Enchainées à leurs chevilles, confinées dans des dortoirs au Somaliland au Nord Est de l’Afrique, des personnes souffrantes de problèmes mentaux vivent un enfer. C’est ce qu’annonce Human Rights Watch dans une vidéo publiée faisant le constat d’abus dans les centres de santé mentale au Somaliland. Dans un rapport nommé « Chain Like Prisoners » l’organisation a récolté 115 témoignages d’individus de neuf centres différents.
Selon l’ONG, le traumatisme de la guerre et le manque de centres de soins publics sont la cause de ces dérives au sein du pays. Pourtant, ces dernières années, de nombreux centres privés ont été créés pour pallier le manque de structures aptes à traiter les handicaps psychosociaux. Cependant, aucun contrôle n’est effectué au sein de ces centres. Un ancien patient du nom de Abdi, âgé de 35 ans et enchainé durant 14 mois, témoigne : « Les gens ici m’ont enchainé et ma famille leur a dit de me garder au centre (…) Nous étions enfermés 24 heures sur 24. Les toilettes étaient aussi dans le dortoir. Il y avait 45 personnes dans ce dortoir. Certains patients se mettaient à vomir ». Human Rights Watch affirme que de nombreux résidents subissent le même sort. Des bagarres pouvaient éclater entre les résidents. Les personnes concernées étaient ensuite punies et enchainées. Certains ont même été suspendus au plafond, la tête en bas. Par-dessus tout, des traitements, dont des médicaments psychotropes, ont été imposés de force à une partie des individus, sans aucune explication du personnel soignant. « Si vous refusez de prendre le médicament, la personne qui distribue les médicaments informe les gardes qui vous forcent alors à l’ingérer », postule Bulhan, un patient d’un des centres. Mowlid, un autre patient détenu dans un centre privé du Somaliland durant 15 mois, raconte que sa famille pensait que l’internement allait l’aider : « C’était trop dur. Je pensais constamment. J’avais l’impression d’être en prison ».
« Si quelqu’un est malade, on devrait l’emmener à un médecin et non pas à un centre à but lucratif. Certaines familles paient beaucoup d’argent à ces centres juste pour s’assurer que le patient y soit maintenu longtemps, sans nécessairement bénéficier de soins. Certains patients y sont oubliés et ne sont jamais relâchés », confie Abdi.
L’ignorance gouvernementale est un handicap
Laetitia Bader, chercheuse, atteste que le gouvernement du Somaliland a potentiellement les moyens pour remédier à cette problématique. « Le gouvernement a pris la responsabilité de mettre en place des services communautaires. Il est temps de faire l’état des lieux et d’œuvrer en collaboration avec la communauté internationale », explique la porte parole de Human Rights Watch.
Selon un article du Daily Mail, ce constat alarmant ne se limite pas qu’au Somaliland. En effet, différents pays d’Afrique dont le Soudan, l’Ouganda, le Kenya, le Nigéria ou encore la République Démocratique du Congo. Des milliers de patients, envoyés par leurs familles, sont enchainés à des lits ou cohabitent avec des criminels. Différents clichés poignants pris par le photographe humanitaire Robin Hammond font froid dans le dos. Ce dernier a sillonné les pays en crise d’Afrique afin d’immortaliser les moments de détresse de ces victimes d’injustice. « Une vie dans les chaines », confie-t-il.
Selon l’Organisation mondiale de la Santé, en Ouganda, avec une population de plus de 35 millions, seulement 30 psychiatres sont en fonction. 90% de personnes souffrant de troubles mentaux ne sont pas pris en charge. À Gulu, dans le nord de l’Ouganda, Robin Hammond a photographié un jeune garçon de 14 ans attaché depuis six ans à un bâton par sa mère. Elle a refusé de l’emmener à l’hôpital, éloigné du village. Des familles africaines font également appel à des guérisseurs spirituels persuadés que la prière peut-être un remède. Au Nigéria, Lekwe Deezia, guérisseur, s’occupe de personnes malades. Durant le traitement, les patients sont ligotés à un arbre dans la cour.
En République démocratique du Congo, les enfants souffrant de troubles mentaux sont accusés de sorcellerie et rejetés par leurs familles. L’Agence des Nations Unies pour les réfugiés annonce que la maladie mentale est souvent considérée comme une malédiction en RDC. Robin Hammond, avec d’autres photographes humanitaires, met en place un projet pour tirer la sonnette d’alarme et combattre l’ignorance qui profite à l’inaction. C’est avec la force des mots de la narration et le choc des photos qu’ils dénoncent les violations des droits humains et l’injustice sociale dans leur site Witness Change.
Nikita IMAMBAJEV