Le PSG de l’ère Qatari a encore frappé un grand coup durant ce mercato estival. Plus de 5 joueurs de classe mondiale ont rejoint les rangs de l’équipe : Sergio Ramos, Achraf Hakimi, Gianluigi Donnarumma, Georginio Wijnaldum et un certain Lionel Messi. Rien que ça. Mais derrière ce coup historique se cache une politique scrupuleusement menée par le Qatar depuis des années. Analyse.
Que l’on soit clair. Ces nouveaux transferts emmènent le club de Paris Saint-Germain dans une autre dimension avec un potentiel qui leur permet de se rapprocher encore plus de leur objectif : remporter la Ligue des Champions. L’arrivée de Lionel Messi fait passer un cap historique à l’équipe présidée par Nasser al-Khelaïfi.
Messi, la légende de football qui a passé toute sa vie dans son club de coeur, le FC Barcelone, vient dans la capitale parisienne afin de montrer ses skills et continuer de faire tourner la tête des amoureux du ballon rond.
Le Barca, en proie à des difficultés économiques en plus des restrictions financières de la Liga, n’a pas pu prolonger sa légende malgré la volonté de Messi de baisser son salaire de moitié. A 34 ans, Lionel Messi dépose ses valises à Paris devant des milliers de personnes excitées qui l’attendaient de pied ferme.
Ici c’est Paris
En 2011, le Qatar, via QSI (Qatar Sports Investments) rachète le PSG. Au fil des années et de recrutements, le club se développe et devient de plus en plus compétitif sur le plan national et européen. Le club remporte ses premiers trophées sous l’ère qatarie et accueille des grandes stars du ballon rond au sein de ses vestiaires (Beckham, Ibrahimovic, Cavani, Neymar, Mbappé…).
Sur le plan sportif, le PSG a clairement revalorisé la Ligue 1 française. Mais derrière ces transferts et ce rayonnement se cache un autre volet : une politique de soft-power.
Selon Carole Gomez, directrice de Recherchre à l’Iris, le rachat du club permet aux Qataris d’acheter l’image de Paris. Cette acquisition leur permet de « se rapprocher du pouvoir dans un pays dans lequel il y a moins de concurrence au niveau de clubs », explique Carole Gomez au micro de France Culture. Au niveau politique, le football permet de « se rapprocher du pouvoir et faciliter les négociations économiques entre les pays », conclut la chercheuse.
Un transfert qui s’inscrit dans un soft-power qatari
Le Qatar, depuis sa création en 1971, est un petit pays du Golfe. Voisin de l’Arabie Saoudite et des Emirats arabes unis, son modèle économique est basé sur l’exploitation du gaz et du pétrole. Conscients que ce modèle ne peut être durable à long terme, les dirigeants Qatari ont très vite axé leur développement sur d’autres terrains, celui du sport notamment avec une politique de soft power pour exister sur la scène internationale. Selon le Centre de ressources et d’information sur l’intelligence économique et stratégique, le Qatar suit deux logiques :
- Une logique économique : anticiper une baisse des revenus du gaz et inscrire l’économie du pays dans une démarche post-hydrocarbures, davantage tournée vers le tourisme et le commerce extérieur.
- Une logique diplomatique : Au-delà de la diversification de ses investissements, l’émirat s’est lancé dans la construction d’un soft power à l’international pour mettre en évidence sa modernité, sa richesse et son innovation, dans l’optique de son programme Qatar National Vision 2030. La dimension de prestige qu’apporte la diplomatie du sport (popularité, médiatisation, universalité et neutralité politique), vise à donner au Qatar les moyens de ses ambitions.
Le football au coeur du développement
le soft-power se définit par la capacité d’un Etat à influencer les autres Etats sur la scène internationale à travers des moyens non coercitifs. Par exemple, acheter un club de football et le rendre compétitif en signant les meilleurs footballeurs de la planète fait partie d’un des moyens de soft power du Qatar afin d’attirer l’attention du monde et accroitre leur puissance sur la scène internationale.
Cette vision est mise en oeuvre depuis les années 1990 : le Qatar se lance dans l’organisation de compétitions internationales : Open de Doha de Tennis depuis 1993, Masters du Qatar de gold depuis 1998, Tour du Qatar du cyclisme depuis 2002. En ce qui concerne le football, en 2010, le Qatar obtient l’organisation de la Coupe du monde de football en 2022, une première dans le monde arabo-musulman. Cette élection offre au Qatar le statut de leader régional.
La Coupe du monde 2022
Cette élection de la World Cup a fait couler beaucoup d’encre. En effet, suite à cette décision, les yeux du monde entier étaient braqués sur le Qatar : comment un pays qui a une culture si maigre du football peut obtenir un tel privilège ?
Mais c’est le système de la kafala, appliqué (autrefois) au Qatar, qui a choqué le monde entier. Cette juridiction appliquée aux travailleurs étrangers s’apparente, selon de nombreuses ONG, à de l’esclavage moderne. Le travailleur étranger est sous la tutelle de son employeur et ne peut quitter son travail, ni le pays, sans l’aval de son supérieur. Par ailleurs, le quotidien britannique The Guardian annonçait que plus de 6500 travailleurs migrants sont morts au Qatar depuis 2010.
En 2015, l’émirat présente une nouvelle loi qui abolit ce système controversé. Une décision qui construit une image positive aux yeux du monde. Une première dans le Golfe. Selon Pascal Brindeau, homme politique français et président du groupe d’amitié France-Qatar, « le football est l’un des instruments qu’utilise le Qatar pour montrer ses progrès démocratiques »
Avec l’acquisition du PSG et de l’attribution de la World Cup, le Qatar développe une diplomatie sportive efficace qui lui permet d’exister sur la scène internationale. « Il y a une quinzaine d’années, personne n’était capable de situer le Qatar sur une carte ou de donner quelques éléments de la politique intérieure ou de politique étrangère du Qatar », explique Carole Gomez. Avec le PSG, le Qatar remporte une victoire politique.