Reconnue en 1992, la Fondation Abbé Pierre se prononce comme étant le porte voix des défavorisés. Avec la campagne « Abbé Road » entamée le 5 mai 2014, l’organisation a pour but de souligner la situation de mal-logement, surtout auprès des jeunes. Pour boucler la boucle, la fondation organise un concert de bienfaisance le 18 octobre à La Cigale avec une panoplie d’artistes urbains dont Disiz, Canardo, Casseurs Flowters et consorts. Les héritiers d’Abbé Pierre seront sur scène pour mener la lutte humaniste. Yves Colin, directeur communication de l’organisation, nous en parle.

La campagne « Abbé Road » arrive à terme. Quel est le bilan que vous tirez de cette aventure ?

Un bilan extrêmement positif. On partait à l’aventure pour rencontrer un jeune public souvent imperméable aux messages sociaux que nous diffusons. Pourtant, ce public devrait en être le plus sensible parce qu’on a constaté que les jeunes étaient dorénavant la tranche la plus lourdement impactée par les problématiques de mal-logement. Par là, j’entends les problématiques d’accès et de maintien au sein d’un logement. Les charges augmentent tellement que le budget imaginé, au départ, par le jeune se retrouve impacté très lourdement par les charges d’énergie. De plus, les jeunes sont les premières victimes des marchands de sommeil et de logements indignes. Aujourd’hui, cette génération est en réel danger par rapport à ces thématiques. Il était impératif de s’adresser à celle-ci et de tirer la sonnette d’alarme.

Parallèlement, on tenait aussi à faire un travail de mémoire sur l’Abbé Pierre que les jeunes de 15 à 20 ans n’ont quasiment pas connu.

Par ailleurs, l’affiche représente l’Abbé Pierre…

Exactement. C’est un pochoir avec le texte de son appel de l’hiver 1953-54. C’était un hiver extrêmement rigoureux et des gens mourraient massivement dans les rues. L’Abbé Pierre constatait cette situation auprès des pouvoirs publics. Plusieurs évènements l’ont poussé à bout. Je pense à un petit gamin qui est mort dans un incendie de bidonville en région parisienne. L’Abbé Pierre avait interpelé les ministres en les conviant à l’enterrement. Quelques jours plus tard, lors d’une maraude, ils ont trouvé, sur le boulevard Sébastopol en plein centre de Paris, une femme morte avec son avis d’expulsion dans la main. C’était la goutte de trop. L’Abbé Pierre a ensuite appelé la nation à réagir par le biais d’un discours à la radio. Dans ce contexte difficile de l’après-guerre, le mouvement citoyen a été incroyable et la nation a aidé ce petit bonhomme dans ses œuvres.

Ce fameux texte a été intégralement repris par un artiste du nom de JonOne pour en faire une fresque à l’occasion de l’anniversaire de la mort de l’Abbé Pierre. Elle raconte l’histoire de cet homme et celle de la fondation. C’est le plus bel emblème que l’on puisse montrer à la jeunesse.

Le 18 octobre prochain aura lieu le bouquet final : le concert à La Cigale. Pratiquement tous les artistes sont issus de la scène urbaine…

C’était absolument une volonté du comité de direction de la fondation. On a voulu axer nos actions sur un public jeune et également sur une frange de population souvent oubliée. Ces artistes permettent de toucher un auditoire auquel souvent les grandes institutions ne prêtent pas attention. Or, ce public est généralement le plus en difficulté. Que ce soit à l’accès aux services sociaux, ou la stigmatisation que subissent différents quartiers. Ce panel d’artistes est capable de parler à ces jeunes et d’être entendus. Le point d’orgue de cette opération se devait de se pencher sur ce public-là.

Plus de 20 000 signatures ont été récoltées durant ce projet « Abbé Road » en faveur de la Garantie universelle des loyers. Pourriez-vous mettre un petit peu d’éclairage sur cette démarche ?

L’idée partait d’une proposition d’une loi appelée Duflot votée définitivement par le parlement au début de l’année 2014. Son point de démarrage insistait sur le principe d’instauration de garantie universelle des loyers pour les personnes n’ayant pas les moyens d’être assurées. Un système, en somme, protégeant les deux parties à savoir le locataire et le propriétaire. Cette initiative a été vidée de son contenu lors des débats parlementaires. Cependant, elle restait inscrite dans la loi. Sous cette interpellation estivale, la fondation Abbé Pierre avait la volonté de sensibiliser la population et de réclamer l’obligation de cette garantie pour les moins de 30 ans. Une manière d’impliquer l’État en tant que garant pour les personnes en fragilité devant le logement. De plus, on demandait la fin de la caution parentale, un système profondément injuste.

On a remarqué que la démission du gouvernement a changé la donne. Elle a, depuis, été largement remise en question sur bien des points. On attend des éclairages sur le système de cautionnement des jeunes. Pour l’heure, nous sommes dans le flou artistique. Toutefois, on compte arriver dans le débat avec ces 25 000 à 30 000 signatures et être à la hauteur de celui dont on a hérité le combat. On ne lâchera pas le morceau.

Comme vous l’indiquiez, l’association se préoccupe énormément des jeunes. Avec la crise, comment voyez-vous la situation en France sur ces thématiques ?

La difficulté, au-delà des problématiques de gouvernance politique, est le problème économique. Cela restreint les actions étatiques sur ces champs d’urgence. On sent également monter dans la société une vague de repli sur soi qui fait oublier la notion de solidarité. Il est inquiétant de remarquer la propagation d’idées extrémistes, quelles qu’elles soient. Ce n’est pas pour autant qu’on va changer de fusil d’épaule. Le cas des Roms, par exemple, est une situation très stigmatisante. Avant d’être des Roms, ce sont tout d’abord des personnes humaines. Le caractère humain est une priorité pour nous dépassant toute autre considération. Même si nous resterons les seuls à hurler dans le désert, on continuera à hurler.

Hormis le soutien des artistes, est-ce qu’il y a un soutien issu de la classe politique ?

Bien sur. Nous sommes en interpellation permanente du pouvoir politique. Il ne s’agit pas de se faire acheter par un responsable politique, quel qu’il soit. On discute toujours avec la sphère politique à l’exception de ceux qui, pour nous, sortent du champ de ce qui est acceptable. Je pense, par là, au Front national. Avant tout, on souhaite faire avancer les choses dans le champ institutionnel. Il est parfois nécessaire, comme l’a fait l’Abbé Pierre, de passer un coup de gueule et mobiliser la société civile afin que le rapport de force s’établisse et qu’on puisse influer dans le sens d’une plus grande solidarité.

Napoléon voulait faire des grains de sable, des masses de granit. Quel conseil donneriez-vous pour une meilleure cohésion sociale ?

Ce serait présomptueux de vouloir donner des conseils, mais je trouve que, parmi ces artistes, certains racontent merveilleusement bien les choses. En règle générale, lorsque l’on nous demande de nous exprimer, on à tendance à se référer à l’Abbé Pierre. Là, on pourrait se référer à Disiz, par exemple, qui, sur la version urbaine du titre « Le chemin de Pierre », employait des mots extrêmement vrais et proches des mots véhiculés par la fondation. Ça touche profondément. Disiz a tout de suite répondu présent avec la volonté d’aller plus loin. Et il l’a fait. Le groupe IAM, également, en faisant le clip « Habitude », a parfaitement compris le monde de la rue et l’urgence de ces situations. On compte sur ces voix capables d’avoir les mots justes et de parler à notre place afin de toucher d’autres publics auxquels on n’aura jamais accès, sans eux.

Un dernier mot pour Alohanews ?

Venez nombreux le 18 octobre à La Cigale !

Propos recueillis par Nikita Imambajev

Réservez votre place ici ! 

Les tarifs de cette soirée ont été volontairement maintenus afin de permettre à un large public de pouvoir y accéder.

– 19 euros (tarif plein)

– 9 euros (étudiants et – 18 ans)

– 5 euros (demandeurs d’emploi).