Les stéréotypes, ce grand mystère de la psychologie humaine, auxquels nous avons tous déjà été confrontés, que l’on soit considéré comme grand fana de bananes par un supporter de football ou bien encore d’intégriste islamiste soumise, par une gracieuse inconnue dans le métro, et cela sur la base de nos appartenances, origines, croyances et surtout apparences. La grande question se pose d’elle même : d’où viennent toutes ces idées reçues, parfois intégrées dur comme fer dans l’inconscient de chacun, qui peuvent, parfois même, être consciemment assumées ? Les médias, l’école, l’entourage, la famille, les amis, bref l’environnement dans lequel se meuvent les individus, sont bien des sources d’intégration de stéréotypes divers et variés… Et si c’était bien plus profond que ça ?
Les stéréotypes sont définis comme étant des idées reçues – souvent infondées, non vérifiées – mais pourtant communiquées, partagées, entre des individus à propos de populations, de groupes ayant des caractéristiques particulières, qui les différencient de ceux qui usent de ces stéréotypes. Ces différences peuvent être culturelles, sociales, religieuses, dues à l’âge, l’appartenance politique, le physique, et je passe bien d’autres traits sociaux. En réalité, les stéréotypes peuvent concerner tout et n’importe quoi, ils sont permanents dans nos jugements, parfois sans même que l’on s’en rende compte. Et vous vous dites sûrement, que vous êtes exempt de stéréotypes et que vous n’êtes pas du genre à catégoriser les autres. C’est un leurre ! Pour mieux comprendre ce processus instinctif, souvent non-conscient, auquel nous sommes tous sujets, je l’illustrerai d’un exemple concret ; Si l’on rencontre une femme portant des lunettes, on aura tendance à penser qu’elle est plus intellectuelle, ou bien selon le design de celles-ci, on pourra penser qu’elle est plutôt timide, ou qu’au contraire elle est assez extravertie.
Un simple test permet de confirmer ces stéréotypes : demandez à une personne, qui ne porte habituellement pas de lunettes, d’en mettre. Les remarques telles que « Oh, tu fais secrétaire ! » ou « Pour une fois que t’as l’air intelligent(e) ! », ne se feront pas attendre. Ces clichés, de la secrétaire portant des lunettes, ou de l’illusion d’intellectualité qui en découle, sont courants et constatables. Or, les lunettes ne définissent pas les personnes qui en portent, ni ce qu’elles sont, la seule chose dont on peut être sûr lorsque l’on parle des individus portant des lunettes…c’est qu’ils ne voient pas très clair sans. Le processus qui amène les individus à recourir à ces stéréotypes peut être expliqué par des mécanismes psychosociaux, qui sont dus à l’intégration et au développement psychologique de l’individu, selon son environnement social. Pour notre exemple, on expliquerait l’intégration de ce stéréotype par les films, l’entourage, ou encore d’autres éléments. Celui qui stéréotype les secrétaires ou les intellectuels comme portant des lunettes, les aurait hypothétiquement souvent vus représentés de cette façon. Ce mécanisme psychosocial de stéréotypisation est donc automatique. Submergé d’informations, le cerveau doit les traiter, les ranger et les simplifier, d’où la facilitation que confèrent les stéréotypes. On cloisonne des individus, avec les mêmes caractéristiques, dans la même case en créant des généralités. Bien sûr, les environnements du développement psychosocial diffèrent selon les individus. Les stéréotypes implicitement intégrés peuvent donc varier selon les personnes. Toutefois, la plupart du temps, on constate que la culture, les médias, l’école, sont des cercles communs à chaque individu d’une même société, et véhiculent des stéréotypes absolus. Certes, par la suite, chacun est capable de faire preuve de discernement, en n’estimant pas ou plus, que les femmes soient un danger au volant (surtout lorsque, selon la préfecture de Paris, 3/4 des accidents recensés dans la capitale ont été provoqués par des hommes), ou bien encore que les Français ne savent pas parler anglais (bon, celui-là je vous l’accorde, contient peut être encore une once de vérité). Quoi qu’il en soit, les stéréotypes sont trop souvent erronés.
Bien que les exemples que je cite restent encore accommodants, certaines idées reçues catégorisant des individus ou des groupes entraînent parfois des dangereuses conséquences. Eviction sociale, racisme, voire une haine d’autrui chez certains. Or, pour pouvoir lutter contre un phénomène, il faut d’abord le comprendre. D’abord comprendre ces stéréotypes qui sont une facilité utilisée par chacun. Mais pas seulement. Comprendre au-delà de ceux-ci, les personnes stéréotypées. Il est primordial de saisir que nous sommes tous des humains complexes dans notre singularité, et notre apparence – et j’insiste sur l’apparence puisqu’elle reflète une appartenance quelconque qui est le point de départ du jugement d’autrui déclenchant le processus de stéréotypisation – ne définie qu’une infime partie de ce que nous sommes. Pour mettre fin à ces catégorisations automatiques, on peut suggérer que le changement doit s’exécuter à son épicentre, en d’autres termes à partir de la société comprenant l’éducation et les médias. C’est dans cette visée, que la nouvelle ministre de l’Éducation nationale; Najat Vallaud-Belkacem, à annoncé la mise en place du programme des « ABCD de l’égalité », dans 10 académies, pour lutter contre les inégalités et les stéréotypes sexuels. Celui-ci fut accueilli par un tollé. Non pas parce que ce genre de stéréotypes semble secondaire (lorsque l’on sait que sa collègue Taubira fut la cible de propos racistes plus que condamnables), mais bien pour d’autres raisons non liées avec la réflexion développée dans l’article. Il faudra donc compter sur autre que les instigateurs des maux pour les soigner, et jouer son rôle de colibri (cf Pierre Rabhi). La meilleure solution pour comprendre et lutter contre ce mal humain reste encore l’ouverture, à l’échelle individuelle. Non, ce n’est pas un idéal ! Et si nous commencions par remarquer puis lister les stéréotypes qui peuvent nous passer par la tête vis-à-vis d’autrui, puis les combattre en allant à la rencontre de l’autre, notre point de vue risquerait bien de changer. Cap ou pas cap ?
Amina Helimi