Alors que le « dab » – mouvement de danse popularisé il y a quelques années – devient de plus en plus « has been » dans le monde occidental, il fait encore parler de lui dans le monde. Aussi anachronique que le « Yo » ou le « zy-va », le « dab » est à la mode ce que l’imam Chalghoumi est aux rassemblements pour le vivre ensemble : on en peut plus. Cependant, ce fameux mouvement d’un bras tendu vers l’arrière et visage dans le creux du coude de l’autre membre, fait parler de lui en Arabie Saoudite.

En effet, lors d’un festival de musique à Taïf, dans le sud-ouest du pays, un présentateur de télévision et acteur nommé Abdallah Al Shahani a réalisé cette gestuelle périlleuse. La vidéo ci-dessous témoigne de cet avant-gardisme :

 

A notre grande surprise, on peut lire sur les Inrocks que Al Shahani aurait été « arrêté par la police ». Alors qu’il est évident de constater la raideur de son geste et son exécution quelque peu stalinienne, l’information est tout de même étonnante. On ne sait pas encore s’il fera l’objet de poursuites. Toutefois, l’animateur télé s’est excusé pour ses actes sur Twitter :

“Je m’excuse auprès de notre gouvernement respectif et de mon audience pour avoir involontairement et spontanément exécuté ce pas de danse lors du festival. Veuillez accepter toutes mes excuses.”

Comme nous le disions plus haut, la vulgarisation de ce geste a contribué à la normalisation du « dab » jusqu’à ébranler nos valeurs communes. Rappeurs, footballeurs, citoyens et même politiques – opération de com oblige – ont tenté cette expérience en Occident. Pourtant, en Arabie Saoudite, ce geste n’est pas toléré et a même été banni par le ministère de l’Intérieur. Selon les instances politiques saoudiennes, cette interdiction se justifie notamment par son association avec la « culture des abus narcotiques ». De plus, le gouvernement a rappelé les « dangers » du « dab » « sur la jeunesse et la société ». Un avertissement pour la population.

Ce n’est pas la première fois que qu’un mouvement de danse n’est pas très apprécié en Arabie Saoudite. Rappelons-nous de cette danse intitulée « Barbs » (signifiant « désordonné » ou « dérangé ») inventée par le chanteur saoudien Majed el-Esa. Commercialisée en 2015, cette danse simpliste – sorte de pas chassé vers l’avant tout en se dandinant la tête d’avant en arrière – a séduit le monde arabe et s’est propagée comme une trainée de poudre au Moyen-Orient. Selon le Washington Post, des conservateurs d’Arabie Saoudite – et des pays du Golfe – n’ont pas apprécié ce mouvement devenu populaire et ont vu « une preuve de l’influence néfaste de l’Occident sur la société saoudienne ». Par ailleurs, certains ont même publiquement réclamé le boycott de la danse et ont exigé des interpellations des danseurs pour « mouvements indécents ».

Des mouvements de danses importées de l’Occident sont jugées néfastes par le gouvernement saoudien. Pourtant, rien n’empêche les monarques saoudiens de gigoter avec Donald Trump, président des États-Unis, figure emblématique de l’Occident et de ses valeurs jugées « décadentes » par ce même gouvernement saoudien. Pourquoi s’en priver ?

Nikita Imambajev