Alohanews

Egalité, je n’écris que ton nom

« La pauvreté paraît bizarre aux riches. Ils ont du mal à comprendre pourquoi ceux qui ont faim ne sonnent pas pour qu’on leur serve le déjeuner. » écrivait Walter Bagehot, il y a plus de deux siècles. Il semblerait que deux cents ans plus tard, les choses n’aient pas beaucoup évolué et qu’il subsiste un déséquilibre entre les différentes parties de la population.

En effet, ce jeudi 27 février, la Banque Mondiale (BM) a publié une analyse sur le gaspillage alimentaire dans le monde, qui, comme elle le souligne, « fait peser de graves menaces » sur la sécurité alimentaire. Ce qui, en somme, mène à une « réduction de la quantité de nourriture disponible pour la consommation humaine », nous précise-t-elle. Selon les mêmes estimations de la BM, les pertes annuelles alimentaires (par personne) les plus importantes se trouvent dans la zone Amérique du Nord-Océanie avec 296 kg, suivis de près par l’Europe avec 281 kg et, enfin, dans l’Asie industrialisée avec près de 236 kg de denrées alimentaires gaspillées.

Toutefois, de mêmes résultats accablants peuvent être observés à notre niveau national. En effet, selon de récentes estimations, en Wallonie, chaque citoyen gaspillerait annuellement, en moyenne, entre 15 à 20 kilos de denrées alimentaires. Sur le plan économique, cela équivaut à une moyenne de 174 euros de nourriture jetée par ménage. Pire encore, le déficit budgétaire belge annuel est estimé à 1,4 milliard d’euros. Au-delà de cet impact économique, c’est l’environnement qui en souffre davantage. En effet, ce gaspillage est aussi responsable d’émissions de CO2 inutiles et d’utilisations d’engrais et d’eau à mauvais escient. Soulignons, par ailleurs, que la surproduction entraîne aussi d’autres problèmes environnementaux comme la pénurie d’eau, la dégradation des sols, la déforestation, la réduction de la biodiversité et la pollution, entre autres.

Notre société est ainsi marquée, à la fois, par une course à la surproduction ainsi qu’à la surconsommation, engendrant de ce fait une diminution des ressources naturelles. Pour beaucoup, la surconsommation, liée à nos mauvaises habitudes alimentaires, est le fléau de notre siècle. Face à une population de plus en plus croissante, comment continuer à satisfaire tous ses besoins multiples ? C’est pourquoi, à l’heure où la pauvreté est à son comble, il est temps que la sonnette d’alarme soit tirée. En effet, n’est-il pas inacceptable qu’une partie de la population vive dans l’opulence, tandis qu’une autre partie meurt dans l’indifférence ?

Nous le voyons, l’aggravation incessante des inégalités est certainement le principal danger qu’encourt le monde. En effet, comme l’indique le Forum économique mondial « le fossé persistant entre les revenus des citoyens les plus riches et ceux des plus pauvres est considéré comme le risque susceptible de provoquer les dégâts les plus graves dans le monde au cours de la prochaine décennie ». Sommes-nous confrontés à une innocence de la misère ou souffrons-nous de la misère de l’innocence ? Tandis que certains déroulent abondamment leur luxe, d’autres sont assiégés par une famine, ne faisant de leur bonheur non plus un droit, mais une quête vaine. Sont-ils insouciants ou sont-ils aveugles ? Pourtant, au seuil de leur palais, trainent des êtres affamés que la faim dévore, avec pour seul compagnon un malheur inflexible. Il semblerait donc qu’au banquet du bonheur, seuls quelques chanceux sont conviés.

Blottis dans notre confort quotidien, plus aucune conscience ne nous interpelle. Pire, nous parvenons encore à vivre soucieux, chagrinés, tristes et malheureux alors que nous possédons du pain chaud, de l’eau fraîche, un sommeil paisible, une tranquillité absolue. L’alimentation reste pour beaucoup un bien espéré. La pauvreté est synonyme de perte d’espoir, d’impuissance, d’exclusion. Être pauvre, ce n’est pas seulement ne pas pouvoir manger à sa faim, mais c’est aussi n’avoir qu’une influence minime sur les diverses décisions pouvant affecter notre quotidien. Être pauvre, c’est sombrer dans l’isolement aussi. Être pauvre, c’est être confronté à toute une palette d’inégalités enchainées les unes aux autres qui vous jettent dans le gouffre de la pauvreté. Ainsi, la lutte contre la pauvreté est une lutte de tous les jours, et ce, dans des conditions atroces.

En ce moment même, des millions de personnes vivent des jours sombres et difficiles. Beaucoup se retrouvent sans famille sur laquelle compter, sans logement où se réfugier le soir, sans éducation scolaire pouvant leur donner un espoir d’avenir. Ainsi, nous ne sommes pas les seuls touchés; mieux encore nos problèmes sont insignifiants. Pensons à ces gens qui ne se retrouvent dans l’isolement et la souffrance pas seulement un jour ni seulement pendant un mois, mais pendant toute l’année. Mais parviendra-t-on un jour à éradiquer cette pauvreté qui semble n’avoir aucune fin ?

 

Chaïmae Ouaret