas étonnant qu’aujourd’hui, la famille Traoré est un symbole de force, de respect et de dignité. Le courage ne leur manquait certainement pas, il a du se dévoiler dans des moments qui ne devraient pas exister. Pourtant, à travers leur courage et leur action non violente, cette famille incarne la persévérance. Des cœurs brisés ont décidé de croire en la justice et en la démarche citoyenne plutôt qu’en la haine et la destruction. Ils ont admirablement réussi.
Quelles leçons en tirer ?
L’affaire Adama Traoré doit certainement transmettre un message fort : celui de ne jamais renoncer à ses droits et à la justice. D’autres leçons doivent attirer notre attention, comme le fait que la mobilisation solidaire et pacifique, soit un biais à exploiter si l’on souhaite faire entendre sa démarche citoyenne. C’et aussi par la patience que ces aboutissements peuvent se voir. Mais ce que l’affaire Adama Traoré doit absolument voir naître, c’est une remise en question au sein des forces de l’ordre et la mise en place d’une cellule pouvant suivre les actions qui se font dans ces gendarmeries, des espaces de l’Etat. Certes, il n’est pas normal de ne pas avoir un suivi après tant de bavures policières dans ce pays. Cette affaire n’est pas une exception, d’autres exemples peuvent être soulignés, ce qui devrait pousser le nouveau gouvernement en place à prendre de nouvelles décisions. Après tout, n’est-ce pas un gouvernement qui souhaite personnifier le renouveau ?
Enfin, cela ne changera pas le drame subi par l’entourage d’Adama. La tristesse de la famille et des proches du défunt restera pour toujours. A ce propos, un proche de la famille s’est exprimé par les voies de la musique et du texte, une manière de garder en vie la mémoire du défunt. Une manière aussi d’apaiser les souffrances de ceux qui perdent un être aimé. A écouter jusqu’au bout.
Ikram BEN AISSA
Ecrivaine.